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INCARNATION


Ja sanctification ? » L’opuscule anonyme sur V Humanité du Christ, attribué au docteur angélique, Opéra, Parme, t. xvii, p. 185 sq., ajoute une quatrième raison, tirée de la nature du Verbe, a. 3, p. 192 : « Le Verbe de l’homme, c’est-à-dire la parole intérieure par laquelle tout homme se dit à lui-même l’objet de sa pensée, porte en lui la vivante image du Verbe éternellement conçu dans le sein du Père. C’est pourquoi saint Augustin a dit : Qui peut comprendre ce qu’est notre verbe, avant qu’il se manifeste par les sons articulés de la voix, avant même que l’imagination forme en nous la ressemblance des sons, celui-là peut contempler quelque image de ce Verbe dont il est écrit : Au commencement était le Verbe. Or, comme le verbe humain s’incorpore en quelque sorte dans la voix pour se révéler sensiblement aux hommes, ainsi le Verbe de Dieu s’est revêtu de notre chair afin de se manifester au monde. Mais c’est du soufïle (spirilus) de l’homme que se forme la voix ; il a donc fallu que la chair du Christ fût formée par le souffle, l’Esprit du Christ. » Cf. Terrien, La mère de Dieu, t. i, c. ii, p. 33-36. Le P. Terrien s’appuyant sur l’autorité de saint Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. IV, a. 1, q. i, concl., lequel invoque lui-même l’autorité d’Hugues de SaintVictor, complète la raison tirée de l’amour. « Ce n’est pas seulement l’immense charité de Dieu pour les hommes qu’il faut admirer dans le mystère de l’incarnation. Si le Fils de Dieu descend dans le sein de Marie pour y contracter avec elle un mariage indissoluble avec notre nature, il y vient attiré par les vertus de la divine mère, et surtout par l’amour dont brûle pour Dieu son cœur virginal. Dès lors, quoi de plus naturel que d’attribuer à l’Amour du Fiis, puisqu’il en procède, une union fondée de part et d’autre sur l’amour ? » Ibid., p. 36.

2° Cause instrumentale. - - Il est trop évident qu’une simple créature, ange ou homme, ne peut être cause principale efficiente de l’incarnation La cause ne peut pas être inférieure à l’effet, et, pour relier la créature à la subsislencc divine, il ne faut rien moins que la toutepuissance de Dieu. Mais la théologie catholique se pose le problème de la causalité instrumentale vis-à-vis de l’incarnation, par rapport à une simple créature. Le problème n’est pas purement scolastique : il concerne en effet un des titres glorieux donné parfois à la sainte Vierge par les Pères de l'Église : V instrument de Dieu dans l’incarnation. Oii examinera donc la possibilité d’une cause instrumentale créée dans l'œuvre de l’incarnation et l’application de la doctrine reçue à la part prise par. Marie dans l’incarnation du Verbe.

1. Une créature peut-elle être cause instrumentale dans l’incarnation ? — Deux opinions partagent les théologiens. Pour l’opinion affirmative, on peut citer des auteurs de première autorité, Suarez, Df incarnatione, disp. X, sect. i, n. 8 ; Bccanus, Summn theologise scolasliciv, de incarnatione, c. ii, q. v, concl. 3° ; Cabrera, In Sum. S. Thomee, III », q. ii, a. 10, disp. I, § 2 ; Godoy, ibid., disp. XI, n. 116, et surtout Gonet, op. cil, disp. VII, a. 4, n. 2. Les Salmanticenses adoptent et défendent cette opinion, op. cit., disp., dub. III, n. 37. Les raisons apportées par les partisans de cette opinion sont, en somme, assez faiples. (ionet se contente de baser sa thèse sur la fragilité des raisons qu’on lui oppose, n. 8-13. Les Salmanticenses donnent une raison positive, à savoir la possibilité pour l’instrument d’atteindre le mode créé d’union qui existe entre le Verbe et l’humanité. Cf. Hypostatiquf. (Union), col. 539. Sur ce mode d’union admis par les théologiens de Salamanque, voir plus loin : Causalité dispositire dans l’incarnation. Pour l’opinion négative, qui est la plus communément admise, on doit citer Contenson, op. cit., diss. 1 1, c. II, specul. m ;.lean de Saint-Thomas, op. cit., q. ii, a. 3, n. I. tout au moins dans l’opinion

de saint Thomas sur le constitutif formel de l’union hypostalique, voir ce mot, col. 526-527, et Hypostase, col. 415-418 ; Mohna, In I^"" part. Sum. tfieol. S. Thomw, q. XLV, a. 5, disp. 1 1 ; Vasquez, De incarnatione, disp. XXV, c. I, et, parmi les thomistes de moindre notoriété. Médina, Alvarez, Philippe de la Sainte-Trinité, (>ipullus, etc. Le fondement de cette opinion paraît plus solide que celui de l’opinion précédente. L’ne première raison, laquelle n’est pas admise cependant par Jean de Saint-Thomas, n. 2, c’est qu’il est impossible que la vertu infinie soit portée dans un instrument créé. Une seconde raison, proposée par Jean de SaintThomas, c’est que l’instrument doit exercer une action propre préalable, dont le terme doit être reçu dans un sujet. Or, dans l’incarnation, point de sujet pour recevoir le terme de cette action, attendu que l’incarnation ne consiste pas dans une entité créée, mais dans la subsistance du Verbe communiquée à la créature. De même que le Verbe ne peut être atteint par l’action de la créature, ainsi ne peut-il devenir le support d’une action créée. Point de place donc dans l’incarnation pour une cause instrumentale créée. Cf. Hugon, op. cit., p. 106-107.

2. Comment la sainte Vierge a-t-elle coopéré à l'œuvre de l’incarnation comme cause efficiente ? — Après la question spéculative de la possibilité d’une cause instrumentale créée dans l'œuvre de l’incarnation, la question de fait : Marie a-t-elle été cause instrumentale dans l’incarnation, et, dans l’hypothèse d’une réponse négative, quelle fut sa coopération active ? De rares théolofiiens, Suarez, Bt’canus, for. ciï., sans oser affirmer cpie la très sainte Vierge fût élevée par Dieu comme instrument de l’incarnation, pensent néanmoins que cette opinion, que semblent autoriser les dires de quelques Pères, cf. Suarez, n. 9, est une opinion recevable. Mais la plupart des théologiens, même ceux qui, comme Gonet, Cabrera, les Salmanticenses, admettent théoriquement la possibilité d’une coopération instrumentale à l’incarnation de la part d’une simple créature, refusent d’admettre qu’en fait aucune créature, pas même la vierge Marie, ait été prise par Dieu comme instrument de l’incarnation. C’est l’opinion de saint Tliomas, Sum. theoL, III", q. xxxii, a. 4 ; cf. q. xxxi, a. 5 ; q. xxxv, a. 3. Tout en négligeant les raisons tirées d’une physiologie incomplète, nous devons reconnaître avec saint Thomas que la maternité divine de Marie non seuk’ment ne requérait pas, mais excluait positivement, une coopération à l’union hypostalique elle-même. Le rôle de Marie, en elïet, consistait uniquement à fournir au Verbe la nature humaine, telle que les autres mères la donnent à leurs fils. Ou’elle ait été fécondée par l’Esprit-Saint, cela n’enlève rien à son rôle d’ordre naturel, où Marie agit, non comme cause instrumentale, mais comme cause principale. Voir Maiue. Cette nature humaine, aussitôt prise par le Verbe, de telle façon que pas même un instant elle n’a subsisté en dehors du Verbe, n’est que la matière sur laquelle s’est exercée l’action divine dans l’union hypostalique. Si la Vierge par impossible, avait dû concourir comme cause instrumentale à l'œuvre de l’incarnation, elle n’aurait plus été mère de Dieu, n’ayant plus été cause principale dans la formation de l’humanité sainte du Sauveur. Cf. Billuart. De incarnatione, diss., a. 4 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xlvi.

VII. Cause formelle.

Au sens propre, il n’existe pas de cause formelle dans l’incarnation, car le Verbe ne joue pas, vis-à-vis de la nature humaine, le rôle d’une forme. Concevoir l’incarnation de cette façon serait tomber dans l’hérésie apollinariste et monophysite. Voir Hypostatique (Union), col. 469-471 ; EuTYCHiîs, t. v, col. 1606-1607. Toutefois, c’est dans le Verbe que se trouve la raison formelle de l'élévation