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IMMACULEE CONCEPTION

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Ces principes posés, les membres de la Commission passèrent à la question de fait ou d’application. Us ne s’arrêtèrent pas aux critères dont la réalisation était manifeste, par exemple, la doctrine concordante de l’épiscopat actuel et la croyance commune des fidèles, attestées qu’elles étaient par les réponses à l’encyclique pontificale. Ils se bornèrent à montrer comment l’immaculée conception de la Vierge était contenue dans les deux sources fondamentales de la révélation chrétienne. Nous avons vii, col. 859, 862, ce que furent leurs conclusions au sujet de la sainte Écriture : ils jugèrent que le glorieux privilège apparaissait comme enveloppé dans le Protévangile et la salutation angélique, quand on les étudie sous la lumière de l’interprétation patrislique. En ce qui concerne la tradition, ils invoquèrent et citèrent un grand nombre d’autorités affirmant la sainteté de la mère de Dieu et écartant d’elle toute tache d’une façon générale et indéfinie, parfois même dans son origine première ou sa conception. Empruntés pour la plupart à l’Église d’Orient, ces témoignages patristiques et liturgiques trahissent l’influence du grand ouvrage. De immaculato Deiparse semper Virginis conceptu, que le P. Passaglia, memlire de la Commission, composiat alors et qu’il allait publier en 1854. Enfin des considérations sur l’opportunité et les convenances d’une définition furent ajoutées en guise de conclusion.

A la suite de ces travaux, un canevas fut dressé, indiquant, comme preuves à utiliser dans la bulle, la convenance, l’Écriture sainte, Gen., ni, 15, la tradition patristique, la fête de la Conception et le sentiment de l’Église universelle. Sillage degll argomenti da servire air estensore delta Bnlla dogmatica. On adjoignit à cette pièce quelques notes explicatives, Dicliiaraiioni, tendant à éclaircir davantage les arguments proposés et à résoudre des oljjections faites du point de vue scripturaire ou patristique. Alti, t. ii, p. 46, 55. Le résultat fut un nouveau schème, dont il nous reste à parler.

5’Discussion du texte de la bulle (22 mars - 4 décembre 1854). — Le nouveau schème, 3^ dans les Atti, t. II, p. 76, contenait substantiellement ce qui est resté dans la rédaction définitive, mais sous une forme et dans un ordre qui donnèrent lieu à de nombreuses modifications ; six fois le texte fut retouché et perfectionné. Multiples furent les reviseurs : théologiens consulteurs ; cardinaux, au nombre de 21 constitués le 22 mars 1854 en congrégation consultative ; archevêques et évêques présents ou mandés à Rome et formant séance du 20 au 24 novembre sous la présidence des cardinaux Brunelli, Caterini et Santucci. Diverses remarques faites en ces circonstances méritent d’être relevées, pour la lumière qu’elles projettent, soit en général sur la rédaction de la bulle Incllabilis, soit en particulier sur le sens et la portée de la définition dogmatique du 8 décembre.

Dans les trois premiers schèmes, celui du P. Perrone et les deux suivants, les noms des Pères ou des écrivains ecclésiastiques dont on donnait les témoignages étaient exprimés ; supprimés dans le quatrième, ils reparurent dans les autres, mais mis en note, au bas des pages, avec les titres des ouvrages, comme on peut le voir dans les Atti, p. 125, 151, 177, 259. Sur l’observation faite en dernier lieu par un certain nombre de cardinaux, que, sous cette forme, la bulle ressemblait trop à une dissertation d’allure polémique ou scolastique, les références furent supprimées. Les témoignages furent simplement utilisés et groupés d’après un ordre logique ou systématique, répondant aux idées qu’ils expriment ou à la façon dont ils les expriment.

Mention fut faite des adversaires de la pieuse croyance qui avaient prétendu rejeter la sanctification de Marie au second instant de son existence, ou sub stituer, comme objet du culte, la sanctification à la conception ; mais rien ne fut dit de l’opposition de saint Bernard et des grands docteurs du xiii’siècle, malgré quelques remarques, une notamment du cardinal Robert ! . Alti, p. 282. En réalité, alors comme maintenant, on ne s’accordait pas sur la question préalable, à savoir si ces docteurs furent réellement opposés à la pieuse croyance, entendue de la conception passive ef consommée, dans le sens de la définition projetée. En outre, on voulait éviter tout ce qui pourrait être cause de froissements entre catholiques.

Un seul texte scripturaire, Gen., iii, 15, avait été indiqué dans la Sylloge degli argomenti, ei il y figurait comme argument distinct, sans référence à l’exégèse patristique ou ecclésiastique. Nous avons vu que les théologiens de la Commission spéciale ajoutèrent au Protévangile la salutation angélique, mais en considérant la preuve tirée de l’un et de l’autre comme dépendant, dans son efficacité, des données traditionnelles. Cette manière de voir, partagée par les évêques et les cardinaux, ne fut pas sans influence sur la rédaction dernière, suivant cette remarque de Mgr Malou. op. cit., t. i, p. 246 : « Dans la bulle qui contient la définition du mystère. (Pie IX) n’insiste pas sur les témoignages de l’Écriture comme s’ils formaient un argument à part ; mais il les lie, si je puis parler ainsi, aux témoignages des Pères qui en ont déterminé le sens. »

Des évêques objectèrent que beaucoup des textes empruntés aux Pères ou aux écrivains ecclésiastiques ne s’appliquaient pas à la conception de Marie. Mgr Malou, de Bruges, répondit que la sainteté affirmée d’une façon indéfinie entraînait la conception immaculée ; il suffisait donc, pour tout accorder, de distinguer entre les preuves directes et les indirectes. Alti, t. II, p. 207. Réponse importante dans la pratique. En face des témoignages indirects, la question n’est pas : Ces témoignages expriment-ils l’exemption du péché originel ou la conception immaculée ? mais seulement : La notion plus générale, que ces témoignages expriment, contient-elle cette exemption ou cette conception, soit implicitement, soit virtuellement (abstraction faite de ce qui peut être une pure querelle de mots), comme le tout contient la partie, comme l’universel contient le particulier, comme les prémisses contiennent la conclusion, comme une vérité en appelle une autre, ou par contraste, quand l’une exclut l’autre ou par connexion, quand les deux ont un rapport mutuel ?

L’argument fondé sur l’autorité de l’Église romaine sanctionnant la fête et la croyance, avec énuméralion des interventions répétées et toujours de plus en plus expressives des souverains pontifes, ne venait d’abord dans les projets de bulle qu’en second lieu, après l’exposé des monuments relatifs à l’ancienne tradition. Des évêques proposèrent d’intervertir l’ordre, afin de mieux relever l’importance de la preuve tirée du fait de l’Église, » comme ayant pour les catholiques une valeur péremptoire. Ainsi fut fait, Pie IX lui-même s’étant prononcé pour l’interversion. Atti, p. 207, 235, 291, 300.

En 1849, un prêtre de la Congrégation de l’Oratoire de Venise avait publié une dissertation insérée dans le » Pareri, t. v, p. 663, où il s’efforçait de montrer que la mère de Dieu a été préservée non seulement de la faute originelle, mais encore de toute obligation de la contracter, da ogni débita iFinconlrarla. Un membre de la Consulte Ihéologique, Pierre Biancheri. proposa, dans le même sens, d’attribuer à la bienheureuse X’ierge le privilège de l’exemption par rapport à la nécessité de contracter la tache héréditaire non moins que par rapport à la tache elle-même. Atti, t. i, p. 528, 532. La proposition resta sans écho.