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INCARNATION

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inspirées un sens contraire à celui qui découle de la primauté du Christ affirmce en maints endroits des Livres saints. Il faut donc dire que lorsque l'Écriture ou les Pères affirnient que le ^'erbe est venu nous sauver dans la chair, et à plus forte raison lorsqu’ils afRrment que, sans le péché à guérir, le Verbe ne serait pas venu dans la chair, ils entendent ici la chair passible et morlellc.que le A’erbe, certes, n’aurait pas prise si l’homme n’avait pas dû être racheté par les soulTrances de la croix. La formule traditionnelle : Qui propler nos et propier noslram salutem descendit de ca’lis, loin de créer une difficulté au scotisme, semble l’appuyer en distinguant un double motif dans la venue du Verbe : propter nos, motif de l’incarnation propter noslram salulem, motif de la rédemption. — y. Raisons theologiques. — La principale des raisons théologiques invoquées en faveur de l’opinion scotiste est l’ordre des vouloirs de Dieu. Cette raison a été exposée plus haut, col. 1496. — Une seconde raison est tirée des multiples difficultés auxquelles se heurte Fopinion adverse : Comment expliquer qu’une œuvre aussi parfaite que l’incarnation soit causée par le péché? Comment ne pas reconnaître au péché une utilité véritable par rapport à la venue du Verbe luiniême, dont il justifie, pour ainsi dire, l’existence humaine ? Comment conserver au Christ la primauté que lui assigne l'Écriture, alors qu’en réalité il semble fait pour l’homme ? Comment expliquer enfin que le Christ soit le chef de toute l'Église, c’est-à-dire des anges eux-mêmes, si de l’incarnation ne procède pas, indépendamment de l’hypothèse de la rédemption des hommes, la grâce essentielle des anges ? Cf. i-'rassen, lor. cit. ; Chrisfus, alpha et oméga, p. 375-385.

c) Discussion — a. Les adversaires font remarquer qu’aucune des preuves scripturaires ne démontre la thèse scotiste. Eux aussi admettent la primauté du Christ avec saint Paul et le livre des Proverbes ; mais ce n’est pas dans le même sens. La Sagesse incréée du livre des Proverbes n’est pas autre que le Verbe considéré dans sa divinité — ainsi l’interprète, d’ailleurs. Pie IX dans la bulle Inef/abilis, — voir col. 864 sq. Que si nous devions admettre qu’il s’agit ici de la sagesse créée (dato, non concesso, car le terme sx-ias n’indique pas une création, voir col. 1-181), il ne s’ensuivrait pas encore qu’il s’agit de la sagesse incarnée ; voir l’interprétation de Bossuet, acceptée de nos jours par Hurter, Theologix dogmoticæ, compendium, t. ii, n. 144, et par Pesch, De Dco uno. De Deo Irino, n. 472 ; mais, en acceptant qu’il soit ici question de la sagesse incarnée, il resterait encore à démontrer que la priorité accordée au Christ est une priorité de causalité, alors que le texte pourrait très bien s’intrepréter d’une priorité d’excellence ; enfin, en acceptant, sans le concéder, qu’il s’agisse ici d’une priorité de causalité, il ne résulte pas du texte que cette causaUté regarde toutes les voies de Dieu ; on pourrait encore l’entendre des voies de la réparation et de la restauration de l’homme après le péché. Quant aux textes de saint Paul, ni l'Èpître aux Colossiens, ni celle aux Éphésiens ne sont d’un véritable secours aux scotistes. Les versets 15-17 de l'Épître aux Colossiens ne se rapportent pas au Verbe incarné, mais au Verbe, considéré dans sa seule divinité ; le texte relatif au Verbe incarné ne commence qu’au verset 18, où le Christ est désigné comme le premier-né d’entre les morts. Tout l’argument croule donc par sa base. Ce texte de saint Paul, se rapportant à Dieu le Verbe, puis au Verbe incarné, est un exemple de communication des idiomes. Voir Hypostatique (Union), col. 444. Ainsi, il ne faut pas indûment attribuer la primauté absolue du Verbe, « en qui, par qm et pour qui tout a été fait, » à l’humanité que le Verbe s’est unie. De la sorte, nous ne ferons pas dire à l'Écriture que, purement et simple ment, « tout a été créé pour le Christ », alors qu’elle dit : « Tout a été créé pour le Verbe. » Schwalm, op. cit., p. 49-50. Quant à l’argument basé sur la récapitulation, il pèche lui aussi par la base, le mot àvoocetpaXaicôaaCTOcxi n’ayant pas, dans le texte de Paul, le sens qu’on lui prête. Toutefois, même avec ce sens, la restauration des créatures dans l'état primitif par le Christ n’imphque pas nécessairement que l'état de grâce primitif ait été constitué par Dieu dans le Christ. Enfin, Heb., iii, 10, ne démontre pas la thèse scotiste si on lit consummarc, texte reçu et légitime. Voir col. 1486. Si l’on veut Wre consttmmuri ci rapporter ce mot au Verbe incarné, on n’aboutit pas à un meilleur résultat ; car s’il est possible de dire que toutes choses sont pour (propler quem) le Verbe incarné, il est plus difficile d’accorder que toutes choses sont par (per quem) le Verbe incarné, du moins dans ce texte de Paul. On ne fait d’ailleurs aucune difficulté d’admettre que le Verbe incai’né doive être dit cause finale de toutes choses, tout en affirmant que, sans le péché, le Verbe ne se serait pas incarné. Voir plus loin. Sur le sens littéral des textes scripturaires invoqués par l'école scotiste, voir col. 148(i sc[. — b. Les textes des Pères ne prouvent pas non plus ce qu’on veut leur faire signifier. Sur plusieurs points, ce sont de simples opinions personnelles, sans portée dogmatique. On a déjà rappelé, d’ailleurs, qu’aucun texte ne dit explicitement que si l’homme n’avait pas péché, le Verbe ne se serait pas incarné. On fait observer ensuite que le sens accommodatice proposé par certains Pères, et d’après lequel toutes choses auraient été créées dans le Christ, formées à l’exemplaire du Christ, s’explique fort bien par le but poursuivi par les Pères dans leurs discussions. Il s’agit presque toujours de prouver la divinité du Verbe, attaquée par l’arianisme et les erreurs qui procèdent de cette hérésie. Il faut en dire autant de leiu" exégèse de Prov., viii, 22. L’exégèse des Pères ne nous lie pas, s’ils n’entendent pas donner par là le sens traditionsiel, et dogmatique reçu par l'Église. D’ailleurs, c’est en expliquant les livres sapientiaux que certains Pères, saint Athanase et saint Cyrille par exemple, ont proposé la doctrine contraire au scotisme. Ainsi, sans même les discuter à fond, pouvons-nous ne pas nous inquiéter outre mesure des déductions que les scotistes pensent tirer de certaines interprétations patristiques de la sainte Écriture. Il n’est pas difficile d’ailleurs de constater que même l’opinion adverse s’accommode facilement de la plupart des affirmations que les scotistes relèvent en faveur de leur opinion : elle accepte volontiers, par exemple, que l’homme ait été créé à l’Image du Christ, que le Christ ait été préfiguré dans l'état d’innocence, qu’Adam encore innocent ait connu et prophétisé le mystère de l’incarnation, sans en connaître le motif, oir Sum. theoL, H'-IL', q.ii, a, 7, que la prédestination du Christ ait existé de toute éternité et ait été le principe et l’exemplaire de notre prédestination, qu’en un mot soit due au Christ la’primauté absolue, encore que sa primauté ne s’affirme pas de la même façon par rapport aux anges et par rapport aux hommes. Quelques textes plus expficites des Pères relativement à la priorité de la prédestination du Christ sur la nôtre sont à interpréter d’après le contexte et selon le but poursuivi par leurs auteurs. Tertullien, affirmant que l’homme fut créé à l’image du Christ, se souvenait simplement de l'éternelle prescience de Dieu, par laquelle il était possible au créateur de former le premier liomme à l’image du Christ futur. Cf. Théodoret, Quivsl. in (ien., c. i, q. xix, P. G., t. lxxx, col. 102, Cyrille d’Alexandi-ie, rappelant l’impiété qu’il y aurait à soutenir que le Christ est pour nous et non pas nous pour lui, entendait simplement réfuter l’hérésie arienne qui présentait le Verbe comme un instrument