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IMPECCABILITE


1905, t. II, c. II ; S. Thomas, Sum. Iheol., I », q. cxviii, a. 1 ; Mystique.

Mais enfin la grâce se fait conquérante et ardente ; elle saisit esprit et cœur et les plonge dans les profondeurs de l’abîme divin. Si l’âme est fidèle, l’union d’amour entre le néant créé et l’Infini vivant se resserre toujours plus.

Comment en cet état l’âme pourrait-elle pécher ? Oui, elle peut pécher et elle pèche. Des fautes semidélibérées, des mouvements déréglés d’un instinct non éteint et non suffisamment surveillé, quelques actes hors de l’empire divin absolu obligatoire pour ces âmes ne peuvent pas ne pas échapper ainsi que des imperfections diverses, vestige dernier, sur les hauteurs, de la fragilité humaine.

C’est ce qu’avouent tristement les apôtres eux-mêmes, Jac, iii, 2 ; I Joa., i, 8, et toutes les âmes les plus saintes après eux. C’est ce qu’insinuait clairement le Sauveur en faisant redire à tous Dimilte nobis débita nostra… et c’est ce qu’a toujours déclaré l’Église : personne ici-bas, sans privilège tout spécial, n’est exempt de péchés véniels. Voir Grâce, t. vi, col. 1594-1595 (grâce et péché véniel).

De même, en efl’et, que le pécheur, dont la volonté reste révoltée contre Dieu, ne peut pas ne pas commettre de nouveaux péchés mortels, tout être suivant communément ses inclinations habituelles ; de même le juste ne peut pas éviter tous les péchés véniels, tant que sa sensualité reste dans son état de révolte contre la raison. Cf. S. Thomas, De verilale, q. xxiv, a. 12 ; Sum. iheol., I* ll^ q. av, a. 8 ; Salmanticenses, op. cj7., t. IX, dub. VII, disp. II ; Péché véniel.

Voilà le sage, le parfait du christianisme, sublime en sa pureté, malgré quelques restes, de mieux en mieux éhminés, de la faiblesse humaine. Ces restes ne peuvent être que des fautes à moindre responsabilité, car la grâce et l’amour le préservent assurément contre tout péché délibéré mortel ou véniel, et ces restes déplus, sont vite purifiés dans le fleuve d’amour qui sans cesse inonde l’âme sainte. L’assurance de préservation peut d’ailleurs se faire de deux façons : de façon définitive et absolue, grâce extraordinaire de la confirmation et en grâce et en sainteté ou de façon hypothétique et conditionnelle, c’est-à-dire pour autant que l’âme restera fidèle à l’union divine. Il semble que c’est ce second mode qui est la loi ordinaire de la vie des saints.

c) Sainteié impeccable hisioriquement. — Or ce parfait, ce saint chrétien n’est pas une abstraction livresque ; c’est une réahté vivante et vécue sans cesse dans des dizaines, des centaines peut-être d’âmes à chaque génération. C’est aussi une réalité plus humaine à la fois et plus divine que tous les sages impeccables du paganisme, de la philosophie ou de l’hérésie.

A qui historiquement ces privilèges ont-ils été concédés ? De façon hj’pothétique d’abord, semblet-il, à tous les saints arrivés au degré héroïque de leur sanctification. De façon absolue ensuite, croyons-nous, à ces merveilles de perfection que Dieu s’unit dès ici-bas indissolublement, en le leur disant explicitement ou peut-être parfois sans le leur dire. En tout cas tels furent sans doute, saint Jean-Baptiste, doctrine probable — les apôtres, doctrine très probable, et de façon partielle au moins plusieurs autres saints, saint Thomas d’Aquin, par exemple, en matière de chasteté ; peut-être même toutes les âmes parvenues au dernier degré de la vie mystique, à l’union transformante, au parfait mariage spirituel. Cf. Saudreau, op. cii., t. ii, t. VII, c. ii, p. 428 sq. Voir Mystique, Péché véniel et les articles spéciaux.

Mais plus haut encore dans la pureté et la sainteté impeccable, il faut placer saint Joseph et la sainte vierge Mariet

Saint Joseph d’abord, et nous disons cela avec plus de certitude que n’en avaient les anciens théologiens, car l’humble patriarche dans sa dignité subhme leur était moins révélé qu’à nous. Rien n’interdit de penser que Saint Joseph fut d’abord impeccable d’impeccabiUté absolue depuis son mariage virginal avec Marie, au moins en matière de chasteté, et puis en toute vertu depuis la naissance de Jésus. Bien plus quelques auteurs admettent que cet homme sublime, à qui Dieu donna Marie et Jésus comme ses biens personnels, bien de l’époux et bien du père, fut sanctifié dès le sein de sa mère et puis enveloppé d’une grâce d’impeccabilité si totale qu’en toute sa vie, il garda cette parfaite innocence qui seule pouvait convenir à son épouse immaculée et à son Enfant-Dieu. Voir l’article qui lui sera consacré. Cf. A.-M. Lépicier, Traclatus de S. Joseph, m-8°, Paris, 1908, p. 153-161. Voir en sens contraire L’Ami du clergé. 1921, p. 106-107.

Pour la Vierge immaculée et mère divine, Marie, nous savons qu’elle n’eut jamais rien à voir avec l’ombre même du péché, dès le premier instant de sa création. L’absolue pureté de notre mère céleste est un dogme de foi catholique. Concile de Trente, sess. VI, can. 23 ; S. Thomas, Sum. Iheol., III », q. xxvii, a. 4 ; Terrien, La mère de Dieu, t. ii, p. 67-112, et les traités théologiques De beala Virgine, au chapitre de sa sainteté ou des corollaires de l’immaculée conception.

Quelques anciens Pères, sans parler d’Origène et de Tertullien, comme saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Basile, en passant, il est vrai, et pour se débarrasser de l’exégèse d’un texte embarrassant, employèrent certaines expressions moins conformes au pur idéal traditionnel de Marie. Mais cela était si bien de Vobiter dictum, que ce fut sans influence sur la pensée chrétienne Jamais après le ve siècle, il n’y eut une hésitation sur l’immaculée pureté de Marie : la pleine de grâce, la mère de Dieu, l’aimée unique du Père, du Fils, du Saint-Esprit devait évidemment être toute belle et toute pure.

Pureté absolue dit formellement impeccantia complète. En Marie y avait-il aussi une vraie impeccabilitas ? Suarez et Vasquez autrefois n’admirent celle-ci qu’en un sens large et impropre, car, pour eux, le don d’intégrité, corollaire de l’immaculée conception, supprimait bien en Marie les mouvements désordonnés, mais non pas les mouvements non ordonnés (à peu près ce que saint Thomas affirmait en Marie, de par le fomes ligatus avant l’annonciation. Compendiumiheologias.c. ccxxiv.)Tout péché d’ailleurs aurait été de fait supprimé en Marie par une série de grâces congrues et ainsi efficaces. Mais cela ne suffirait pas pour une vraie impeccabilité. En etïet, cela ne suffit pas, et il faut admettre en Marie bien plus que cela certainement.

Le don d’intégrité, en effet, qui était en Marie comme en Adam, supprime radicalement la possibilité même du péché véniel, tant que l’âme reste en état de grâce, cf. S. Thomas, Ia-IIæ, q. lxxxix, a. 3, parce que, par définition, dans l’âme parfaitement ordonnée par ce don, surtout comme le fut Marie, aucun désordre ne peut entrer, sans pénétrer par la raison supérieure, maîtresse absolue de cette âme. Ou bien donc cette raison se révolte contre Dieu (péché mortel) et c’est la révolte partout dans l’âme ; ou cette raison reste soumise à Dieu et c’est l’ordre partout. Or, d’autre part, Marie assurément fut confirmée en grâce et absolument assurée contre le péché mortel. En eUe donc, aucune possibilité d’aucun péché ; impeccabilité absolue, par grâce à la fois et par don préternaturel en un état unique qui n’appartient qu’à Marie.

Il nous semble même qu’en s’arrêtant là, comme