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IMMACULEE CONCEPTION


secondaires ; il suffirait de tenir compte de la disposition des esprits dans la manière de présenter le dogme ; c’est en ce sens que le cardinal Sterckx, arclievêquc de Malincs, ajoutait à son acte d’acquiescement cette remarque, Pareri, t. ii, p. 447 : Peut-être sera-t-il à propos d’exposer clairement et nettement, dans le décret apo< ; tolique, la tradition divine, pour bien montrer qu’on ne veut rien étalilir de nouveau, mais qu’on ne fait que déclarer et confirmer l’antique croyance de l’Église. De cette façon, on pourrait avoir l’espoir de fermer la bouche aux gens mil intentionnés, ou du moins de rendre plus facile aux défenseurs de la foi la réfutation de leurs calomnies. »

Les réponses des évëques jointes aux travaux des théologiens de la Consulte et de la congrégation antépréparatoire formaient un vaste dossier que devaient utiliser ceux qui seraient charges de rédiger la bulle de définition. Beaucoup d’autres documents s’ajoutaient, insérés dans la continuation des Pareri : demandes de définition provenant de chapitres, d’ordres religieux ou de particuliers ; extraits de conciles provinciaux tenus en divers endroits, en France spécialement ; instructions pastorales ou mandements ; opuscules sur l’immaculée conception, soit antérieurs à l’encyclique Ubi primum, comme ceux de dom Rivarola, du cardinal Lambruschini, des PP. Biancheri, Spada et Perrone, soit postérieurs, comme le Mémoire de dom Guéranger, une dissertation du franciscain espagnol Pierre Gual sur la définibililé, la première partie du Sylloge momimeniorum du P. Antoine Ballerini. En tête du ive volume, on remarquait une étude sur les Convenances sociales de la définition, parue d’abord dans la Civiltà cattolica, Rome, 1851, 1° série, t. VIII, p. 377 ; l’auteur, le P. Calvetti, montrait dans l’acte pontifical dont il s’agissait, non seulement un moyen efficace d’exciter la piété des fidèles et le zèle des pasteurs, mais encore, en face des erreurs du rationalisme et du semi-rationalisme contemporains, un rappel et une affirmation solennelle des dogmes fondamentaux opposés : chute originelle, besoin de rédemption, caractère divin de Jésus-Christ, de sa personne, de sa mission et de son œuvre, prix de la grâce sanctifiante et des dons surnaturels qui s’y rattachent, nécessité de la lutte contre les passions, dépendance à l’égard de Dieu, etc.

4° Congrégation spéciale pour la rédaction de la bulle de définition {10 mai JS5$1-$2 aofil 1853). — Les réponses des évêques ne pouvaient qu’encourager Pie IX à marcher résolument dans la voie où il s’était engagé. Conformément à l’avis de ceux qui jugeaient expédient de joindre à la définition dogmatique un exposé des fondements et du développement de la croyance dans l’Église, il s’occupa, dès le mois de mars 1851, de la préparation d’une bufie pontificale. Atti, t. i, p. 671. Un schème, Beus omnipoiens et clemens, fut rédigé par le P. Perrone et discuté par cinq théologiens, dont deux seulement l’approuvèrent. Un autre suivit, Quemadmodum Ecclesiu, qui fut probaoïement l’œuvre de Passaglia ; il avait ceci de particuhcr que la définition de l’immaculée conception y était accompagnée d’une condamnation explicite des erreurs modernes. Ibid., t. II, p. 22-40, 60-76. Ce second schème, comme le premier, ne fut pas utiUsé. Pie IX résolut de donner plus d’ampleur à la discussion ; à cet efVet, il institua, le 10 mai 1852, une congrégation spéciale de vingt théologiens, sous la présidence du cardinal Fornari. Ibid., p. 780 sq. Une commission fut nommée et commença immédiatement ses travaux ; le résumé s’en trouve dans la jiièce Brève exposizione degli Atti délia Commissione spéciale, p. 791-838 ; en latin dans Roskovâny, t. VI, p. 13-68.

Une question de principe fut d’abord traitée : t Quels sont les caractères ou les indices, d’après lesquels on

peut ju^er si une proposition constitue une matière digne d’être soumise à un jugment solennel du magistère catholique ? » Afin d’écarter préalablement certaines prétentions injustifiables des adversaires, les consulteurs posèrent d’abord plusieurs conclusions de forme négative. Pour qu’une proposition puisse devenir vérité de foi catholique, il n’est point nécessaire que, dans le passé, il n’y ait pas eu diversité d’opinion dans l’Église catholique, et que tous aient été constamment d’accord sur le point dont il s’agit. Il n’est point nécessaire qu’on ne puisse pas alléguer des écrivains, même d’autorité, à rencontre de la doctrine qu’on songe à définir. Il n’est point nécessaire qu’il y ait en sa faveur des témoignages explicites ou même implicites de la sainte Écriture, celle-ci n’étant pas l’unique source de la révélation. Il n’est point nécessaire, en ce qui concerne la tradition, qu’on possède une série de Pères et de témoignages remontant jusqu’à l’âge apostolique. La prétention contraire s’appuie sur des hypothèses ou des assertions de ce genre : les Pères ont mis par écrit toute la doctrine prêchée depuis l’origine du christianisme ; tous les monuments de l’antiquité nous sont parvenus ; l’objet total de la foi a toujours été conçu distinctement et exprimé formellement ; la tradition ( dogmatique) d’une époque postérieure peut être en désaccord avec celle d’une époque antérieure ; de la doctrine professée, à n’importe quel siècle, on ne peut pas conclure légitimement que cette doctrine n’a jamais été niée par le plus grand nombre et qu’elle a toujours été professée, au moins d’une façon implicite, par le plus grand nombre. Or, ce sont là des hypothèses ou des assertions dont la fausseté se prouve soit par la nature de la révélation chrétienne, et du magistère ecclésiastique, soit par l’histoire des dogmes définis au cours des siècles. Dès lors, que d’objections ressassées par les adversaires d’une définition tombaient d’ellesmêmes I Telle, notamment, l’objection tirée de cette phrase célèl)re de Vincent de Lérins, Commonitorium, t. I, c. II, P. L., t. L, col. 640 : Id teneamus, quod ubique, quod semper, quodab omnibus creditum est. Adage vrai dans le sens où le prend l’auteur, c’est-à-dire dans un sens positif ; mais faux, d’après le contexte même, dans le sens négatif ou exclusif, que rien ne puisse être défini comme vérité de foi sans avoir été préalablement cru toujours, en tous lieux et par tous.

Aux canons d’ordre négatif succédèrent ceux d’ordre positif. Pour reconnaître si une proposition est définissable de foi divine, on peut considérer comme suffisants ces divers caractères ou indices : un certain nombre de témoignages solennels qui contiennent la proposition discutée ; le fait de pouvoir assigner un ou plusieurs principes révélés qui renferment cette proposition ; la connexion mutuelle des dogmes, ou, ce qui revient au même, la nécessité d’admettre comme révélée une proposition dont le rejet entraînerait nécessairement et immédiatement la fausseté d’un ou plusieurs articles révélés ; l’enseignement concordant de l’épiscopat actuel ; dans de certaines conditions, la pratique de l’Église, en entendant par là un acte externe de culte et de religion, posé universellement et solennellement en vertu d’un précepte strict. Une pratique de ce genre suppose une vérité spéculative qui la dirige et la détermine. Cette vérité théorique peut dépendre d’un fait non révélé, comme la persévérance finale dans le culte des saints, une apparition, une vision ou quelque autre circonstance dans certaines fêtes. Il faudra donc, pour que la pratique de l’Église puisse être présentée comme un critère de définibilité, établir qu’elle se rattache à une vérité spéculative révélée, ce qu’on peut faire, soit en considérant la nature de cette vérité, soit en recourant à des témoignages extérieurs convenables.