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IMMACULÉE CONCEPTION


Dieu, étaient de toute convenance, et quidem decebai omnlno, en particulier, une parfaite exemption du péché et une pleine victoire sur l’antique serpent.

Vient ensuite le fondement principal de la définition. Il est emprunté à la tradition de l’Église, considérée au sens actif ou subjectif de règle vivante de la croyance, à laquelle il appartient d’interpréter et de sanctionner les vérités transmises de siècle en siècle. Cette tradition nous est présentée d’abord dans sa dernière période, celle où la croyance à la conception sans tache s’accentue, se fixe et s’impose. Divers facteurs concourent au résultat : ordres religieux, universités, docteurs les mieux versés dans la science des choses divines, évêques agissant à titre individuel ou collectif. Mais le facteur décisif, auquel tout le reste est subordonné, c’est l’attitude du magistère suprême, manifestée par les actes multiples et de plus en plus expressifs des pontifes romains en faveur de l’exemption, et aboutissant enfinàl’institutionet àl’imposition d’une fête ayant pour objet la conception même de Marie, avec cette circonstance notable, que, dans les monuments liturgiques qui s’y rapportent, les termes dont la sainte Écriture se sert en parlant de la Sagesse incréée et de son éternelle génération, sont adaptés à l’origine de la mère de Dieu.

Tous ces facteurs supposent, comme fondement ultérieur, une tradition qui avait précédé, celle des saints Pères et des écrivains ecclésiastiques anciens, dont l’enseignement, de moins en moins explicite à mesure qu’on remonte davantage le cours des siècles, e » t comparable à une esquisse et à des semailles : si qua antiquilus injormata sunt, et Palrum fides sévit. Multiples sont les manifestations de ce genre. Ces anciens témoins. Pères et écrivains ecclésiastiques, ont vu dans le Protévangile, Gen., iii, 15, Notre-Seigneur Jésus-Christ, rédempteur du genre humain, et sa très sainte mère, unis dans une commune inimitié contre l’antique serpent. Pour signifier la victoire singulière de la Vierge mère, son innocence, sa pureté, son Insigne sainteté, son exemption de toute tache du péché, l’abondance ineffable des grâces, des vertus et des privilèges dont elle a été complée, ils lui ont appliqué diverses figures de l’Ancien Testament, saluant en elle : l’arche de Noé sortie indemne de l’universel naufrage ; l’échelle de Jacob qui s’étend de la terre au ciel et dont le Seigneur lui-même occupe le sommet ; le buisson ardent qui, au milieu des flammes pétillantes, ne se consume pas ni ne souffre de perte ou de diminution, mais verdit et fleurit d’une façon merveilleuse ; la tour inexpugnable placée en face de l’ennemi ; le jardin fermé dont l’accès ne peut être forcé ; la lumineuse cité de Dieu, dont les fondements reposent sur les saintes montagnes ; le très auguste temple de Dieu qui, brillant des splendeurs célestes, est rempli de la gloire du Seigneur.

Aux (igures succèdent les expressions symboliques, empruntées aux prophètes, pour désigner la somme des grâces reçues par Marie et son intégrité originelle : pure colombe, sainte Jérusalem, sublime trône de Dieu, maison et arche de sanctification que l’éternelle Sagesse s’est construite, reine appuyée sur son bienaiméet sortie de la bouche du Très-Haut toute parfaite, toute belle, tout agréable aux yeux de Dieu.

Dans les paroles adressées à la Vierge par l’archange Gabriel et par sainte Elisabeth, les Pères ne voient pas seulement une salutation extraordinaire, unique en son genre, ils y trouvent l’indice d’une bénédiction qui exclut toute idée de malédiction et d’une plénitude de grâce qui appelle une sainteté, une innocence supérieure à celle de toute autre créature et dont la sublime dignité qui en est le fondement, la dignité de mère de Dieu, peut seule faire entrevoir l’étendue.

Comparant Marie avec Eve jouissant encore de

l’innocence originelle, ils ne se contentent pas de les mettre sur un pied d’égalité ; dans une antithèse frappante, ils élèvent la seconde Eve bien au-dessus de la première et mettent particulièrement en relief ce trait significatif : l’une perdit l’innocence et l’amitié divine pour avoir prêté l’oreille aux insinuations perfides du serpent ; l’autre, au contraire, fit toujours progresser le don primitif et, loin de prêter l’oreille aux insinuations de l’ennemi, ébranla jusqu’aux fondements sa puissance et son empire par la force dont Dieu la revêtit.

De là tant d’appellations où l’idée d’innocence et de pureté apparaît, appliquée à la Vierge dans un sens comparatif ou alisolu : lis parmi les épines ; terre absolument intacte, sans tache, sans souillure, toujours libre et exempte de toute contagion du péché ; terre dont le nouvel Adam a été formé ; paradis d’innocence, d’immortalité et de délices, irréprochaljle, tout lumineux et tout agréable, planté par Dieu lui-même et protégé contre toutes les embûches du serpent venimeux ; bois incorruptible, que le ver du péché n’a jamais pu atteindre ; fontaine toujours limpide et scellée par la vertu de l’Esprit Saint ; temple tout divin ; unique et seule fille, non de la mort, mais de la vie ; rejeton non de colère, mais de grâce, qui, par une providence spéciale de Dieu, en dehors des lois établies et communes, est sorti d’une racine corrompue et infectée, sans jamais être privée de sa verdure.

Les affirmations en termes propres et précis s’ajoutent au langage métaphorique. Les Pères ne veulent pas que, là où il s’agit de péché, la mère de Dieu soit mise en cause ; ils la déclarent exempte, par privilège, de toute tache ou souillure du corps, de l’âme et de l’esprit, toujours vivante en Dieu, toujours unie à lui, toujours dans la lumière et jamais dans les ténèbres, demeure digne du Christ par la grâce originelle. Particulièrement expressifs sont les termes dont ils font usage en parlant de la Vierge considérée dans sa conception : fruit de grâce ; première-née, comme future mère du premier-né, apparaissant dès le début comme une aurore d’une éblouissante pureté ; tabernacle créé par Dieu lui-même ou formé par le Saint-Esprit ; vase d’élection qui ne devait avoir de commun avec les autres enfants d’Adam que la nature, et non les fautes ni les taches.

La même croyance se manifeste dans les formules d’éminence ou de transcendance si fréquentes chez les écrivains ecclésiastiques, quand ils appellent Marie non seulement immaculée, innocente, exempte de tache, sainte et pure, mais tout immaculée, tout innocente, toute sans tache, étrangère aux moindres souillures du péché, toute pure et intacte, le type et le modèle môme de l’innocence et de la pureté, plus belle que la beauté, plus gracieuse que la grâce, plus sainte que la sainteté, seule sainte, au-dessus de toute intégrité et de toute virginité, seule devenue tout entière le domicile et le sanctuaire des grâces de l’Esprit Saint, en sorte qu’en dehors de Dieu, rien n’égale sa mère, plus belle, plus noble, plus sainte par sa grâce native que les chérubins, les séraphins et toute l’armée céleste.

Enfin, c’est la voix des liturgies qui se mêle à celle des Pères et des autres écrivains pour saluer la mère de Dieu ou l’invoquer dans des termes non moins louangeurs : colombe toute belle et sans tache ; rose toujours fleurie, absolument pure, toujours innocente et sainte ; innocence qui n’a jamais été blessée ; nouvelle Eve qui a enfanté l’Emmanuel.

En somme, pour résumer tout cet exposé avec la bulle elle-même, § Nil igitur minim, l’immaculée conception de la bienheureuse Vierge nous est présentée comme « une doctrine qui. au jugement des Pères, est consignée dans les saintes Lettres, qu’ils ont eux-