Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée
1505
1506
INCARNATION


accidentelles. Voir Jean de Saint-Thomas, lor. cit., n. 20. — e) Quant aux conséquences que les scotistes prétendent tirer de leur système, les unes ne leur sont pas particulières et se rencontrent tout aussi bien dans le système thomiste, par exemple, la gloire « plus grande » du Christ et celle de sa divine mère : « La bonté divine éclate bien plus dans l’ordre de l’incarnation rédemptrice que dans l’hypothèse d’une incarnation purement glorificatrice, puisque la gratuité de la gloire s’y double de la gratuité du pardon. La toute-puissance y déborde vraiment ; d’un plus grand mal Dieu tire l’occasion d’un plus grand bien. Là où le mal abondait, la grâce a surabondé, Rom., v, 28. » Schwalm, op. cit., p. 53-.’)4. D’autres conséquences leur sont propres, mais condamnent précisément leur opinion : telle, par exemple, celle qui consiste à enlever à l’âme de Marie la dette prochaine du péché originel. Bien que certains théologiens considèrent que l’on peut en regard de la doctrine catholique de la l’édemption universelle par le Christ, soutenir que Marie n’avait contracté, par sa conception, qu’une dette éloignée du péché originel, on estime généralement, surtout après la bulle Ineffabilis, que cette opinion est moins probable, et quelques-uns vont même jusqu’à la déclarer insoutenable, si l’on veut expliquer connnent la vierge Marie fut rachetée d’une façon plus sublime par le Christ. Voir Iimmacui.ée conception, col 1073 sq. D’ailleurs, Scot n’avait pas tiré cette conclusion de sa doctrine, lui qui professait que « Marie a eu besoin du rédempteur pour la préserver du péché. » In IV Sent., t. iii, dist. III, q. I, § Si aatem. Voir, sur ce point spécial. De Lugo, De incarnatione, disp. VII, sect. iii-iv. 3. Remarque et conclusion.

a) Remarque. — Dans sa controverse avec le P. Chrysostome au sujet du motif de l’incarnation, le R. P. Galtier, tout en maintenant que, sans le péché, le Verbe ne se serait pas incarné, a tenté la conciliation de l’opinion moyenne de Suarez et de l’opinion thomiste : « Puisqu’il nous plaît de rechercher le motif intégral et dernier de l’incarnation elle-même, reconnaissons sa complexité. Il comprend à la fois la réhabilitation de l’homme et la perfection du Christ. De cette fin totale poursuivie par Dieu l’une et l’autre partie sont essentielles, mais la seconde l’emporte sur la première en excellence. Pas d’antériorité proprement dite : la création, la permission du péché, la restauration du genre humain, l’incarnation ont été voulues en même temps ; mais, coordination harmonieuse, Adam doit au Christ d’avoir été voulu malgré sa chute ; le Christ a été voulu pour l’humanité, mais surtout pour lui-même ; sans le péché d’Adam, pas de Christ ; mais sans le Christ à venir lias de monde avec le péché. » Nouvelle revue Ihéoloijique, 1911, p. 114. Bien que l’auteur se défende de vouloir suivre Suarez, c’est, en réalité, à Suarez qu’il s’attache en mettant sur le même plan le double motif, réhabilitation de l’homme, perfection du Christ, qu’il appelle le motif « intégral de l’incarnation. C’est, à notre avis, confondre les deux sortes de fins, la fin cujus gratia, et la fin cui. Les thomistes, en faisant cette distinction, ont remis à leur vraie place, dans le plan divin, et la perfection du Christ et l’utilité de l’homme : « De l’opinion dite moyenne (de Suarez), écrit le P. Ilugon ( en faisant allusion aux articles du P. Galtier) il ne faudrait pas rapprocher - - connne on l’a fait parfois et tout récennnent encore - - la théorie de Cajétan, de Gonct, des Salmanticenses, etc. Tous ces théologiens enseignent énergiquement, à rencontre de Suarez, que le motif unique de l’incarnation est la rédemption du monde, que sans la chute, le Verbe ne serait point venu parmi nous ; enfin, que pour les anges et pour nos premiers parents dans l’état d’innocence, la grâce et la gloire essentielles n’émanent pas du Verbe incarne. Ils s’attachent, d’autre part, à

DICT. DE TÉnOL. CATIIOI, .

montrer que, même dans cette théorie, le Christ peut être appelé, en un sens légitime, le centre de la création et le premier-né de tous les prédestinés, Op. cit., p. 74-75.

b) Conclusion. — Notre conclusion sera la conclusion si prudente de saint Bonaventure. Voir col. 1501. Au point de vue de la raison, l’opinion scotiste semble plus satisfaisante ; mais au point de vue de la foi fondée sur la révélation, l’autre opinion semble s’imposer. Théologiquement, la première a l’argument de l’autorité de théologiens considérables et de la raison théologique ; mais la seconde repose sur l’autorité plus forte de l’Ecriture et des Pères. Sans prendre parti pour aucune des deux opinions, on doit dire que celle de Scot est probable et que celle de saint Thomfs est plus probable.

S. Thomas, . Sum.f/ito ;., III », q. i, a. 3 ; In IV Sent., Aist. i, q. I, a. 3 ; Capréolus, In IV Sent., I. III, dist. I, q. unie, 1. a ; Cajétan, In Siim. iheol. S. Thoinx, loc. ciI. ; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, disp. III ; Salmanticenses, ibid., disp. II ; Billuart, disp. III ; Gonet, disp. V ; Tolet, In Sum. Iheol. S. Thomæ, Inc. cit. ; Vasquez.De incarnatione, disp. X ; De Lugo, ibz’fL, disp. VII, Legrand, i&id., dissert. VII, c. III ; Thomassin, op. cit., t. I, c. v-xi. etc. Les auteurs scotistes ont déjà été cités au cours de l’article. On lira avec profit la dissertation, dans le sens thomiste, du P. Hilaire de Paris, capucin, Ciir Deus liomo, Lyon, 1867, et les ouvrages, dans le sens scotiste, du P. Chrysostome, Christus, alpha et oméga, Lille, 1910, et surtout. Le motif de l’incarn^ition et les thomistes contemporains. Tours, 1921, où se trouvent reproduites les controverses que l’auteur a soutenues, dans les Études franciscaines, avec le R. P. Ilugon, O. P., dans Revue thomiste, 1913, p. 276 sq.. Le motif île l’incarnation, article reproduit dans Le mystère de l’incarnation, Paris, 1913, c. V, et avec le R. P. Galtier, .S.. !., Nouvelle revue Ihéologique, 1911, p. 44-57 ; 104, Le vrai motif de l’incarnation.

4. Questions subsidiaires.

A l’occasion du motif de l’incarnation, les théologiens agitent quelques questions subsidiaires qu’on ne fera qu’énumérer. — a) L’universalité de la rédemption nous oblige à admettre, comme une vérité au moins théologiquement certaine, , que le Christ est venu elTacer tous les jiéchés, aussi bien les péchés actuels des hommes, que le péché originel, commun à toute la nature humaine considérée dans chacun des descendants d’Adam, Cf. I.loa., i, 7 ; II, 2 ; Ileb., i, 3. oir Rédemption. — b) Il est également certain que le Christ est venu sur terre principalement à cause du péché oriqincl : car, si le péché actuel et mortel est, en soi, plus grave que le péché originel, considéré comme faute de la nature, le péché originel est cependant un mal plus universel et plus profond, puisqu’il a corrompu la nature humaine tout entière, que Dieu avait constituée dans l’état de justice et de rectitude, ^"oir la doctrine de saint Paul sur rantithèse du Christ et d’Adam, Rom., v. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol., 111 », q. i, a. 4, et tous les commentateurs. — c) Donc, si, par impossible, le péché originel seul eût existé, sans aucun péché actuel, le Verbe, d’après l’opinion commune des théologiens même thomistes, se serait néanmoins incarné. On ne cite, sur cette doctrine communément admise, que deux ou trois noms d’opposants. Cabrera, Nazario, Godoy ; cf. Gonet, loc. cit., n. 71 ; Salmanticenses, De incarnatione, disp. II, dub. m. § 3. — d) Mais, dans l’hypothèse où le péché originel n’existerait pas et ((ue seuls les péchés actuels auraient été commis, la jilupart des thomistes, avec Gonet. loc. cit., n. 75, et les théologiens de Salamanque, loc. cit., dub. iv, voir les noms d’auteurs cités, n. 07, soutiennent qu’il n’y aurait pas eu d’incarnation, en vertu du décret divin actuel. Et ils appuient leur argumentation sur cette raison de saint Thomas : « Partout dans l’Écriture, le motif de l’incarnation est tiré du péché du premier homme ; » donc, sans ce péché, il n’y aurait pas eu d’incarnation.

VIL — 48