Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée
1455
1456
INCARNATION


tures les connaissent par révélation, elles ne sauraient en avoir ici-bas une claire intelligence… Les mystères de la foi ne sauraient être ramenés par une créature à des principes évidents pour elle. Autrement ils ne dépasseraient plus les lumières naturelles des créatures, et ils ne seraient plus des mystères. » Vacant, loc. cit., p. 190, Cf. S. Thomas, Cont. génies,

I. IV, proœmium.

2° Le mystère de l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel. — l. La sainte Écriture. — L’incarnation doit être certainement comptée parmi les mystères cachés, dont la connaissance a dû être révélée aux anges. Eph., iii, 9 ; Col., i, 26 ; I Tim., III, IC. Les théologiens s’appuient surtout sur I Cor.,

II, 7-12, pour aiïirmer que la possibilité de l’incarnation ne peut être démontrée positivement (à l’aide d’arguments rationnels) par aucun esprit créé, fût-ce un esprit angélique, et même dans l’hypothèse d’une révélation déjà acquise de ce mystère. Cf. Suarez, De incarnatione, disp. III, sect. I, n. 3 ; Gonet, De incarnatione, dans le Clypeus, disp. II, a. 1, § 1, n. 53 ; Billuart, Tractatus de incarnatione, diss. I, a. 2. Certains exégètes pensent que de ces textes, et surtout de I Cor., ii, on ne peut déduire avec certitude qu’une chose : la nécessité d’une révélation surnaturelle pour faire connaître à un esprit créé les mystères proprement dits, et, en particulier, le mystère de l’incarnation. Mais cette connaissance une fois supposée, l’Écriture veut-elle affirmer que l’esprit créé, et spécialement l’ange, ne peut pas même encore comprendre positivement la possibilité du mystère ? cela ne ressort pas avec évidence des textes. Benoît Giustiniani, In omnes B. Pauli apostoli Epistolas explanationes, Lyon, 1612-1613, In I Cor., ii, 7 ; cf. Pesch, Prselectiones dogmaticie, Fribourg-en-Brisgau, t. iv, n. 54. On ne saurait toutefois oublier que la constitution Dei Filius du concile du Vatican, c. IV, De fide et ratione, s’appuie sur I Cor., ii, 9, pour démontrer qu’il y a des mystères proprement dits, et d’ordre strictement.surnaturel, dont la connaissance ne peut nous être acquise que par voie de révélation divine. Denzinger-Bannwart, n. 1795 ; cf. Vacant, loc. cit., n. 747-748. — 2. L’enseignement de l’Église. — De cet enseignement résulte avec certitude que l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel. Certes, l’Église n’a pas défini quels sont les mystères d’ordre strictement surnaturel ; toutefois, elle a défini, au concile du Vatican, l’existence de ces mystères. Loc. cit., et can. 1, Denzinger-Bannwart, n. 1796, 1816. Or, toute la tradition chrétienne nous afiirme que l’incarnation appartient aux mystères les plus cachés, voir plus loin ; donc, l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel. La majeure de cet argument est confirmée par d’innombrables documents pontificaux relatifs à l’existence des vérités d’ordre surnaturel. Grégoire IX. Epist. Tacti dolore, ad theologos parisienses, 7 juillet 1228, Denzinger-Bannwart, n. 442 sq. ; condamnation des propositions 96 et 97 de l’école lullistc, cf. Denzinger, 9e édit., n. 474, 475 ; Noël Alexandre, Ilistoriæ ecclesiasticæ, sœc. xiii et xrv, a. 20, sur cette école, voir D. Salvador Bove, Le système scientifique de R. Lull, Barcelone, 1908 ; Vacant, op. cit., n. 750 ; Grégoire XVI, encyclique Mirari vos, 15 août 1832, Denzinger-Bannwart, n. 1616 ; bref Dum acerbissimas, 26 septembre 1835, n. 1619 ; Pie IX, encyclique. Qui pluribus, 9 novembre 1846, n. 1635 ; allocution Singulari quadam, 9 décembre 1854, n. 1642 ; bref Eximiam tuam, 15 juin 1857, n. 1655 ; et, avec plus d’ampleur, lettres Gravissimas inter, Il décembre 1862, et Tuas libenter, 21 décembre 1863, n. 1668-1673, 1682 ; Cf. Syllabus, prop. 9, n. 1709 ; Pie X, encyclique

Pascendi, 1 septembre 1907. n. 2084 sq. ; Formula jurisjurandi adversus modernismum, n. 2145. Tous ces documents, à une ou deux exceptions près, dans Cavallera, Thésaurus, n. 182-193. La mineure est le résumé de la pensée des Pères, consacrée par plus d’un document conciliaire ou pontifical. Saint Athanase, Contra Apollinarium, t. I, n. 12, P. G., t. xxvi, col. 1113 et saint Grégoire de Nysse, Orr/Zzo catechetica, c. XI, P. G., t. XLV, col. 44, proclament le mystère de l’incarnation un mystère inaccessible à la seule raison. Saint Cyrille d’Alexandrie, au début du 1. m Contra Nestorium, P. G., t. lxxvi, col. 112, rappelle combien « grand est ce mystère de la piété… ; sagesse non point humaine, mais divine et cachée dans une profondeur ineffable et incompréhensible est le mystère du Christ. » Et les Pères d’Éphèse approuvèrent la doctrine cyrillienne proclamant l’union des natures dans le Christ une chose absolument ineffable, aTrôpp’^TOv, otçpaaxov, àTrspivoTjTOv, Cf. Hardouin, Concil., t. i, col. 1273 ; cf. t. ii, col. 289. Une doctrine analogue d’Augustin, Epist., cxxxvii, ad Volusianum, n. 8, P. L., t. xxxiii, col. 519 est rtsumée et approuvée par le XP concile de Tolède, Denzinger-Bannwart, n. 282 : Qui parlus Virginis nec ratione colligitur nec exemplo monstratur ; quod si ratione colligitur, non potest esse mirabile, si exemplo monstratur, non erit singulare. Cf. S. Léon, Serm., xxix, in Nalivitate Domini, P. L., t. liv, col. 226 : Ulramque subslanliam in unam convenisse personum nisi fuies credut, sermo non explicat. Voir d’autres références dans Suarez, loc. cit., n. 3. Parmi les documents pontificaux plaçant l’incarnation au nombre des vérités inaccessibles à la raison, citons Grégoire IX, lettre Tacti dolore, loc. cit., mais surtout Pie IX, bref Eximiam tuam, n. 1655 ; lettre Gravissimas inter, n. 1669. — 3. La doctrine commune des théologiens. — JMais quel degré de certitude théologique attribuer à cette proposition : l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel ? Nous n’avons pour nous guider ici que la doctrine communément admise par les théologiens, et dont, par conséquent, il n’est pas permis de s’écarter sans tomber dans une faute de témérité. Saint Thomas, Cont. génies, t. IV, c. xxvii : « Parmi les œuvres de Dieu, l’incarnation surtout dépasse ce que la raison peut concevoir. Rien de plus admirable dans ce que Dieu a fait que le vrai Fils de Dieu devenant vrai homme. Et parce que l’incarnation est ce qu’il y a de plus admirable, il s’ensuit que tout ce qui est admirable dans les œuvres divines est ordonné à la foi en l’admirable incarnation : la perfection suprême en un genre étant cause de toutes les autres. » La note : doctrine commune, est donnée par Suarez, disp. III, sect, I, n. 3. Si quelques théologiens pensent qu’une certaine connaissance imparfaite et abstraite de la possibiUté de ce mystère peut être naturellement acquise, soit a priori, Grégoire de Valencia, De incarnatione, disp. I, q. i, assert. 2, soit après connaissance du fait de l’incarnation. Médina, In Sum. S. Thomæ, III*, q. ii, l’enseignement quasi-unanime des théologiens est que, s’il est possible de démontrer négativement, par la solution des difficultés, que le mystère de l’incarnation n’implique aucune contradiction avec les saines exigences de la raison, on n’est pas en droit d’en conclure que l’incarnation est possible positivement. Cette possibilité, en effet, dépend de la convenance intrinsèque des éléments qui constituent le mystère ; et cette convenance intrinsèque, aucun esprit créé, même éclairé par la révélation (la révélation engendre, en effet, l’évidence extrinsèque du témoignage), ne peut la percevoir en elle-même. De plus, aucun lien nécessaire ne relie le mystère