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INCARNATION

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a) parce iiiK' ropUmisme est une doclrine, sinon forinellenient liérélique, tout au moins erronée, restreignant arbitrairement l’indépendance absolue et la parfaite liberté de Dieu, voir Création, col. 2146 sq. ; b) parce que ces doctrines méconnaissent la nature de la bonté divine qui, en af^issant ad extra, n’est pas obligée de manifester sa perfection, mais seulement s’il lui plaît, de la manière et dans le degré où il lui plaît, cf. rJilluarl, /Je incarnulinne, diss. III, a. 2, § 1 : « pour quc l’iiilini ait une raison suffisante d’agir, pas n’est besoin qu’il se donne infiniment au dehors ou qu’il produise à l’infini ; c’est assez qu’il s’affirme l’infini par la manière dont il agit : et cette prtuve éclate dans la création de l'être le plus chélif, parce que la distance infinie du néant à l'être ne peut être franchie que -par une vertu infinie, » Hugon, op. cit., p. 05-66 ; cf. S. Thomas, Siim. theoL, 1°, q. xlv, a. 5, ad 3°"', et le commentaire de Cajétan ; c) parce que la nécessité pour Dieu de réaliser l’incarnation connne complément nécessaire du monde le meilleur possible ne tend à rien moins c|u'à enlever au surnaturel sa gratuité : doctrine maintes fois condamnée, spécialement chez Baius, voir ce mot ; d) parce que la sainte Écriture nous rappelle que le salut des hommes, dont l’incarnation a fourni le moyen, est un elïet de la pure complaisance de Dieu, Rom., IX, 1.5 sq. ; cf. Sap.. xvi, 11 ; l’incarnation ellemême étant représentée comme un témoignage d’amour et de miséricorde, Joa., iii, 16 ; Rom., v, 8 ; cf. III, 23 ; Eph., ii, 4 ; Tit., ii, Il sq. ; ce qui ne serait pas vrai, si Dieu était comme nécessité à la réaliser. Cf. Antoine Guterriezde la Sal, S. J., De incarnatione, disp. II ; De Lugo, De incanuilione, disp. ii, sect. ii ; cf. sect. iii, iv, v.

2. Nulle necessilé absolue de l’incarnalion, même conaéquemment au péché. — I, e mot absolue exclut ici l’hypothès d’une réparation. Dieu, en elïet, n'était en rien obligé, pas même par manière de décence, de réparer la chute du genre humain. Dieu pouvait simplement priver les hommes de béatitude, ne leur faisant en cela aucune injure, aucune injustice. Du côté de Dieu, nulle inconvenance à laisser son œuvre ainsi inachevée, puisque cette imperfection de l'œuvre divine proviendrait de la malice des hommes, non de l’impuissance de Dieu. Suarez, De incarnatione, disp. IV, sect. i, n. 1. D’ailleurs, rejetés, ensuite de leur faute, du bonheur surnaturel, les hommes auraient sans doute été conduits par la divine providence vers le bonheur naturel. Cf. Suarez, De f/ralia, proleg. IV, c. IX, n. 12 ; van Noort, Traclatus de Dec re emptore, n. 3. On objecte toutefois, contre cette doctrine sévère, mais exacte, l’autorité de saint Athanase, 73e incarnatione, n. G, P. G., t. xxv, col. 108 : « Il était indigne de la divine bonté, … souverainement indécent, que l'œuvre de Dieu soit détruite, etc. » Entendons ces termes, comme on l’a dit plus haut, d’une souveraine convenance, mais dont le contraire n’implique aucune inconvenance. Voir col. 1 163. L’autorité de saint Anselme est plus discutée. Dans le Cur Deus homo, t. I, c. iv ; t. II, c. IV, VI, XXI, P. L., t. cLViii, col. 365, 402, 403, 430, il semble supposer en Dieu, l’hypothèse du péché de l’honmie étant admise, une véritable nécessité de l’incarnation. Cf. a siclmk (Saint), t. i, col. 13381339 ; 1340. Quelques auteurs pensent que non seuKinent l’expression, mais la pensée est défectueuse chez Anselme. Petau, op. cit., I. il, c. xiii, n. 5 : Stentrup, De Vcrbo incarnato, part. III, Soteriologia, t. iii, IV ; Zeilschrifl fUr kcitlvvische 'I tieologie, 1892, p. 653 sq. D’autres ont voulu l’interpréter en bonne part, comme on le fait pour saint Athanase. Diirholt, Die Leitre uon dtr (icnnqluanij Christi, Paderborn, 1891, i).201 ; sq. Cf. S.Bonaventurc, In IV Sent., ], lll,

disl. XX, a. 2. (|. i : Alexandre de Haies, Summa, . part, iii, q. i, m. iii, a. 4 ; Billuart, loc. cil. On trouvera les textes incrinùnés et leur discussion dansJanssens, De Deo Domine, t. i, p. 40 sq. Voici la conclusion de l'éminent bénédictin : « En examinant de prés tout l’argument de l’ouvrage, la doctrine de saint Anselme paraît pouvoir se ramener aux trois chefs suivants : a) Dieu a créé les hommes dans le dessein de leur donner les places laissées vides par les démons. Or, la volonté de Dieu est innnuable ; l’homme se doit donc de remplir ces places. iMais par le péché il a été rendu incapable d’atteindre cette fin. La réparation s’impose donc comme nécessaire. 6) 11 répugne toutefois à la justice divine cjue la réparation de l’homme pécheur se fasse sans que la dette contractée par le péché soit payée ; mais cette detteest infinie. Donc, pour la réparation de l’homme, il faut que l’honnue paie une dette infinie, c) Mais pour payer une telle dette, il faut un homme et un hommecapable de donner l’infini. Or, de payer ce prix. Dieu seul est capable. Il est donc nécessaire que ce soit un Homme-Dieu qui paie le prix de la réparation, se substituant à l’honmie pur, et, par son immolation, , portant la peine qu’avait mérité cet homme. Sur ces trois chefs, auxquels se rattache la doctrine du Cur Deus Itomo, voici le jugement que nous croyons devoir porter. Le premier point est irrépréhensible, , sauf peut-être que le fondement sur lequel il repose paraîtra assez fragile à plus d’un. Sur le deuxième point, à la condition de l’entendre comme souverainement convenable, la « nécessité » d’une réparation ne renferme rien que de parfait. Mais nous pensons qu’ici saint Anselme a dépassé la limite du langage permis en parlant de nécessité stricte. Enfin, sur le troisième point, il faut distinguer le mode de réparation et les modalités de ce mode. En admettant le second point, à savoir que, d’après les décrets de Dieu, la réparation était de souveraine convenance, il s’ensuit que le mode de réparation par l’incarnation est nécessaire ; mais les modalités de ce mode, la passion, la mort ne le sont pas. La conclusion de saint Anselme, parlant ici de vraie nécessité, est encore excessive. » — On apporte également l’autorité de Richard de Saint-Victor, Liber de Verbo incarnato, c. viii, P. L., t. cxcvi, col. 1002 ; cf. Janssens, op. cit., p. 42 ; mais il semble que ce soit à tort. Cet auteur parle de la nécessité de l’incarnation pour offrir à Dieu une pleine réparation. Cf. Stentrup, loc. cit., p. 33.

3. Nulle nécessité de l’incarnation meme relativement à la réparation du genre humain déclui.

« On dit de deux façons qu’une chose est nécessaire :

a) ce sans quoi une chose ne peut exister ; la nourriture est nécessaire à la conservation de la vie humaine :

b) le moyen par lequel on parvient mieux et plus convenablement à une fin : un cheval est nécessaire c’est-à-dire très utile à la course. Il n’a pas été nécessaire de la première manière que Dieu s’incarnât pour la réparation de la nature humaine, car Dieu pouvait par sa vertu toute-puissante réparer cette nature d’une multitude d’autres manières ; mais il a (ilé nécessaire de la seconde manière ( c’est-à-dire très convenable) que Dieu s’incarnât pour la réparation du genre humain. » S. Thomas. Sum. theol., III^, q. I, a. 2. Dieu est au-dessus de tout ordre ; le péché n’existe que parce qu’il contredit l’ordre au bien souverain qu’il est lui-même ; il ne fait injure à personne en remettant ce péché sans réparation. Cf. q. XLVi, a. 2, ad 3'"". Tant de manières s’offrent à Dieu, en dehors de l’incarnation, pour remettre les péchés des hommes ; tout d’abord la rémission pure et simple sans exiger du pécheur aucune pénitence ni rétractation, dans l’opinion d’ailleurs improbable