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INCARNATION


II. 4, 5, P. L., t. CLXxxin, col. 37. Voir Thoniassin, op. cit., t. II, c. XII.

Considérée par rapport à la nature humaine, prise en soi, et indépendamment de l’iiypothèse de la chute, l’incarnation se justifie par cette raison de convenance que la nature humaine, mieux que la nature angélique, tout esprit, et que la nature inanimée, toute matière, résume en elle le monde de l’esprit et celui de la matière, et par là, unie au Verbe, glorifie davantage l'œuvre entière du créateur. S. Bonaventure, 7/1 IV Sent., t. III, dist. II, a. 1. q. ii ; S. Thomas, ibiiL, dist. II, q. i, a. 1, ad 1^"'.

b) Convenance de l' incarnation par rapport à la nature humaine dans l’hypothèse de la chute. — La chute de la nature humaine étant réparable, il convenait que la réparation fut faite. Cf. S. Thomas, .Simi. theol., I », q. Lxrv, a. 2. Mais l’incarnation était le moyen convenable de préparer et de réaliser cette réparation : a. Parce que pour ramener l’homme vers sa fin surnaturelle, il fallait avant tout lui fournir le moyen de se purifier complètement du péché. Or, ce moyen lui fut excellemment fourni dans l’incarnation, l’Homme-Dieu pouvant offrir à Dieu une réparation dont un homme pur eût été incapable, b. Parce que l’homme libéré de ses fautes passées devait être instruit du bonheur céleste et des moyens d’y parvenir. Qui, mieux que le Verbe incarné, personnellement instruit dans son humanité des mystères célestes, pouvait se faire notre précepteur et notre guide ? c. Parce que, nonobstant la distance qui sépare l’humanité de Dieu, il fallait efiîcacement élever l’esprit humain vers la participation de cette béatitude dont naturellement Dieu est seul capable. Par l’union hypostatique, où l’humanité touchait à la divinité. Dieu a fourni à l’homme un admirable exemple de l’union bienheureuse qui doit attacher l’esprit créé à rintelligence incréée. Motif d’espérance et de confiance pour l’homme, d. Parce que l’exercice des vertus, nécessaire à l’homme pour atteindre sa fin, devait être rendu plus facile par l’exemple de celui qui, étant Dieu et homme tout à la fois, devait exciter en nous une estime et une confiance plus grande, et rendre visible par son humanité la perfection que communiquait à ses œuvres son invisible divinité, e. Parce qu’enfin il est nécessaire pour notre salut que nous nous attachions à Dieu par la ciiarité. Avant l’incarnation, la bonté de Dieu était comme cachée et inaccessible aux recherches humaines. La masse des hommes, empêchés par les soucis terrestres et matériels de s'élever facilement ju qu'à Dieu laissaient l’amour de Dieu à l'élite qui, seule, parvenait à s’abstraire des préoccupations gênantes. Aussi Dieu, voulant ouvrir à tous une voie facile pour parvenir jusqu'à lui, s’est fait homme, afin que les plus faibles et les plus ignorants parmi les hommes pussent connaître et aimer Dieu, comme quelqu’un de semblable à eux. C’est ainsi, comme le chante l'Église, que par le mystère de l' incarnation, nous sommes amènes à l’amour des choses inuisibles. Préface de la Nativité. Toutes ces raisons que saint Thomas développe, Sum. theol., loc. cit., a. 2 ; Cont. génies, t. IV, c. i.iv ; Compendium Ihenlogiæ, c. cci ; cf. Sum. theol, III », q, 46, a. 3, les Pères de l'Église les ont exposées tout au long et sous mille formes différentes. On trouvera dans Thomassin, op. cit., t. I, c. v-xxi, une ample moisson de textes. Insislant sur la très grande convenance de la réparation du genre humain grâce à l’incarnation, saint Athanase, De incarnatione, c. vi, P. G., c. xxv, col. 108, et quelques autres Pères, cf. Petau, op. cit., t. II, c. xii, n. 4 sq., s’expriment parfois en des termes qui sembleraient impliquer l’inconvenance du contraire. Il faut savoir les interpréter, comme on doit pareille ment interpréter le sens de l’hymne Pange lingua gloriosi lauream certaminis : Hoc opus nostræ salutis, ordo depoposcerat, multiformis proditoris ars ut artem falleret, et medelam (errct inde, hostis iinde Uvserat. Voir plus loin, col. 147.5 sq.

Un dernier aspect de la convenance de l’incarnation par rapport à la nature humaine reste à signaler. Pourquoi Jésus, ayant pa prendre une nature semblable à la nôtre en la créant, a-t-il voulu néanmoins la prendre par voie de génération et être ainsi fils d’Adam, d’Abraham et de David ? Saint Thomas apporte de ce fait, dont l’existence est affirmée par l'Écriture et s’impose à notre foi, voir Jésus-Chp.ist, plusieurs raisons de convenance : « Comme le dit saint Augustin, De Trinitatc, t. XIII, c. xviii, Dieu pouvait se faire homme autrement que de la souche d’Adam…, mais il a préféré que l’homme, par lequel devait être vaincu l’ennemi du genre humain, provînt de la race de celui qui avait été lui-même vaincu ; et cela pour trois raisons : a. parce qu’il paraît juste que celui qui a péché satisfasse ; aussi le Verbe a-t-il dû prendre de la nature corrompue par le péché ce qui devait lui permettre de satisfaire pour toute la nature humaine ; b. parce que c'était relever la dignité de l’homme, en faisant naître le vainqueur du démon de la famille de celui que le démon avait vaincu ; c. parce que la puissance de Dieu se manifeste ainsi davantage : d’une nature infirme et corrompue il a pris ce qui devait être par lui élevé à une si grande puissance et dignité. » Sum. theol., III », q. IV, a. 6 ; cf. q. xxxi. En bref, l’incarnation est bien plus convenable, parce qu’elle apporte la réplique à la déchéance primitive. C’est roixovo(i.t-L des Pères grecs, prise dans son acception la plus parfaite. Saint Irénée la résume en quelques mots, en disant que le Christ est né de Marie, ut non alla plasmalio fieret, et non alla esset, quæ sulvaretur, sed eadem ipsa recapitularetur. Cont. hær., t. III, c. xxi, n. 10 ; c. xxii, n. 3, P. G., t. vii, col, 955, 959. Cf. S. Athanase, Contra Apollinarium, t. II, c.v, P. G., t. xxvi, col. 1140 ; S. Ambroise, De incarnalionis dominicse sacramento, c. vi, n. 54, P. L., t. xvi, col. 832 ; S. Fulgence, Ad Trasimundum, t. I, c. xv ; Epist., XVII, de incarnatione, n. 5, P. L., t. lxv, col. 238, 254. Voir d’autres textes dans Petau, op. cit., t. V, c. XVI, et Franzelin, op. cit., th. xiv.

Sur la convenance de la génération du Verbe incarné dans le sein d’une vierge, voir Marie.

S Thomas, Sum. ibeoL, Illa, q. i, a. 1 ; q. iii, a. 8 ; q. IV, a. 1, 6 ; q. xxxii, a. 2 ; in IV Sent., t. III, dist. I, q. i ; dist. II, q. i, a. l, 2 ; q. ii, a. 2 ; Contra Gentes, l. IV, c. XL, XLix, LUI, Liv, i, v ; Conipendiiini theologia', c. ccvii, ccvin ; Gonet, Cly/ieus, De incarnatione, disp. iii, a. 1 ; Tolet, /n Sum. S. TItomie, Illa, q. i ; Suarez, De incamalionc, (lisp. IV, sect. i ; Lessius, De perfectionibus divinis, 1. XII. c. VIII, IX ; De Lugo, De incarnatione, disp. I, sect. ii ; Théophile Raynaud, Cliristus Deus Iwmo, t. III, sect. i, c. i ; Thomassin, Dogmata theologica. De incarnatione, 1. I ; t. II, c. I, ii, xii ; Petau, Dogmala theologica. De incarnatione, t. II, c. vii-xii, xv-xvi ; Ysambort, De incarnatione, q. I, disp. I, a. 1 ; Frassen, op. cit., tr. I, disp. I, a. i, sect. II, q. I, ii, m ; Kleutgen, Théologie der Vorzeit, t. XII, c. I. Voir également les manuels de théologie sur rincamalion, cités au cours de l’article, et la plupart des apologétiques de l’incarnation et du christianisme en général.

3° Convenance de V incarnation, considérée dans ses circonstances. — 1. Circonstance de temps. — Pourquoi l’incarnation ne s’est-elle pas réalisée immédiatement après le péché du premier homme ? Pourquoi n’a-t-elle pas été reculée jusqu'à la fin du monde ? A vrai dire, cette deuxième question touchée par saint Thomas, Sum. theol., III*, q. i, a. 6, reçoit sa solution dès lors qu’on démontre qu’il a été convenable