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INCARNATION


de la nature humaine à la subsistance divine ; on peut donc légitinienienl, dans un sens analogique, chercher sous quel aspect la deuxième personne de la Trinité est la cause formelle de l’incarnalion. C’est la discussion théologique classique de persona assumente. S. Thomas, Sum. theoL, III*, q. m. Cette discussion peut être condensée autour de deux points principaux : 1° seule des trois personnes divines, le Verbe s’est incarné ; 2° dans cette prise de possession de la nature humaine par le Verbe, en raison du terme formel de l’assomption, les attributs divins ne sont pas contredits. On le voit, cette deuxième assertion ne se confond pas avec la question déjà traitée du constitutif formel de l’union hypostatique, ov ce mot, col. 525 sq., et Hypostase, col. 4Il sq.

1° Seule des trois personnes diiunes, le Verbe s’esl incarné. —. Il appartient ù la personne, et non pas à la nature divine, considérée comme telle, d'élever une nature humaine à l’unité de son hypostase. — L’assomption de la nature humaine peut être considérée sous un double aspect, celui du principe actif qui cause effectivement cette élévation de la nature humaine à l’unité de l’hypostase divine ; celui du terme auquel s’achève et se parfait cette union. Qu’on l’envisage soit du côté de son principe actif, soit du côté de son terme, l’assomption de l’humanité par Dieu ne peut se faire que par la personne et dans la personne divine. Or, des deux côtés, il est nécessaire que ce soit la personne qui unisse ou s’unisse la nature humaine ; qui unisse, car la cause efficiente, c’est-à-dire le principe agissant, ne peut être qu’une hypostase : actiones sunt suppositorum ; qui s’unisse, car le terme de l’union ne peut être la nature comme telle, mais l’hypostase, l’union en nature impliquant l’hérésie monophysite. Voir Hypostatique, (Union) col. 517. S. Thomas, Sum. theoL, 111% q. iii, a. 1 ; 7n IV Sent., t. III, dist. V, q. II, a. 1 ; et les commentateurs à cet article de la Somme. Toutefois, parce que la nature en Dieu ne diffère que rationnellement de la personne, on peut la concevoir secondairement sous l’aspect, non de nature, mais de réalité subsistante, comme le terme formel de l’assomption de la nature humaine par la divinité. L’union demeurera hypostatique et ne sera pas une union en nature. S. Thomas, Sum. theoL, loc. cit., a. 2 ; In IV Sent., t. III, dist. V, q. ii, a. 2. De ces principes, admis sans controverse par l’ensemble des théologiens, découlent plusieurs sujets de controverses, dont le seul intérêt est de faire approfondir davantage la notion de l’union de Dieu à l’humanité. — a) Supposé qu’en Dieu n’existe pas la trinité des personnes, en l’absence de propriétés relatives, l'être subsistant que serait ce Dieu constituerait encore un Dieu personnel ; c’est le Dieu du judaïsme et de tous ceux qui, concevant l’existence d’un Être suprême, n’ont pas la foi en la trinité des personnes. En ce Dieu personnel sera possible l’assomption d’une nature créée, parce que sera possible la communication à cette nature d’une subsistance personnelle. S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist., q. ii, a. 3. S’il ne s’agissait que d’un Dieu impersonnel, l’assomption de la nature humaine ne serait pas concevable. — b) Mais, tout en gardant la conception du Dieu de la foi catholique, personnel en trois hypostases distinctes, on peut se demander si ce Dieu, abstraction faite par notre esprit de la trinité des personnes, pourrait, par sa nature subsistante, commune aux trois personnes, s’unir une nature créée. La réponse des théologiens sur ce point n’est plus unanime : à la condition de ne pas concevoir l’essence divine comme privée de subsistence absolue, on peut, disent les thomistes à l’exception de Capréolus, donner à cette question une réponse affirmative. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIl", q. iii, a., 3, et les commentateurs, notamment Cajétan, Gonet, op. cit..

disp. VIII, a. 3, § 1 ; Billuart, dissert. VI, a. 3 ; Salmanticenses ; mais beaucoup d’autres théologiens, en dehors de l'école thomiste, suivent également cette opinion ; citons, d’après Suarez, disp. XIII, sect. i, n. 5, Scot. In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii ; Durand de Saint-Pourçain, ibid., q. ii ; Richard de Middletown, ibid., q. i, iv ; Gabriel Biel, ibid., q. i, a. 3, dub. iv ; Occam, ibid., q. i, auxquels il faut ajouter Suarez luimême, loc. cit. Répondent négativement Capréolus, qui ne conçoit pas qu’une subsistence absolue, parce qu’elle n’est pas incommunicable, puisse être le terme formel de l’assomption d’une nature créée. In IV Sent., t. III, dist. I, q. i ; et, avant lui, Alexandre de Halos, Summa, III*, q. ii, m. m ; q. vii, m. i, a. 3 ; S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. I, a. 1, q. m ; dist. V, a. 1, q. IV, qui ne reconnaissent pas en Dieu de subsistence absolue ; enfin, parmi les théologiens de l'époque moderne, principalement Vasquez, disp. XXVII, c. II. Les argmnents de Vasquez se ramènent à ceci : une telle union ne pourrait être dite personnelle, et la tradition des Pères, consacrée par le XI'^ concile de Tolède, insiste sur le caractère personnel de l’union d’une nature créée à la divinité. Les thomistes répondent qu’une telle union serait forcément personnelle, quoique non immédiatement. Cf. Gonet, Billuart, Suarez, loc. cit., et, dans l'école scotiste, Frassen, op. cit., disp. I, a. 2, sect. ii, q. ii, conclus, unica. — c) Un troisième problème spéculatif est agité entre théologiens : chacune des trois personnes divines pourrait-elle s’incarner ? C’est la même raison de personnalité, sauf les propriétés personnelles, que nous trouvons dans chacune des trois personnes, répond saint Thomas, Sum. theoL, III", q. iii, a. 5 ; cf. In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii, a. 3 ; donc n’importe quelle personne divine peut être le terme formel de l’assomption d’une nature créée. « La possibilité pour la personne divine de s’incarner vient de son infinité. Si la personnalité humaine s'épuise tout entière dans sa propre nature, la personne divine, elle, dont l’efficacité est aussi grande que son amour, peut se communiquer et faire subsister une ou plusieurs substances sans aller jamais au bout de sa vertu. Puisque l’infinité convient également aux trois personnes divines, puisqu’elles sont également puissantes, actives, fécondes au dehors, elles pourraient prendre toutes les trois (ou chacune séparément) une nature créée et l’associer à leur vie. » Hugon, op. cit., p. 112-113. Thèse commune des théologiens. — d) Les trois personnes divines pourraient-elles prendre la même nature simultanément ? Les thomistes tiennent pour l’affirmative, toujours en raison du même principe : la puissance, l’infinité conviennent également à chacune des trois personnes et par rapport au même objet : ce que l’une d’elles réalise dans la créature, les autres peuvent le réaliser aussi bien. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III », q. iii, a. 6 ; In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii, a. 4 ; et tous les commentateurs. Mais bon nombre de théologiens appartenant à d’autres écoles suivent aussi cette opinion. Parmi les anciens théologiens, citons Alexandre de Halès, III*, q. ii, m. iv ; Guillaume d’Auxerre, Summa., t. III, tr. I, c. i, q. vi ; Henri de Gand, Quodl, t. V, q. vu ; Gabriel Biel, In IV Sent., dist. I, q. i, a. 3, dub. iii, etc. Voir Suarez, op. c(7., disp. XIII, sect. ii, n. 3. L’opinion négative a les faveurs de Scot et de son école, Scot, In IV Sent., dist. I, q. m ; Richard de Middletown, ibid., a. 1, q. m ; auxquels il faut ajouter De Lugo, op. cit., disp. XII, sect. vi, et très vraisemblablement S. Anselme, Cur Deus homo, t. II, c. ix ; De fuie Trinilutis, c. iv, P. L., t. clviii, col. 407, 273 sq., et S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. I, a. 1, q. m ; sur la pensée de ces deux docteurs, voir Janssens, De Deo homine, t. i, p. 227-233. Voir la controverse dans Suarez, loc. cit. ; Gonet, loc. cit.,