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INCARNA TfON

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lie la divinité dans la créalion du monde. Voir, contre i’évêque Jacques Naclant, O. I^. Enarralioiies in Episl. ad Eph., c. i, sect. ii, p. i, Digrcssio de prædestinatione Chiisli, I.yon, 1657, l’explication de ces textes et des textes similaires, dans Thomassin, De incarnalione, t. II, c. vi. Enfin, il faut observer relativement aux textes oCi la subordination de l’incarnation à la rédemption est explicitement affirmée, voir col. 1489 sq., que les scotistes éludent la difficulté par une addition à la pensée des Pères, laquelle est toute gratuite et sans fondement. Les Pèies, disent-ils, auiaient parlé de l’incarnation du Verbe dans une (liair passible et inoilclle. Or, cette restriction n’existe pas plus dans l’Écriture que chez les Pères ; nous n’avons donc pas le droit de la leur prêter. Quant aux Pères qui ont pu parler de chair passible, il resterait à déterminer si leur but n’était pas de réfuter l’erreur docèteou gaianite. Voirces mots. — c) Quant aux arguments de raison théologique, leur réfutation par l’école adverse fut précisément l’occasion du progrès théologique dans l’exposé de l’opinion contraire, qu’il nous faut maintenant décrire.

2. Opinion a/jirmunt la suburdination de V incarnation à lu rédemption. — a) Comment se présente cette opinion au Xlile siècle ? — L’autorité peu considérable de Kupert de Deutz et d’Honoré d’Autun n’est pas suffisante pour qu’on puisse affirmer que l’opinion plus lard défendue par Scot était, avant saint Thomas et saint Bonaventurc, l’opinion « traditionnelle. » En réalité, la question précise de la cause linale de l’incarnation n’avait pas été posée avant Alexandre de Ilalés et Albert le C^rand. Les affirmations de l’Écriture, l’autorité des Pères, relativement à la subordination de l’incarnation à la rédemption ne constituaient pas, à proprement parler, une doctrine nettement fornuilée dans le sens que saint Thomas devait préciser et faire accepter par un grand nombre de théologiens : néanmoins c’est la base solide sur laquelle l’opinion opposée au scotisme s’appuiera désormais, une fois proposée par l’angélique docteur. En pareille matière, l’argument fondamental sur lequel les disciples de saint Thomas après saint Thomas lui-même reviendront sans cesse, sera celui-ci : « Les choses qui ne proviennent que de la volonté de Dieu et ne sont pas dues à la créature, ne peuvent nous être connues que d’après les saintes Écritures, ciul nous manifestent la volonté divine. Par conséquent, puisque, dans l’Écriture, la raison de l’incarnation est partout tirée du péché du premier homme, il est plus convenable de dire que Dieu a ordonné l’iEuvre de l’incarnation au remède du péché, en sorte que, si le péché n’avait pas été commis, l’incarnation n’aurait pas eu lieu. » Sum. tlieol.. II1 q. I, a. ?>. C’eut donc parce qu’elle relève des affîrmalions explicites de l’Écriture que ropinion que (levait défendre saint Thomas, pourrait, à plus juste litre peut-être que l’opinion de Ilupert et de Scot, revendiquer le titre de traditionnelle. En réalité cependant, il faut reconnaître qu’au moment où il se posa, le problème était tout scolastiquc ; tel il est demeuré, et tout le progrès de l’opinion thomiste consistera à ordonner et justilier les différentes assertions de l’angélique docteur, dans l’hypothèse de la dépendance de l’incarnation par rapport à la rédemption.

— b) S. Bonanenturc. — Il ne tranche pas le débat : il lui paraît simplement que la principalcraison de l’incarnation a été la rédemption du genre humain. Il rapporte les deux opinions catholiques. Des deux, denumde-t-il, laquelle est la plus vraie ? Celui-là seul qui a daigné s’incarner pour nous le saurait dire. On ne peut guère préférer l’une à l’autre, l’une et l’autre, étant acceptée par l’enseignement catholique et professée par des maîtres catholiques ; l’une et l’autre excitant notre âme à la dévotion, chacune selon une

considération différente : vidrtur autem primus modus (celui qu’embrasseront plus tard les.scotistes^ magis consonare judicio rationis ; secundus tamen, ut apparet^ plus consonai pietati fidei : quia auctoritatibus sanctorum et sacræ Scripturæ maijis concordat. In IV Sent., dist. I, a. 2, q. ii. Le docteur séraphique admet conséquemment que le Christ ne donne pas aux anges le premier mouvement essentiel de la grâce et la gloire. Ibid., ad 4’"". Mais la prédestination du Christ demeure voulue par Dieu avant toute autre chose, à cause de la prescience de la chute, ibid., ad ôi"" ; et la primauté du Christ doit s’affirmer en ce sens que le Christ, même considéré dans sa nature humaine, est chef des hommes, parce que les membres du corps mystique du Christ ne peuvent avoir la grâce que par la foi à l’incarnation, dist. Xlll, a. 2, q. i, 3° ; bien plus, les anges et les hommes, dans la gloire, puiseront dans le Christ tout ce qu’ils auront de gloire. Sermo de corpore Christi, n. 31, Opéra, Quaracchi, t. v, p. 563. — c) S. Thomas. — Dans le Commentaire sur les Sentences, ouvrage de jeunesse, I. III, dist. I, saint Thomas d’Aquin parle presque comme saint Bonaventure : il représente l’opinion contraire à celle qu’enseignait son maître Albert le Grand comme une opinion probable. parce que fondée sur les affirmations de l’Écriture et des Pères. Dans la Somme théologique, la pensée de saint Thomas est plus nettement formulée, III », q. I, a. 3. Il est plus probable que le Verbe ne serait pas incarné si l’homme n’avait pas péché. Voir col. 14î<0. Cette conception ne diminue pas la primauté du Christ : la prédestination du Christ demeure la cause de notre prédestination, en ce sens que, considérée dans tout l’enchaînement de causes qui aboutit à notre salut, notre prédestination doit être modelée sur celle du Christ : la fdiation naturelle du Christ étant le modèle de notre fdiation adoptive, et la grâce par laquelle nous devenons enfants adoptifs de Dieu étant une dérivation de la grâce du Christ. Suni. theoL, IIl", q. xxiii, a. 3, 4. Le Christ, considéré même dans sa nature humaine, est le chef de l’Église, des hommes qui, rachetés par lui, tiennent leur vie surnaturelle de lui-même ; des anges sur lesquels se répand quelque chose de la plénitude de grâces du Christ. Voir q. viii, et De veriiate, q. xxi.x, a. 7. Enfin, l’incarnation demeure la fin à laquelle tout est ordonné dans la criation, ainsi que les théologiens de Salamanque ont (TU le trouver dans deux passages de saint Thomas, Sum. theoL, III, q. xxiii, a. 3, 4, et In IV Sent., I. IV, dist. XLVIIl, q. ii, a. 1 ; ou tout au moins des merveilles de l’ordre surnaturel. Cont. génies, t. IV, c. xxvii. — c) Les explications de l’école thomiste. — Toutes ces affirmations nécessitent une coordination d’idées. Il faut, en elTet, concilier ces deux doctrines, le Verbe ne s’est incarné qu’à l’occasion du péché r et cependant l’incarnation demeure la cause exemplaire, efficiente et finale de notre prédestination. Cajétan, dans son Commentaire sur la Somme théologique, IIP’, q. I, a. 3, pose deux principes de solution : a. Il établit quelle prescience est requise en Dieu par la prédestination du’erbe incarné, et par là, il répond d’avance aux crituiues injustifiées de quelques disciples moins fidèles de l’angélique docteur, voir Tolet, op. cit., q. I, a. 3, 3* conclusio, relativement à la prétendue impossibilité de concilier, sans la science moyenne, la doctrine thomiste de la prédestination avant toute prévision des mérites et des démérites, avec la solution présente de saint Thomas dans la question du motif de l’incarnation, b. Il distingue l’ordre de conséquence matérielle, de l’ordre de causalité proprement dit, et ainsi établit dans le cas présent « lue si Dieu veut la priorité, dans l’ordre de conséquence matérielle, du péché sur l’incarnation, il ne s’agit pas d’une priorité de causalité réelle, le péché