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INCARNATION


ment, immedialeineiit, inséparablement, et de telle façon que de la personne du Christ ce bien souverain rejaillit sur toutes créatures raisonnables (le Christ étant chef de toutes), mais surtout sur les hommes, parce que nous avons tous reçu de sa plénitude. La nature corporelle elle-même en est rendue participante, puisqu’en Jésus-Christ elle fut élevée à la dignité de l’union hypostatique, puisque dans les justes, elle devient le temple du Saint-Esprit, puisque dans les sacrements, elle est l’instrument destiné à produire des effets surnaturels et qu’un jour, en toute hypothèse, à cause de l’incarnation, elle sera délivrée de toute servitude de la corruption. Cf. I Cor.. VI, 19 ; Phil., iii, 21 ; Rom., viii, 19. Chr. Pesch, op. cit., n. 371. Voir les textes des Pères dans Thomassin, De incamatione, t. I, c. i. — b) Charité, miséricorde, bénignité. — L’amitié que la simple philosophie humaine niait pouvoir exister entre Dieu et l’homme, existe par le fait de l’incarnation. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, I* II'>', q. xxviii, a. 1. Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Joa., III, 16 ; cf. Rom., v, 8 ; Tit., ii, 11 ; III, 4 sq. ; I Joa., iv, 9 sq. « Quel plus pressante raison de venir à nous que cette manifestation de l’amour que Dieu a pour nous et qu’il nous recommande avec véhémence ? » S. Augustin, De catechizandis rudibus, c. iv, n. 7, P. L., t. xl, col. 314. Cf. S. Pierre Chrysologue, Serm., cxlvii, De incarnationis sacramento, P. L., t. iii, col. 595-596 ; S. Léon, Serm., iv, de Nativitate Domini, c. i, P. L., t. liv, col 203 ; S. Bernard, In Nativitate Domini, serm. i, n. 2, P. L., t. CLxxxiii, col. 115 ; De diligendo Deo, c. V, n. 15 ; c. vi, n. 16, P. L., t. clxxxii, col. 983, 984. C’est parce que le Père a offert son Fils pour nous qu’apparaît sa grande miséricorde et sa bénignité infinie. S. Ambroise, De Jacobo et vita beafa, t. I, c. VI, n. 25, P. L., t. XIV, col. 608 ; S. Jean Chrysostome. In Epist. ad Heb., homil. xxv, n. 1, P. G., t. Lxiii, col. 174. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannis evangclium, t. IX, c. xiii, 34, P. G., t. Lxxrv, col. 162-163 ; S. Grégoire le Grand, Moralia, t. XX, c. xxxvi, n. 68, 69, P. L., t. lxxvi, col. 179 ; Bossuet 2°- sermon sur la passion de Jésus-Ctirist, ii<= point. Voir Thomassin, loc. cit. S. Thomas, sur la miséricorde, .Sum. // ! eoL, IIl », q. xlvi, a. 1, ad311’i'. — c ; Toute-puissance. — L’incarnation est, par antonomase, l'œuwre de Dieu, opus Dei. Cf. Habacuc, iii, 2 ; Is., xxviii, 21. La Vierge, dans son cantique, le proclame : /ecitmilii magna qui potens est ; Jccit potentium in bracliio sua. Luc, i, 49, 51. L’incarnation est, en effet, l'œuvre la plus excellente que puisse réaliser Dieu : sa dignité touche à l’infini. S. Thomas, Sum. theol., 1°, q. xxv, a. 6, ad 4'i"i. D’après saint Grégoire de Nysse, mieux que les plus éclatants miracles, l’incarnation fait ressortir la divine puissance. Oratio catech., c. xxiv P. G., t. XLV, col. 63. Cf. S. Basile, In ps. xuv, n. 5, P. G., t. XXIX, col. 399 ; S. Bernard, In uigilia Nativitatis, serm. iii, n. 1, P. L., t. clxxxiii, col. 94. Saint Léon le Grand fait remarquer que la toutepuissance divine apparaît surtout en ce que la gloire de la divinité n’a pas anéanti l’humanité, en ce que l’assomption de l’humanité n’a pas diminué la divinité. Serm., xxi, de Nativitate Domini, c. ii, P. L., t. Lrv, col. 191-192. On se souvient de la formule insérée dans la lettre dogmatique à Flavien : Sicut formam servi Dei forma non adimit, ila formam Dei servi forma non minuit. Voir Hypostatique (Union), col. 479. Cf. Thomassin, loc. cit., c. i, — d) Justice. — Le Verbe incarné, propitiation pour nos péchés, manifeste souverainement la justice divine. S. Thomas, .Sum. theol., III », q. xlvii, a. 3, ad luiii. Voir les nombreux textes des Pères, établissant que l’incarnation rétablit la justice.

soit à l'égard des droits acquis par le démon sur les pécheurs soit à l'égard de Dieu lui-même dans Thomassin, op. cit., c. iii, iv. Sur la convenance extrême, sur la nécessité de l’incarnation, par rapport aux exigences de la justice divine, voir plus loin. — e) Sagesse. — Dans cette œuvre où la justice et la miséricorde se sont rencontrées, Ps. lxxxiv, 11, apparaît la sagesse de Dieu. De plus, l’homme trouve dans l’incarnation un puissant motif de fuir le péché, de se souvenir de sa dignité, de pratiquer la vertu à l’exemple du divin Maître. Voir plus loin. Sur la sagesse divine dans l'œuvre de l’incarnation, cf. S. Jean Damascène, De fide orthod., t. III, c. i, P. G., t. xciv, col. 983 ; S. L.-^on, Serm., xxi, de Nativitate Domini, c. iii, P. L., t. Lrv, col. 192 ; S. Augustin, De agone christiano, c. xxi, P. L., t. xl, col. 297 ;

5. Thomas, Sum. theol., III », q. xlvi, a. 3 ; Cont. gentes, t. IV, c. lfv. Cf. Schwalm, Le Christ d’après saint Thomas d' Aquin, c. i.

2. Par rapport an Fils qui s’est incarné.

Bien que non seulement le Fils, mais encore le Père et l’Ffprit eussent pu s’incarner, voir plus loin, l’incarnat :  ! >n dans la seule personne du Verbe est plus convenable. Le Fils n’est-il pas proclamé, dans l'Écriture ? l’intermédiaire nécessaire entre le Père et le monde ? Cf. Heb., i, 2, 3 ; Col., i, 17 ; Joa., xiv,

6, 9 ; I, 18. De ces affirmations scripturaires, les docteurs de l'Église ont conclu à l’extrême convenance de l’incarnation du seul Veibe. — a) L’innascibilité appartient en propre au Père ; par appropriation, on lui attribue l’invisibilité, l’incompréhensibilité : tout autant de raisons qui militent contre son incarnation, c’est-à-dire contre une naissance temporelle, une manifestation personnelle du Père fait homme ; pensée développée principalement par Tertullien, Adversus Marcionem, I. II, c. xxvii ; Adversus Praxeam, c. XIV, XV, XIX, P. L., t. II, col. 317, 170, 171, 178. L’incarnation du Père ou de l’Esprit eût pu amener de la perturbation dans les esprits au sujet de l’attribution du nom de Fils. Cf. S. Athanase, Orat. i, contra arianos, n. 21, P. G., t. xxvi, col. 55 ; S. Jean Damascène, De fideorthod., t. IV, c.iv, P. G., t. xciv, col. 11061107 ; Gennadius, Liber ccclesiasticorum dogmatum, c. II, P. L., t. Lvii, col. 981 ; S. Fulgence, De fide ad Petrum. c. ii, n. 7, P. L., t. lxv, col. 675. Voirie développement de ces arguments dans Thomassin, op. cit., t. II, c. I, n. 1-4. — b) Le Verbe, image du Père, Heb., I, 3, et par qui toutes choses ont été faites, Joa., i, 3 ; Heb., I, 2 ; Col., 1, 17, est tout indiqué pour « refaire «  dans la création ce qui a été bouleversé et détruit par le démon et le péché. Sagesse du Père, le Verbe ne doit-il pas corriger les erreurs de la folie des hommes ? Sur le rôle attribué au Verbe dans la création, voir t. iii, col. 2115-2127. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert, xxix, P. G., t. lxxv, col. 434 ; S. Léon le Grand, Serm., lxiv, de passione Domini, c. ii, P. L., t. liv, col. 358 ; S. Irénée, Cont. hier., t. V, c. i, n. 1, 3, P. G., t. vii, col. 1120, 1123 ; Jobius cité par Photius, Bibliotheca, cod. 222, n. 1, 17, P. G., t. ciii, col. 735, 754. Image substantielle du Père, le Verbe est tout désigné pour s’incarner et par là donner aux hommes la possibilité de restaurer en eux l’image déformée par le péché. Cf. S. Athanase, Oratio de incamatione Dei Verbi, n. 13, P. G., t. xxv, col. 119. Voir le développement de cette pensée dans Hugues de Saint Victor, Erudit. didascalicæ, t. VII, c. xxiv, P. L., t. clxxvi, col. 834 ; cf. De Verbo incarnalo, c. Uï, x, P. L., t. clxxvii, col. 320. — c) Le Fils, par cela qu’il est Fils, paraît mieux indiqué que le Père ou l’Esprit pour nous apporter, par l’incarnation, la filiation adoptive. Cf. Gal., iv, 4, 5. Cette pensée fut souvent exploitée par saint Augustin, In Joa., tr. II, n. 5,