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INCARNATION

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Cette raison thi’ologiquc, dit le P. Ilugon, est très plausible. Farloul où fait défaut le motif capital, fondamental, l’elïel est nécessairement arrêté ; il y aurait violation évidente du principe de finalité si une œuvre se produisait lors même que le motif principal aurait manqué. » Op, cit., p. 90-97. Dans l’hypotlièse soulevée, que se serait-il produit ? La théologie reste muette et s’en remet à la miséricorde divine. Mais l’opinion adverse a ses partisans. Citons Suarez, De incarnatione, disp. V, sect. vi ; Gropoire de Valencia, ibid.. p. vi ; Granados, ibid., tr. III, disp. II, concl. 2° ; De Lugo, ibid., disp. VII, sect. v, n. G3, etc.

VI. Cause efficiente.

Dans l’incarnation il importe de distinguer le principe aclif qui produit l’union de l’humanité au Verbe, du principe formel, ou du terme auquel aboutit cette union. Autre chose, en effet, est de produire l’iiumanité sainte de Jésus-Christ et de l’unir au Verbe, autre chose est de retenir dans l’être divin l’humanité sans subsistence propre. Ce dernier aspect de l’incarnation est propre au Verbe, et c’est de ce chef que seul des trois personnes divines le Verbe doit être dit incarné. Mais le premier aspect marque l’action commune aux trois personnes dans l’œuvre de l’incarnation : c’est l’aspect de la causalité efficiente. Toutefois comme la causalité efficiente peut être considérée soit dans l’ordre de la cause principale, soit dans l’ordre de la cause instrumentale, on devra étudier ici ce double point de vue.

1° Cause c/ficiente principale. — 1. Les Irois personnes de la sainte Trinité, par leur action commune, sont la cause efficiente de l’incarnation. — Otte assertion, qui est de foi, repose : 1. Sur la sainte Écriture, qui rapporte à Dieu, sans distinction de personne (sauf les cas d’appropriation, voir plus loin), l’œuvre de l’incarnation, Joa., III, 17 ; Rom., viii, 3 ; Gal., iv, 4 ; I Joa., IV, 10 ; si la mission du Fils dans la chair est rapportée souvent au Père comme à son principe actif, c’est que l’écrivain inspiré veut marquer par là la filiation divine selon laquelle, par voie de génération, le Verbe procède du Père. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 23962397. — 2. Sur l’autorité des Pères, notamment de saint Augustin, solus Dei Filius, quod liujus est Verbum, caro faclum est, quamvis Trinitate faciente. De Trinitate, t. XV, c. xi ; cꝟ. t. I, c. iv, P. L., t. xlii, col. 1072. 824 ; cf. Enchiridion, c. xxxviii, P. L., t. lxv, col. 251 : de saint Fulgence : Tota Trinilas nos reconriliavil per hoc, quod solum Verbum carnem ipsa Trinilas fecit. De fuie ad Petrum, c. ii, n. 23, P. L., t. i.xv, col. 760 ; cf. Hugues de SaintVictor, De sacramentis, t. II, part., I, c. iii, P. L., t. clxxvi, col. 376 sq. — 3. Sur les décisions dogmatiques de l’Église, du XI’= concile de Tolède : Incarnationem quoque hujus Filii Dei tota Trinilas opérasse credenda est, quia inseparabilia sunt opéra Trinitatis… missus tamen Filius, non solum a Pâtre, sed a Spiritu Sancto… a scipso quoque missus accipitur, pro co quod inseparabilis non.wlnm voluntas, sed operatio tolius Trinitatis ar/nosciiur, Denzinger-Bannwart, n. 284. 28.5 ; du IV’^ concile deLatran : Unif /enitus Dei Filius Jésus Clirislus, a tota Trinitate communiler incarnatus, Denzinger-Bannwart, n. 428.

— 4. Sur la raison théyloijique : l’union active, c’est-à-dire l’opération efficace qui rive l’humanité à la personne divine, est une œuvre ad extra, voir t. i, col. 399, et, par conséquent, commune aux trois personnes. Cf. Pierre Lombart, Sent., t. III, dist. I ; S. Thomas, /nyySe/i^, 1, III, dist. I, q. ii, a. l, ad 2um ; Sum. Iheol., III, q. iii, a. 4 ; et tous les commentateurs de saint Thomas sur cet article de la Somme, notamment Tolet, q. II, a. 3, et les Salmanticcnses, disp. V, dub. I, où l’on trouvera discutées longuement plusieurs subtilités proposées sur ce sujet par quelques théologiens de peu d’autorité, notamment Raconis, Antoine d.’lla Parra. Ces théologiens voudraient distinguer

une œuvre active commune aux trois personnes, la création, la conception du Verbe incarné, de l’œuvre active proprc au Verbe, l’assomption de l’humanité ou incarnation proprement dite. C’est, en réalité, confondre dans l’incarnation la cause cfliciente et la cause formelle. Voir une longue dissertation sur ce point dans Ysambert, op. cit., q. ii, disp. VII, a. 2-4, 2.

2. L’action commune des personnes divines, unique si on la considère du côté de Dieu, puisqu’elle s’identifie avec l’acte pur qu’est Dieu, est multiple, si on la considère dans son terme. Voir Hvpostatique (Union), col. 536. En faveur de l’opinion commune des théologiens qui distingue logiquement, mais non chronologiquement, l’action créatrice de l’âme raisonnable du Christ, l’action génératrice de son humanité, l’action unitive de l’humanité au Verbe, on devra consulter, en plus des auteurs indiqués, col. 536, les Salmanticenscs, loc. cit., dub. ii, § 2. Sur le terme « total » et sur le terme « formel » de l’action divine, voir IIyposta-TiQUE (Union), col. 521-525.

3. Par appropriation, l’incarnation est dite l’œuvre du Saint-Esprit. -- Sur l’appropriation, sa légitimité, ses fondements théologiques, voir t. i, col. 1708 sq. La sainte Écriture elle-même attribue à l’Esprit-Saint l’œuvre de l’incarnation. Luc, i, 35 ; cf. Matth., i, 20. La tradition, s’exprimant par les documents les plus vénérables, consacre cette appropriation : symbole des apôtres : qui conceplus est de Spiritu Sancto, Denzinger-Bannwart, n. 2 ; cf. symbole d’Épiphane, n. 13, formule dite Fides Damasi, n. 16 ; symbole de Nicée-Constantinople, n. 85 ; concile de Latraii, sous Martin I", can. 2, n. 255 ; XF^ concile de Tolède, n. 282 ; IIF concile de Constantinople, n. 290 ; symbole de saint Léon IX, n. 343 ; IV <^ concile de Latran, c. i, n. 429 ; profession de foi de Michel Paléologue, au IF concile de Lyon, n. 462 ; profession de foi du concile de Trente, n. 994 ; etc. La liturgie de l’Église a consacré, elle aussi, cette appropriation, en attribuant fréquemment l’œuvre de l’incarnation du Fils de Dieu au Saint-Esprit : rappelons, entre autres exemples, l’oraison du Saint-Esprit obligatoire aux messes votives de Beata, et l’invocation des litanies du Sacré-Cœur : Cœur de Jésus formé par l’Esprit Saint, dans le sein de la Vierge Mère.

On peut se demander quelles raisons spéciales existent quant à l’attribution à l’Esprit de Dieu soit de la conception miraculeuse de la chair du Sauveur, soit de l’union de cette même chair avec le Verbe de Dieu. » Ce qui réclame cette appropriation, dit saint Thomas, Sum. theoL, III", q. xxxii, a. 1, cf. In IV Sent., t. III, dist. IV, q. i, a. 1, c’est d’abord la cause de l’incarnation envisagée du côté de Dieu. Le Saint-Esprit par sa propriété personnelle est l’amour du Père et du Fils. Or, l’incarnation du Fils de Dieu dans le sein très pur de la Vierge est excellemment une œuvre d’amour : car le Sauveur a dit lui-même en son Évangile : Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Joa., iii, 16. Ce qui le demande encore, c’est la cause de l’incarnation, considérée du côté de la nature que le Verbe a faite sienne. En effet, nous apprenons par là que, si l’humanité du Sauveur est entrée dans sa personne, ce n’a pas été mérite de sa part, comme l’ont rêvé certains hérétiques, mais simple libéralité, bonté toute pure. N’est-ce pas au Saint-Esprit, le Don substantiel de Dieu, que l’Écriture attribue toute grâce, suivant la parole de l’apôtre : (7 u a une grande diversité de grâces, mais il n’est qu’un même Esprit, I Cor., xii, 4. Ce qui la demande enfin, c’est l’incarnation prise du côté de son terme : car elle allait à faire de l’homme conçu par la vierge Marie, le Saint par excellence et le Fils éternel du Père. Or, la troisième personne de la Trinité n’est-elle pas l’Esprit Saint, la Sainteté hypostatique, l’Esprit de