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INCARNATION


(le Dieu une » actuation » dans l’ordre de l’existence en soi, on n’a pas encore résolu toutes les difficultés. H reste à montrer que cette communication de l’existence ou su :.sistence divine n’implique aucune contradiction de la nature même de l’actuation d’existence. L’existence, en effet, n’est comparable ni à la forme substantielle, ni à la forme accidentelle, qualité, quantité, lesquelles n’existent que par la cause formelle proprement dite ; ni à l’acte vital qui procède d’un principe intrinsèque à l’agent ; ni même à la forme surnaturelle de la grâce, soit habituelle, soit actuelle, qui doit nécessairement être « reçue » dans l’âme ou dans ses puissances. Mais l’existence, sans modifier la nature, les puissances, les propriétés de l’être existant, a pour seul effet de donner à cet être et à ses puissances ou propriétés de sortir du domaine des possibilités pour entrer dans celui des réalités : elle les pose hors du néant, sans apporter la moindre modification aux éléments constitutifs des réalités qui, par elles, existent. Il ne paraît donc pas contradictoire que le Verbe, par sa subsistence personnelle, laquelle contient éminemment les perfections des subsistences créées, puisse, sans devenir forme de l’humanité, communiquer ce qu’il faut de subsistence pour placer l’humanité du Christ dans l’ordre des réalités. Aucune mutation n’en résulte pour le Verbe : la doctrine catholique, définie à Chalcédoine, voir t. ii, col. 2194-2195 et liYPosTATiQUE (Union), t. vii.col. 483 sq., est sauvegardée ; le Verbe demeure, àauYX^Twç, à-cpématç. Et la raison en est dans l’assertion théologique, fondamentale en la matière, que le Verbe est le terme formel de l’union. Il termine, dans l’ordre de l’existence, l’humanité qui vient à lui ; il la termine d’une façon intrinsèque, puisque l’existence est intrinsèque à l’être ; mais ce terme intrinsèque n’apporte aucune modification au Verbe lui-même. Toute la modification est du côté de la nature humaine qui, sous l’action divine, accède au Verbe et a été unie à lui : Incarnationis mysteriam, dit avec exactitude saint Thomas, non est impletum per hoc quod Deus sit aliquo modo a suo statu muiatus, in que ab aelerno fuit ; sed per hoc quod nova modo se creaturæ univit, YEL POTIUS EAM SIBI. Sum. theoL, III », q. i, a. 1, ad 1°’". Ces derniers mots marquent la meilleure explication de saint Thomas. Cont. (jentes, 1, IV, c. xlix ; Sum. theol., III », q. xvi, a. 1, ad 4’™ ; a. 6, ad 2°"i ; /n IV Sent., t. III, dist. I, q. I, a. 1, ad 1’"", et le commentaire de Cajétan sur le texte qu’on a cité.

A côté de cette doctrine thomiste, bien exposée, chez Gonet, disp. II, a. 1, § 6 ; les Salmanticenses, disp. III, dub. IV, § 2 ; on trouve d’autres explications, moins complètes, de Grégoire de Valencia, de François Albertini, d’Amico, de De Lugo, de.Jean Prudentius, etc. En voir l’exposé et la réfutation dans Godoy, De incarnationc, disp. XIV, n. 6 sq. ; cf. Salmanticenses, loc. cit., § 1 ; Gonet, loc. cit., § 3. L’opinion de Martinon, S. J., De incarnatione, disp. I, sect. iv, n. 55, admettant que le Verbe, ne recevant de l’incarnation aucun changement intrinsèque, a cependant été en quelque sorte innové dans la nature humaine, est longuement discutée et réfutée dans Gonet, § 4 et 5.

D’autres difficultés, de moindre importance, sont résolues par les commentateurs de saint Thomas, soit à la question de la possibilité de l’incarnation, soit à la question de l’union hypostatique, considérée du côté de la personne qui s’incarne. On n’a pas à y insister ici.

Sur la question du terme formel de l’union hypostatique dans le Verbe, voir les auteurs cités au cours de l’article. Sur la solution des principales difficultés, aux auteurs cités, ajouter De Lugo, De incarnatione, disp. XL sect. iv ; Franzelin, of). cit., thés. xxxr. Sur le parallélisme à établir quant à la notion de terme et terminaison, entre la personne

du Verbe dans l’incarnation et l’essence divine dans la vision béatifi<iuo, voir Intiitivk (V’i.sio/n.

VIII. Cause quasi-matérielle.

Avec moins de raisons encore que pour la cause formelle, on peut parler, dans l’incarnation, de cause matérielle. La personne du Verbe, encore qu’en un certain sens elle puisse, après l’incarnation, être dite composée, voir Hypostatique (Union), col. 521-524, ne joue pas le rôle de sujet (subjcctum) vis-à-vis de la nature humaine. Elle ne fait que lui communiquer, en tant que terme formel de l’union hypostatique en Dieu, la subsistence divine, (^f. De Lugo, loc. cit., sect. viii. A l’opposé, la nature humaine que le Verbe s’unit, serait appelée bien improprement la cause matérielle de l’incarnation. Cette appellation laisserait supposer, en effet, que le Verbe est reçu dans la nature humaine comme une forme dans la matière, un acte dans sa puissance. L’ne telle conception est purement et simplement hérétique, et reproduit l’hérésie monophysite. Toutefois, on peut parler de matière de l’incai’nation, à propos de l’humanité prise par le Christ, celle humanité étant la matière dans laquelle, in qua, ou circa quam l’union s’est faite entre Dieu et l’homme. On étudiera la nature humaine prise par le Verbe incarné à Jésus-Christ.

Il ne reste donc plus, se rapportant de loin à l’ordre de la causalité matérielle que les dispositions physiques qui pourraient avoir été requises dans l’humanité prise par le Christ pour que l’union fût possible, et les dispositions d’ordre moral, c’est-à-dire les mérites qui ont pu précéder et préparer l’incarnation. De là, deux sujets distincts à aborder dans cette question de la cause quasi-matérielle de l’incarnation : 1° causalité dispositive ; 2° causahté méritoire.

I. CAUSALITÉ Disi’OSiTiVE. — Cette question a déjà été étudiée en partie à propos de l’union immédiate du Verbe et de l’humanité. Voir Hypostatique (Union), col. 539-531. Nous n’avons pas à revenir sur les théories, d’ailleurs abandonnées, de certains théologiens du moyen âge, admettant, entre l’humanité et la divinité, en Jésus-Christ un lien substantiel. On n’envisagera pas non plus la question posée par les Salmanticenses, disp. VI, dub. i, au sujet des œuvres du Christ, disposition conséquente de l’incarnation (un peu dans le genre de dispositions qu’est l’acte de charité parfaite, lequel procède de la grâce et cependant dans la justification extra-sacramentelle, se trouve être la disposition dernière à la grâce). La question est un peu subtile, délaissée par la plupart des théologiens, et ne comporte qu’une solution négative, dont on trouvera, loc. cit., § 2, une ample et diffuse démonstration. La présente discussion est confinée, ainsi qu’on l’a laissé prévoir, voir Hypostatique (Union), col. 530, entre théologiens qui professent que l’union du Verbe à l’humanité sainte, en Jésus-Christ, est une union immédiate. Deux écoles sont en présence, toutes deux se réclamant des principes de saint Thomas, bien que l’une d’elles accueille des auteurs dont la théologie n’est rien moins que thomiste, Suarez et son école, Scot et ses disciples. Il s’agit de savoir si, pour être unie immédiatement au Verbe, la nature humaine doit être rendue apte à cette union par un mode d’union, c’est-à-dire par une disposition qui lui enlève son indifférence à subsister en soi ou dans le ^’erbe, disposition qui serait le terme même de l’action de la trinité dans l’incarnation.

1 » Opinion affirmative. — 1. Toute une école thomiste ne conçoit possible l’union de l’humanité au Verbe c|u’à la condition que cette humanité, de soi indifférente à subsister par sa propre subsistence ou par celle du Verbe, reçoive une détermination qui la dispose à recevoir la subsistence divine. Cette disposition.