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INCARNATION


et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances. Tout a été créé par lui et pour lui ; et lui-même est avant tout et tout subsiste en lui. Et lui-même est la tête de son corps, l’Église ; il est le principe, le premier-né d’entre les morts, de sorte qu’en tout il tient lui-même la primauté, parce qu’il a plu (au Père) de faire habiter en lui toute plénitude, et par lui de réconcilier en lui toutes choses, pacifiant par le sang de sa croix soit ce qui est sur la terre, soit ce qui est dans les cieux, » i, 15-20. Sur l’exégèse de ce texte voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, t. i, p. 300 sq. ; et Lightfoot, Saint Paul’s cpistle In the Colossians, Londres, 1892, p. 139-158. Sur le développement de la pensée de saint Paul, voir t. iii, col. 382-384. Au point de vue qui nous occupe, quelques précisions sont nécessaires. En appelant le Christ V image du Père, Paul emprunte une expression du livre de la Sagesse, pur synonyme de Fils. Le Fils, en elïet, est l’image du Père invisible, parce qu’il se trouve apte à le révéler aux hommes, ou même simplement parce qu’il est le Verbe du Père. Heb., i, 3. Ainsi, la qualité d’image est à la fois absolue et relative. La qualification de premier-né est purement relative et doit être comprise par rapport aux créatures. Cette expression ne signifie pas que le Fils doive être rangé parmi les créatures ; mais que toutes choses ont été créées en lui, qu’il est non seulement supérieur, mais antérieur à toutes choses. Son antériorité dans la durée est la raison de sa prééminence. Cf. Prat, op. cit., 1. 1, p. 400 ; t. ii, note H, § 4, p. 196 : J. Lebreton, op. cit., p. 300-308. Il ne paraît pas possible, d’après le contexte, de rapporter Ttpwxà-Toxoç TîàoYjç XTLCTSwç au Christ incarné. Prat, op. cit., t. I, p. 401, note 1. < En définitive, affirme le P. Prat, op. cit., p. 401, les trois titres de Fils, d’image et de premier-né se rapportent à la vie divine du "Verbe et sont trois aspects de sa génération éternelle, mais il y a entre eux cette distinction que la notion de Fils est absolue ; celle d’image est absolue et relative, celle de premier-né est relative dans son expression, puisqu’elle inclut l’idée d’un terme extérieur au Fils, mais s’appuie sur une perfection absolue, indépendante de l’existence des créatures. » Les versets 16 et 17 expliquent la pensée de Paul relativement aux relations du Christ préexistant dans le Verbe et des créatures ; tout est en lui, èv oi’j>- : <J), tout est par lui, S’.'aùxovj.tout est pour lui, sic, aÙTov. Cf. Heb., i, 2. Dans ces versets s’intercale l’affirmation de la primauté absolue du Christ sur les anges, v. 16. Cette primauté concerne aussi bien le Verbe que le Verbe incarné. Comme Dieu, par droit de nature, le Verbe est infiniment supérieur aux anges. Comme homme et par droit de conquête, le Christ est exalté sans comparaison au-dessus des anges. Mais saint Paul veut-il affirmer que la grâce des anges dérive du Christ ? Nous ne le pensons pas. Rien ne nous autorise à prétendre que la pacification universelle, produite par la mort du Fils et à laquelle les anges eux-mêmes ont eu part, soit une réconciliation des anges avec Dieu plutôt qu’une réconciliation des anges avec les hommes jusque-là rebelles à Dieu, cꝟ. 20, et Eph., I, 10. Il en résulte que la qualité de chef par rapport aux anges n’entraîne pas une communauté de vie surnaturelle, mais simplement une prééminence de dignité et d’honneur. » Prat, op. cit., 1. 1, p. 405. Le verset 18 exprime les relations du Verbe incarné avec l’Église dont il est le cheI. Q)uand Paul appelle Jésus-Christ le chef de toute principauté et de toute-puissance. Col., ii, 10, il n’a en vue que la prééminence de dignité du Christ sur les anges ; mais quand il s’agit de l’Église, Jésus-Christ en est dit le chef, par analogie au corps humain, dont la tête est le principe d’unité, d’accroissement, d’influx vital, Col., ii, 19,

d’harmonie, d’accord, de développement normal. Eph., IV. 15-16 ; cf. V. 23 ; i, 22-23. Peut-être, dans l’Épîlre aux Colossiens, quoique l’idée de primauté soit dominante, saint Paul songeait-il aussi en parlant du chef de l’Église à l’analogie qu’il souligne et développe dans les quatre autres textes cités. Ainsi le Christ n’est pas de la même manière chef des hommes et chef des anges. Comme ceux-ci font partie du royaume du Christ, il peut, à ce titre, en être appelé le chef ; mais il ne communique pas l’influx vital de la grâce aux anges qui n’appartiennent pas à son corps mystique. Cf. Prat, op. cit., p. 405. Dans l’explication de la primauté du Christ chef de l’Église, saint Paul se sert de la même série des particules, èv, 81â, eîç : il a plu au Père de faire habiter en lui tout le « plérôme », c’est-à-dire la plénitude de grâces qui devaient par le Christ se répandre sur l’humanité et par lui de réconcilier toutes choses en lui, ce dernier terme, eîç aùrôv, se rapportant au Christ et non à Dieu. Cf. Prat, op. cit., t. ii, p. 152, note E, i, 2. Dans ce texte, l’apôtre saint Paul touche à la répercussion pour ainsi dire générale de la rédemption. Le péché avait introduit dans le monde un désordre ; le Christ y ramène l’harmonie par la réconcihation générale de chaque créature avec les autres, cette réconciliation se faisant dans ou uers le Christ, considéré comme le centre commun de tous. Cette idée grandiose est exprimée sous une autre forme dans l’Épître aux Éphésiens, i, 9-10. « Dieu a résolu en lui-même, dans l’accomplissement de la plénitude des temps, de tout restaurer, àvaxecpaXaiwaaaOai, dans le Christ. » Sur le rôle du Christ, lien commun et résumé de la création, voir Piat, op. cit., t. ii, note E, II. Le sens de àvaxecpaXatwoaaOai. semble être que le Christ unifie tous les êtres dont il est le chef et le centre. — d) Mais nous touchons ici, au plan rédempteur lui-même, tel que Dieu l’a conçu de toute éternité, ce que saint Paul appelle « le propos éternel, antérieur à la constitution du monde. » Il résume ce plan d’une façon admirable dans l’Épître aux Éphésiens, I, 3-14 : « Béni (soit) Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; qui nous a bénis en toute bénédiction spirituelle, aux cieux, dans le Christ, comme il nous élut en lui, avant la fondation du monde, pour être saints, et sans tache…, en nous prédestinant à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la louange de sa gloire, de sa grâce, dont il nous a gratifiés dans le Bien-aimé, en qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes… ; en nous notifiant le mystère de sa volonté, selon le dessein bienveillant qu’il a formé en lui, … de réunir (récapituler, àvaxeçaXaiwaaaSai) toutes choses dans le Christ, celles des cieux et celles de la terre. » A Dieu seul revient la gloire et l’initiative du salut des hommes : prédestination, élection, rémission des péchés, collation de la grâce, bénédictions célestes au sens le plus étendu, tout dérive de lui. Tout cela, tant dans l’ordre d’exécution que dans l’ordre d’intention, se fait en vue du Christ, « dans le Bien-Aimé. » Enfin, l’ordre d’exécution se déroule le long des siècles, conformément à l’ordre d’intention conçu par Dieu de toute éternité. Prat, op. cit., t. ii, p. 129. Mais ici, comme dans le passage parallèle de l’Épître aux Colossiens, le plan divin de la rédemption des hommes, prédestinés dans le Christ, reçoit une extension dépassant les limites de la réparation du genre humain ou plutôt se rapportant aux répercussions de cette réparation sur tout l’univers créé. Jésus devient ainsi le centre de réconciliation de toutes choses. Il réunit et ramène à l’unité toutes choses en lui. C’est ainsi que se manifeste sa primauté sur toutes choses. Cf. Prat, op. cit., t. II, c. ii, § 2, Le plan rédempteur.

Le plan de l’incarnation chez les Pères.

1. Question

préjudicielle. — Les données de la sainte Écrit ure en