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INCARNATION


en face du mystère de l’incarnation est d’en démontrer la crédibilité. C’est d’ailleurs la démonstration qu’elle est appelée à faire en faveur de tout dogme révélé. En quoi consiste cette démonstration relativement au mystère de l’incarnation ? Voir Jésus-Christ. —

2. Abordant ensuite le mystère de l’incarnation en lui-même, la raison devra en démontrer négativement la possibilité, c’est-à-dire en faire voir la non répugnance. Il est entendu qu’elle ne peut pas, même après la révélation du mystère, nous en démontrer positivement la possibilité, c’est-à-dire nous faire voir le comment de la convenance des différents termes dont se compose le concept total de l’incarnation ; mais elle pourra toujours écarter de ces termes et de l’ordre à mettre entre eux la contradiction. Il s’agit d'écarter toute contradiction entre la notion d’un Dieu immuable, éternel, simple, infiniment parfait, infiniment distant de la créature, et la notion d’un Dieu se faisant homme dans le temps, prenant corps dans le sein d’une vierge, unissant en lui d’une façon substantielle les extrêmes, la divinité et l’humanité, l’esprit et la chair. C’est ce travail que la pensée catholique, surtout au moyen âge, recueillant la tradition des Pères de l'Église, a tenté avec succès, dans l’exposé des différentes causalités qui concourent à l’union du Verbe de Dieu avec l’humanité. Voir plus loin. Il faut de plus, dans le concept même de cette union du "Verbe et de l’humanité, éliminer toute notion impliquant contradiction. De là la nécessité de faire appel aux notions philosophiques de personne, de nature, de subsistance, d’union substantielle et personnelle, et de les coordonner, dans l’exposé du mystère, de façon à éloigner tout défi à la raison. Ce fut le travail de la théologie de l’union hypostatique, tel qu’il a déjà été exposé. Voir Hypostatique (Union), —

3. La raison devra enfin donner une certaine intelligence du mystère. Et déjà ce troisième aspect du rôle de la raison est inclus forcément dans le second dont il est inséparable, a) Les mystères sont, tout en demeurant incompréhensibles, intelligibles analogiquement, d’une analogie de proportionnalité, parce que les idées par lesquelles nous les exprimons peuvent et doivent être appliquées aux choses divines qu’elles expriment par analogie aux choses humaine auxquelles elles sont empruntées. C’est à la raison de choisir les notions qui, entendues analogiquement des vérités divines, nous feront percevoir, d’une manière vraie, quoique imparfaite, les mystères qu’elles expiiment. Ainsi, le mystère de l’incarnation est exprimé par les notions analogues de nature, de personne, d’union. — b) L’analogie par laquelle notre raison nous permet, non de comprendre le mystère de l’incarnation, mais d’en percevoir d’une manière intelligible les termes, se complète par les comparaisons que la théologie trouve dans les choses créées et qui nous font entrer plus avant dans l’intelligence de l’union mystérieuse du Verbe et de la chair : union du verbe mental et de la parole extérieure ; comparaison de la grelïe et du tronc ; de l’accident et de la substance ; union substantielle de l'âme et du corps en un seul sujet vivant, etc. Voir Hypostatique (Union), col. 499, 501, 504, 539 sq. — c) Enfin, sans apporter de raisons cogentes, la raison peut présenter certaines raisons de convenance qui inclinent l’esprit à considérer favorablement et à accepter le mystère. Dans l’exposé du mystère de l’incarnation, les théologiens ont souvent recours à ces raisons de convenance, qui, sans forcer l’adhésion de l’esprit, ne sont pas cependans sans utilité réelle. Convenance de la part de Dieu, souverain bien, cliercliant à se donner, non seulement à l’intérieur dans le mystère de la Trinité,

mais encore à l’extérieur. Convenance de la part de la créature qui tend vers l’infini et trouve dans l’union hypostatique le moyen le plus parfait de rejoindre Dieu. Convenance de la part des attributs divins qui, par l’incarnation, se trouvent glorifiés. Voir plus loin.

En plus des auteurs cités au cours île l’article, Frassen, Scotus academicus. De incarnatione, tr. I, disp, I, a. 1, sect. i ; Chr. l^esch. De Verbo incarnato, n. 47-63 ; Legrand De incarnatione Verbi diuini, dissert. I, c. n ; Monsabré, Exposition du dogme catholique. Conférence 34'.

III. Le dogme.

La notion catholique du dogme a été formulée authentiquement par le concile du Vatican : vérité contenue dans la révélation, tradition ou Écriture, et proposée à la foi des fidèles par le magistère soit ordinaire, soit extraordinaire de l'Église. Il n’entre point dans l’objet de cet article d’expliquer cette définition, voir Dogme, t. iv, col. 1575, ni de rappeler comment a été déformée, principalement par le rationaUsme, le semi-rationalisme et le modernisme, la notion du dogme. Il suffit de rappeler ici que le mystère de rincarnation est un dogme de la foi catholique : 1° parce qu’il a été révélé par Dieu ; 2° parce que cette vérité a été proposée authentiquement par le magistère de l'ÉgUse à la foi des fidèles. On en déduira l’obligation qu’ont les fidèles d’adhérer à ce dogme.

1° Que le dogme de l’incarnation ait été révélé par Dieu, c’est le fondement même de la religion catholique, qui se réclame, à sa fondation, du Verbe incarné lui-même. Comme on l’a rappelé en définissant l’incarnation, trois termes constituent essentiellement ce mystère : divinité, humanité, union substantielle des deux natures en la personne unique du Verbe divin. On a déjà exposé la révélation du dogme de l’union hypostatique. Voir col. 443-449. A l’article Jésus-Christ, on montrera comment, d’après la révélation, Jésus est homme parfait, et cependant s’affirme Dieu, Fils égal au Père, consubstantiel aux deux autres personnes de la Trinité. Que le dogme de l’incarnation ait été authentiquement proposé à la foi des fidèles par le magistère de l'Église, la chose est évidente. Déjà, les apôtres et les évangélistes promulguent la nécessité de croire au Christ, pour faire son salut. Joa., iii, 14 sq. ; v, 24 ; viii, 24 ; xi, 25 ; xvii, 3 ; Act., IV, 11-12 ; xxvi, 15-18 ; Rom., iii, 22-23 ; Gal., II, 16. Les définitions subséquentes de l'Église, portées au cours des siècles à l’occasion des hérésies naissantes, ne font que confirmer cette promulgation initiale. Ces définitions portent ou sur le dogme de la divinité de Jésus-Christ, ou sur l’intégrité et la réalité de son humanité, ou sur les rapports des deux natures, unité de personne, dualité des natures et des opérations. On trouvera toutes les indications utiles dans i’Enchiridion de Denzinger-Bannwart, Index systematicus, viii a -vin e, et dans le Ttiesaurus du P. Cavallera, n. 759-788. Ces diverses définitions du magistère trouvent place ici, dans les difTèrents articles, dogmatiques et historiques, se rapportant aux problèmes christologiques.

2° L’incarnation étant le fondement même de la religion catholique, il ne peut exister aucun doute que ce mystère ait été révélé explicitement et ait été présenté à la foi des fidèles d’une manière explicite dès le début du christianisme. Voir Explicite, t. v, col. 1868. Toutefois, le dogme de l’incarnation n’a pas été, dès le début, révélé et proposé d’une manière explicite dans toutes ses conséquences et sous tous ses aspects. Pour lui, comme pour le dogme de la Trinité, on peut distinguer trois stades. Dans un premier stade, l'Église ne propose encore qu’une croyance très simple en Jésus-Christ, à la fois Dieu et homme, croyance dégagée de toules controverses