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IMMACULEE CONCEPTION


Le Dejensoirc de la Conception, lue. cit., p. 215-217. De même Nicole Grenier, au tome second du Bouclier de la Foij, c. xliii et xuv, loc. cit., p. 210 sq., 22C sq : » par quoy non seulement l’animation de la Vierge, mais aussi la formation de la substance corporelle doibt justement être vénérée de tous. »

Ces divergences supposaient la théorie physiologicophilosopliiquc d’après laquelle la conception séminale avait pour terme immédiat une matière informe qui devait passer par des évolutions multiples jusqu’à ce que, le corps étant suffisamment organisé, l’âme pût s’unir à lui, l’animer et constituer avec lui une personne humaine. De là venait l’écart, sous le rapport du temps où elles s’accomplissaient, entre les deux conceptions, charnelle ou séminale, consommée ou proprement humaine. Cette théorie présentait des inconvénients quand il s’agissait de Notre-Seigneur ; aussi avait-on établi en sa faveur un régime d’exception, en supposant qu’en vertu d’une action spéciale du Saint Esprit, la matière aurait été immédiatement organisée et unie à l’âme. S. Thomas, Sum. theol., m*, q. xxxiii. Or il arriva que des théologiens commencèrent à dire la même chose de la bienlieureuse Vierge. Quelques-uns réduisirent d’abord à une semaine la durée de son évolution embryonnaire, d’après une « révélation I » faite à la vénérable Marie d’Agréda, Mystica Ciudad de Dios, part. I, t. I, c. xv, n. 218 sq. D’autres allèrent plus loin et réduisirent l’intervalle de temps, maintenu entre les deux conceptions, à un nombre d’heures plus ou moins considérable, mais en sorte que tout fût accompli en une journée : Ipsa die in qua receplum est dictun^ semen in utero Annæ, fuit miraculose corpusculum dispositum et animatum, dit, entre autres Christophe de Vega, op. cit., palsestra VI, certamen ii, n. 632.

En ramenant à un seul et même jour les deux conceptions, ces théologiens avaient atteint leur but : placer au 8 décembre le fondement du cuite de l’immaculée conception, et non pas seulement de la conception. Mais de quelle autorité pouvaient jouir des assertions pleinement arbitraires et qui, sous la forme où elles étaient présentées, supposaient une dérogation manifeste et d’ailleurs avouée aux conditions normales du développement embryonnaire ? C’est alors que fut énoncée, non par des théologiens, mais par des médecins, une doctrine qui allait changer du tout au tout l’état de la question. En 1620, Thomas Fyens (Fienus), fit paraître à Anvers un opuscule où il soutenait que l’âme raisonnable animait le fœtus trois jours après la première conception : De vi formatrice fœtus liber, in quo ostenditur animam rationalem infundi terlia die. Une trentaine d’années plus tard Paul Zacchias ( t 1659), médecin principal d’Innocent VIII, battit encore plus complètement en brèche l’ancienne théorie dans le neuvième livre de ses Quæstiones medico-legales : il y prétendait que l’âme raisonnable était unie par Dieu à la matière séminale dès le début de la conception et qu’elle-même présidait à la formation et à l’organisation du corps humain, n. 129 : Concludendum igitur est quod, cum corpus ab anima formetur, et in nullo animali, et in homine quoque non possit dari alia anima quam una, et hœc in homine sit rationalis, non possit corpus humanum ab alia anima formari et organiiari quam a rationali. Zacchias tirait de là une conséquence intéressante pour le culte de l’immaculée conception, n. 135. « Comme l’Église catholique, qui ne peut errer, solennise la fête de la Conception, on ne pourrait, semble-t-il, supposer sans grossière inconvenance qu’elle célèbre la fcte d’un embryon qui ne serait pas doué d’une âme raisonnable ni même d’une âme sensitive, et qui n’aurait rien d’un homme, mais qui, privé de toute attache à l’humanité, serait semblable à l’animal le plus ab ject, corruptible même et mortel, comme une brute. Ces inconvénients, nous les éviterons en disant que la Vierge très sainte et très pure a reçu, dès le premier instant de sa conception, une âme raisonnable. » L’auteur prétendait même tirer de cette considération un argument en faveur de sa théorie, d’après ce principe que la conception de Marie fut naturelle, quant à la façon dont elle eut lieu, puisque, suivant l’enseignement de saint Thomas, Sum. theol, IIP, q. xxvii, a.2, adlum.elle se fit suivant la loi commune de toute génération sexuelle. Si donc il y eut, pour Marie, animation au premier instant de la conception séminale, il doit en être de même pour les autres.

L’argumentation de Zacchias relativement à l’objet du culte, dans la fête de la Conception, n’était pas d’une valeur incontestable ; mais la théorie elle-même était indépendante de cette application, elle devait faire son chemin et permettre aux théologiens modernes d’expliquer l’objet du culte et la célébration de la fête au 8 décembre d’une manière beaucoup plus sin^ple que n’avaient pu le faire leurs devanciers.

Chrysost. Trombelli, Mariæ sanctissimæ nila ac gesta. culliisqite illi adhibitiis, Bologne, 1761, t. i, dissert. ii, q. tv ; J. Mir, op. cit., c. xxi, n. 2-5, p. 378 sq. ; Paul Zacchias, Qaæ.ftionum medico-legalium, t. IX, tit. i, q. v, Lyon, 1726, t. IT, p. 699 sq. ; A. Eschbach, Di.ipiUaiiones physiologicothenlogicie de humansr generationis œconomia, Paris, 1884, disp. ii, part. I ; Jos. Antonelli, Mcdicinn pasloratis, 4’édit., P.ome, 1920, 1. 1, c. xix. — Sur le passade discuté de Bellarmin : Nieremberg, Opéra partlienica, opusc. 1, c. xxxi ; Jlgr. Malou, op. cit., t. i, p. 202 sq.

4° Actes du magistère ecclésiastique, d’Innocent V 111 à Alexandre Vil (1484-1667). — A part ceux qui régnèrent très peu de temps, les vingt-cinq papes qui gouvernèrent l’Eglise pendant cette période d’environ deux siècles, ont presque tous manifesté leur dévotion envers la Vierge immaculée par des actes en sa faveur ; actes très nombreux, dont on trouve l’énumération détaillée dans une bulle, Mulierem pulchram, que Benoît XIV avait fait préparer, mais qui ne fut pas publiée. La plupart de ces actes sont d’ordre pratique. Les uns concernent directement le culte ; ainsi, Léon X, Clément VII, Paul III, Sixte-Quint, Clément VIII, Paul V, Urbain VIII et Alexandre VII, favorisent l’extension de la fête ou en augmentent la solennité ; ils approuvent des offices où le privilège est formellement honoré. Les mêmes papes et d’autres, comme Innocent VIII, Jules II, Adrien VI, saint Pie V, Grégoire XIII et Grégoire XV, autorisent soit l’érection d’autels et de chapelles, soit la fondation d’ordres religieux, de confréries et d’institutions pieuses en l’honneur ou sous le vocable de l’immaculée conception. Enfin, ce sont des indulgences accordées aux dévots de la Vierge sans tache, et parfois des faveurs extraordinaires, comme la faculté accordée par Léon X aux bénéficiers de l’Église de Molina, en Espagne, de célébrer une messe de minuit le 8 décembre, ou le privilège, concédé par Jules II au monastère des religieuses de l’immaculée conception de Tolède, et par Léon X à toutes les éghses d’Espagne, de pouvoir, en cas d’interdit général, célébrer la messe en la fête de la Conception et pendant l’octave. Mais ces actes pontificaux d’ordre pratique sont d’un intérêt secondaire, comparés à d’autres qui se rapportent directement à la croyance et qui, pour cette raison, méritent d’être considérés de plus près.

1. Léon X (1513-1521) : projet de définition. — Les discussions qui se produisirent après la mort de Sixte IV, sous ses deux successeurs immédiats. Innocent VIII et Alexandre VI, voir col. 1125, déterminèrent ce dernier pontife à confirmer la constitution Grave nimis par la bulle Illius qui, 22 février 1502. Dix ans plus tard, après la réunion du XVIII^ concile œcu J