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INCARNATION


Evangelium, tr. CXX, n. 2, P. L., t. xxxv, col. 1953 ; De Trinilate, t. IV, c. xv, n. 20, P. L., t. xui, col. 901 sq. ; S. Léon le Grand, Serm., xxi, xxiv, xxv, de Nalivitale Domini, c. ii ; iv, c. ii ; v, c. v, P. L., t. liv, col. 192, 205, 211 ; S. Fulgence, Episf., xvii, c. iv, n. 9, P. L., t. Lxv, col. 457 ; S. Grégoire le Grand, Moralia, t. XXII, c. xvii, n. 42, P. L., t. lxxvi, col. 237. Voir d’autres textes dans Suarez, De incarnalione, disp. IV, scct. ii, n. 5 ; Vasquez, ibid., disp. IV, c. m ; Thomassin, De incarnutione, t. IX, c. i-ii, vu et IX. Les théologiens sont unanimes à suivre les Pères et, dans l'école scotiste elle-même, tous reconnaissent la nécessité de l’incarnation à ce point de vue. Cf. Frassen, Scotus academiciis, De incarnatione, Ir. I, disp. I, a. 1, sect. iii, q. ii, concl. 1. A ce point de vue, la nécessité de l’incarnation est une vérité logiquement déduite de la définition du concile de Trente, sess. V, n. 3, Denzinger-Bannwart, n. 790 ; elle semble impliquée dans Act., iv, 12. — c) La discussion libre, toute spéculative, porte sur la possibilité pour une simple créature, aussi élevée en grâce qu’on la suppose, — et ici l’homo purus doit être compris par exclusion, non de la grâce, mais de la seule divinité, cf. Billuart, loc. cil., § 2. — d’olTrir à Dieu une réparation de condignilé. Deux écoles se partagent les docteurs catholiques. La première, composée de théologiens de l'école scotiste, accepte cette possibilité. La seconde, plus nombreuse, ralliant les suffrages de la presque totalité des théologiens des autres écoles, résout la question par la négative. On ne peut entrer ici dans la discussion de tous les points touchés par cette controverse, qui se rapporte plus au problème du péché, voir ce mot, qu'à celui de l’incarnation. Voir sur cette controverse, Jean de Saint-Thomas, Cursus theologicus. In III^'^ parlem Sumniæ S. Thomx, q. i, disp. I ; De Lugo, De incarnatione, disp. V ; Vasquez, In Ill^m part. Sum. theol. S. Thomæ, disp. II, IV ; Gonet, Clypeus, De incarnatione, disp. IV, a. 1 ; Billuart, De incarnatione, diss. III, a. 2 ; Salmanticenses, De incarnatione, q. i, disp. I, dub. i-v ; Ysambert, De myslerio incarnationis, q. i, disp. IV ; Th. Raynaud, Christus Deus Homo, t. III, sect. i, c. m ; Scot, In IV Sent., t. III, dist. XX, n. 9 ; Mastrius, De incarnatione, disp. IV, q. v ; Frassen, op. cit., q. ii, etc. — a. La position de Scot et de ceux qui le suivent (Richard de Middletown, Auriol, Durand de Saint-Pourçain, Pierre de la Palu, Véga, etc.) suppose, on l’a spécifié, une réparation offerte par une créature totalement exempte de notre souillure et ornée de la grâce. Il n’est donc pas tout à fait exact de prétendre que les scotistes, même dans l’hypothèse d’une réparation de condignité, affirment que l’incarnation n’est pas nécessaire, parce que le péché, n'étant pas infini dans sa malice, peut être réparé par une simple créature. Tanquerey, Synopsis theologise dogmaliæ Paris, 1901, t. I, p. 521. Les scotistes, en effet, affirment la possibilité d’une réparation de condignité offerte par une simple créature, mais simplement de potentia absoluta Dei et secundum cxlraordinariam ejus dispositionem. Cf. Frassen, op. cit., q. ii, concl. 2^. L’exemple d’Adam, pouvant réparer d’une façon sufiisanle sa faute par un acte de charité dont l’ardeur eût dépassé la malice de son péché, acte d’amour procédant d’une grâce spéciale de Dieu, cf. Scot, loc. cit., n. 6 (cité par Pesch, dans le même sens que Tanquerey), n’est qu’une réponse à l’argument de saint Anselme, relativement à la nécessité de l’incarnation pour réparer une faute mortelle. Mais cet exemple ne fonde pas la thèse générale. Scot lui-même note au contraire que pour réparer pour autrui, il faudrait que l’honmie choisi pour cette réparation, homo purus, non uni à la divinité, soit conçu sans péché, et rempli de toute la grâce nécessaire pour mériter aux autres la rémission des péchés et la

béatitude. Il y a donc, sur ce point, dans la pensée scotiste une nuance qu’on ne saurait méconnaître sans injustice, et qui a été bien mise en relief par le cardinal Billot, De Verbo incarnate, p. 26. De plus, s’il est vrai d’affirmer que les scotistes ne considèrent pas le péché comme formellement et intrinsèquement infini dans sa malice ou dans l’offense qu’il fait à Dieu, il faut reconnaître que cette façon de voir ne leur est pas particulière : ils admettent une certaine infinité, toute extrinsèque et objective, par rapport à la majesté divine, mais qui ne s’oppose pas à la réparation possible par une simple créature. Scot, In IV Sent., 1. I', dist. XIX, a. 2, q. i ; cf. Duns Scot, t. iii, col. 18941895. C’est donc précisément sur ce point spécial que doit porter la controverse : impossibilité radicale pour une simple créature, si parfaite qu’on la suppose, de réparer d’une façon équivalente les injures faites à Dieu par les péchés de tous les hommes. Bien que cette controverse se rapporte plus particulièrement à la question du péché, voir ce mot, nous en tracerons ici les grandes lignes, en tant qu’elle touche au problème de la nécessité de l’incarnation. — b. Texte fondamental de saint Thomas. — « Une satisfaction de condignité devait avoir une vertu infinie, car le péché pour lequel elle était offerte, possède une certaine (quamdam) infinité, et cela sous trois rapports ; a. en raison de l’infinie majesté de Dieu, qui avait été offensé par le mépris de la désobéissance : plus élevé en dignité est l’offensé et plus grande est l’olîense ; p. en raison du bien que détruit le péché, bien infini, puisque c’est Dieu lui-même, dont la possession rendra les hommes bienheureux ; yen raison de la nature humaine corrompue par le péché, puisque cette nature atteint l’infinité en se multipliant à l’infini. » Cf. Cont. génies, t. IV, c. liv ; Sum. theol., 111% q.i, a. 2, ad 2'™ ; De veritate, q. xicviii, a. 2 ; Compendium theologiæ, c. cxcix, ce. — c. La critique scotiste entend ne laisser subsister aucun de ces trois arguments. L’infinie majesté de Dieu ne rend pas le péché infini en lui-même, autrement il faudrait accorder que la vision béatifique est un bien infini ; or, la possession du bien infini est une possession finie ; de plus, la multiplication à l’infini de la nature humaine réclame simplement, de la part du rédempteur, une grâce multipliée, quant à son intensité, dans la même proportion. En réalité, la nécessité de l’incarnation, sur laquelle il n’y a pas de désaccord entre théologiens, si on la considère simplement par rapport à l’ordre présent, provient du libre décret de Dieu ; Scot, In IV Sent., t. III, dist. XX, n. 12. Cf. Frassen, qui adoucit notablement la doctrine de Scot. loc. cit., concl. 1. — d. Parmi les théologiens de l'école adverse, celui qui se rapproche le plus de Scot, et semble en admettre tous les principes, sans en accepter cependant la conclusion, est Vasquez. InlII^'" part. Sum. theol. S. Thomæ, disp. II, c. i-v. Dans le péché grave, aucune offense ou malice infinie, c. ii, n. 8 ; aucune injustice proprement dite, infligée aux droits de Dieu qui demeurent intacts, n. 12. On ne peut pas même dire que l’infinie dignité de Dieu empêche la réparation de condignité, c. m. La seule raison sérieuse, c’est que le péché, soit originel, soit actuel, prive l’homme, non seulement de la grâce sanctifiante et de la vision béatifique qui en est la suite, mais encore de tout droit à la grâce excitante et adjuvante, qui lui serait nécessaire pour retrouver l’amitié de Dieu, c. v, n. 52. Quant à l’hypothèse d’une pure créature, élevée par Dieu à tel degré de grâce que l’on voudra, et destinée à offrir à Dieu une réparation pour les péchés des hommes, Vasquez estime, disp. IV, c. v, que la grâce d’adoption, la seule que posséderait cette pure créature, ne peut être la source que d’un mérite personnel de condignité et qu’aucun pacte divin, aucun intensité particufière accordée à la grâce ne sauraient