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INCARNATION


3. Précision de cette équivalence en face des erreurs apoUinaristes et ariennes. — Les apollinaristes, reprenant, quoique sous un aspect différent, l’erreur christologique des ariens, supprimaient en Jésus l'âme intellective, pour mieux expliquer l’unité substantielle du Christ. Cf. Jésus-Christ et Hypo statique (Union), col. 4<j8-469. Il était donc naturel qu’ils prissent le terme « chair » dans son sens le plus strict, excluant l'équivalence d’homme. Eudoxe de Constantinople, un des principaux chefs ariens, voir t. V, col., 1484, nous a laissé une formule dogmatique significative : aapKoOévxa, oùxèvavGpM : r"/)aavTa, dans Caspari, Alte und neue Quelle zur Geschichte des Taufsymbols und der Glaubensregel, Christiania, 1879, p. 176. Cf. Diekamp, Dof/r/na Patrum de incarnatione, Muiister-en-Westphalie, 1907, p. 65. D’ailleurs, le concile de Nicée avait précisé sur ce point, d’une manière authentique, le sens des formules et la doctrine de l'Église : ay.pxwGÉvTa, èvavGpwTrrjoavTa. Denzinger-Bannvart, n. 54. Bien qu’Apoinnaire et ses disciples aient été moins précis que les ariens, quant à l’exclusion de la formule èvav6pco7Tr](Taç, les Pères, dans leur lutte contre l’apollinarisme, ne manqueront pas de faire valoir que les deux expressions aapxcoÔetç et èvavÔpcoTirjaai ; sont parfaitement équivalentes. Cf. Méthode d’Olympe, Convivium, orat. I, c. v ; X, c. II, P. G., t. XVIII, col. 45, 193 ; S. Athanase. Orat. cont. arian, iii, n. 30 ; Epist., ii, ad Serap., n. 7 ; Epist. ad Epictel., n. 8, P. G., t. xxvi, col. 388, 620, 1064 ; Tomus ad Antiochenos, n. 7 : ô Aéyoç càpÇ èyéveTO. xal… èx TÎjç Maptaç zb xaxà aâpxa yzyévriTOiLi àvOpcoTio ; avec, à la fin de la profession de foi, identification entre la croyance rcepl x-îiç aapxwCTScoç xal èvavOpwTiy)aea)ç toû Aôyou, P. G., t. xxvi, col. 804. Le Contra Apo llinarium démontre que r « incarnation » (aàpxcoaiç) a pour résultat de faire que le Verbe est devenu « homme raisonnable et parfait » (tôv Xoyixov xal réXeiov àv6pMTrov, t. I, n. 17 ; cf. t. II, n. 16 ; sur l'équivalence de caro et homo, voir n. 18, P. G., t. xxvi, col. 1124, 1160, 1164. Cf. Athanase (saint) 1. 1, col. 2170. Saint Cyrille de Jérusalem, Cat., IV, c. IX, assure que l’humanité a été prise par Jésus, non en apparence, mais en réalité, et qu’ainsi il s’est vraiment incarné en Marie : où SoxTjasi xal (pavraota ir^ç èvavGpcoTïïjasMÇ yevo(X£VY)ç…, àXXà oapxMÔslç è^ aÙTÎjç àXy)6coç. Cf. Cat., .Kl I, c. iii-iv, XV, XV I, P. G., t. xxxiii, col. 468, 729, 741, 744, et Symbole : aapxwOÉvTaxalÈvavSpcoTTYiaavTa.Denzinger-Bannwart, n. 9. Voir t. iii, col. 2040, 2549. SainL Eustathe d’Antioche ; ©eôç svavOpwTrY]ciaç… j_ç)looi.^ tv)V oixelav… câpxcùoiv Tf) olxela ôeotvjti.. In Lazarum, édit. Cavallera, Paris, 1905, p. 39. Saint Grégoire deNa7.ianze, £p(s^, ci, ad Cledonium, P. G., t. xxxvii, col. 190, explique la synecdoque dont se sert Joa., i, 14, par d’autres exemples de l'Écriture. Joa., xvii, 2 ; Ps., lxv, 3 ; cxLiv, 21. Le choix du terme « chair » se justifie en ce qu’on indique ainsi plus expressivement la grandeur de l’amour de Dieu pour nous, et qu’on rappelle le motif de l’incarnation, la chair ayant été le principe du péché. Cf. S. Grégoire de Nysse, Antirrhcticus, n. 2, 3, P. G., t. xlv, col. 1125 sq. Saint Augustin fait, sur le même sujet, des réflexions analogues. Epist., cxL, de gratia Novi Testamenti, ad Honoratum, c. iv, n. 11, 12, P. L., t. xxxiii, col. 542 ; cf. De civitate Dei, 1. XlV, c. ii, P. L., t. xlii, col. 889. Voir également S. Cyrille d’Alexandrie, Epist., i, ad monachos, n. 1 ; « Le Verbe s’est fait chair, c’està-dire s’est uni un corps informé par un âme raisonnable, est né d’une femme scion la chair. » P. G., t. Lxxvii, col. 21. Cf. De recta fide ad Theodosium, n. 16, 23 ; De recta fide ad Augu.'stas, n. 3, P. G., t. Lxxvi, col. 1557, 1165, 1205. Dans maints endroits de ses écrits, Cyrille identifie absolument incarnation

et inhumanalion, chair et homme, Ad Joannem Antiochenum, symbole d’union, P. G., t. lxxvii, col. 176 ; Ad Succensum, n. 2, 4, col. 241, 245 ; Scholia de incarnatione, n. 26, P. G., t. lxxv, col. 1400 ; Adversus Nestorium, 1, I, ci ; t. III, c. iii, P. G., t. Lxxvi, col. 20, 137 ; cf. In Epist. ad Rom., c. vi, 6, P. G., Lxxiv, col. 796.

4. Consécration de cette équivedence par les formules dogmatiques. — D’ailleurs, à cette époque, les documents officiels de l'Église avaient consacré l'équivalence littérale et dogmatique de caro faclum et de homo factum. Le symbole des apôtres se contentait d’afiirmer la foi en Jésus-Christ, né de la Vierge Marie. Mais le symbole de Nicée et de Constantinople consacre l'équivalence, aapxwOévTa, èvav0poTr-/iaavTa. Denzinger-Bannwart, n. 54, 86. Désormais les deux mots, dans l'Église grecque, seront officiellement reconnus pour exprimer le mystère du Fils de Dieu fait homme ou fait chair. Cf. symbole d'Épiphane, Denzinger-Bannwart, n. 13 ; concile d'Éphèse, ibid., n. 125 ; symbole d' Athanase, ibid., n. 40 ; concile de Chalcédoine, renouvelant la foi de Constantinople ; II « concile de Constantinople, can. 2, 3, 6, 7, 8, ibid., n. 214, 215, 218, 219, 220, etc.

Toutefois, - le mot èvav6pw7rr, ai( ;, d’un emploi fréquent chez les grecs, et officiellement consacré, n’a pas trouvé, malgré l’acclimatation qu’en a tenté Facundus d’Hermiane, un équivalent dans la langue latine. Le mot inhumanutio, Pro defensione trium capitulorum, t. IX, c. iii, P. L., t. lxvii, col. 754, n’a pas acquis droit de cité dans la théologie latine. Nous disons que Dieu s’est incarné, s’est fait homme, mais nous ne parlons pas d' « inhumanalion », comme nous parlons d’incarnation. La langue allemande, toutefois, emploie presque exclusivement l’expression correspondante à èvav6po')7tr, cjt.( ;, Menschwerdung. Les raisons pour lesquelles le terme incarnation, nonobstant la synecdoque, ou plutôt à cause même de cette synecdoque, est préféré (raisons d’ordre moral, l’incarnation nous manifestant d’une manière plus expressive la bonté de Dieu et sa condescendance non moins que le souvenir de nos fautes) sont développées par de nombreux théologiens. Cf. S. Thomas. In Evangelium Joannis, c. i, lect. vu ; Suarez, De incarnatione, prsef., n. 5 ; Théophile Raynaud, Christns Deus-Homo, t. II, c. i, n. 4 ; Tolet, In Sum. theol. S. Thomæ, IID, q. i, a. 1 ; Wirceburgenses, De Deo Verbo incarnato, proœmium, n. 3, etc.

Sur le sens de T/p ; dans l'Écriture, voir Grinim, Lexicon graco-lalinuni in libris Novi Tcstanienli, Leipzig, 1903 ; Zorell, Novi Testamenti lexicon grircum, Pai-is, 1911, au mot '^y.ç/i ; 11. Lesêtre, art. C/iai>, dans le Dictionnaire lie la Bible, de M. Vigoureux, t. ii, col. 487-488 ; Franzelin, De Verbo incarnato, th. xi, § 1 et 2. Sur l’emploi des mots fràpxdxri ;, é'av6poj ;  : T, (Tiç, Tapy.di’jEΠ;, èvavÙpioTiôffa ; dans la tradition primitive, Franzelin, toc. ci"<., § 3 ; Petau, De incarnatione, t. ii, c. i, n. 10 ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, n. 3 ; Iloltzclau (Tlieologia Wirce' hitrg.), De Deo Verbo incarnato, proœmium, n. 3.

Définition.

Ces remarques étymologiques

nous amènent à définir l’incarnation en fonction, non de la seule chair, mais de la nature humaine tout entière, prise par le Verbe de Dieu se faisant homme. Toutefois, le Verbe, par rapport à la nature humaine prise par lui, peut être considéré sous un double aspect, en tant que l’incarnation se fait, sens actif ; ou bien en tant que l’incarnation est déjà faite, sens passif. Dans la première acception l’incarnation désigne un acte ; dans la seconde, elle désigne un état.

1. Sens actif. —.^cte, l’incarnation peut se définir : l’opération par laquelle Dieu élève jusqu'à lui une nature humaine déterminée, formée dans le sein de