Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/588

Cette page n’a pas encore été corrigée
1161
1162
IMMACULEE CONCEPTION


tait relativement à la croyance, pour ceux qui l’admettaient ; ils avaient directement en vue la personne de la bienheureuse Vierge, considérée comme possédant, au premier instant de son existence, une sainteté proprement dite, intérieure et parfaite. Cette sainteté excluait, de l’avis de tous, le foyer de la concupiscence, avec quelque diversité pourtant. Les uns, comme Tolet, -Suarez, Gilles de la Présentation et le grand nombre parlaient du foyer comme éteint au moment où la première sanctification de Marie s’opéra. Les autres rejetaient l’expression comme impropre, parce que, disaient-ils, le foyer n’existait plus alors, ou même n’avait jamais existé : In sacrosancta virgine Maria nunquam fuisse fomitem peccati, ncquc potentialem neqiie actualem neque ligatum neque solulum. Josse Clichtoue, De puritate conceptionis beatæ Mariæ virginis, Paris, 1513, t. II, c. x. De même Nicole Grenier, dans le tome second du Bouclier de la Foij, Paris, 1549, c. XXIX : (1 Que le foment du péché et infirmité de la chair et de concupiscence n’ont esté en la Vierge non plus qu’aux premiers parents, en Testât d’innocence et de justice originelle. »

Ces derniers théologiens avaient coutume de considérer le foyer de la concupiscence comme s’attachant à la chair, mais, pour cela même, ils supposaient de deux choses l’une : ou que dans la conception séminale une grâce de préservation était intervenue, c’était l’hypothèse de Clichtoue, ou que du moins avant l’animation il y avait eu purification ou sanctification relative de la chair ou du corps de la bienheureuse Vierge, suivant cette autre hypothèse, énoncée par Dominique Bollani, Traclatus de immaculata Virginis conceplione, c. xiv : Dicamiis ergo qiiod postquam fuit formatum corpus virgincum plu/sicam in ventre matris gloriosissimæ Virginis, uirtule Spiritus Sancii illud sacral issimum corpus anle infusionem anima ; intclleclii >æ fuit mundatum atque purificatum, ut esset vas aptissimum ad recipicndam animam illam sanctissimam. Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. I, p. 321. Ces théologiens restaient manifestement sous l’inHuence de l’ancienne théorie de la concupiscence, comparée à une empreinte morbide ou à un virus infectieux. Les autres ne se faisaient pas faute de le leur dire : Sed iste modus implicat pcccatum originale esse qualilatem morbidam in sensitivis viribus complanlatam, quod alias improbalum est, répondait déjà, sur la fin du xV siècle, Jean de Meppis, Tractalus de immaculata Virginis conceplione, dans Pierre de Alva, Inc. cit., p. 92.

Ces divergences portaient sur la manière d’expliquer comment la préservation de Marie s’était opérée ; elle n’empêchait pas les tenants du privilège de rapporter leur commune croyance au même objet, comme il a été dit ci-dessus. La détermination de l’objet du culte se présente dans des conditions moins favorables à première vue. Les adversaires de la doctrine catholique ont même essayé de se prévaloir ici d’une réponse donnée par le cardinal Bellarmin, De cullu sanctorum, t. III, c. XVII..yant en vue les attaques des protestants, il pose cette objection tendant à montrer que la fête de la Conception, célébrée dans l’Église romaine, manque de fondement solide : « Il n’est pas certain, même parmi nous, que la bienheureuse Vierge ait été conçue sans le péché originel, car l’Église permet les deux opinions ; il est donc à tout le moins douteux que nous célébrions cette fête à juste titre. » Le grand controversiste répond d’abord que, de l’aveu des adversaires eux-mêmes, tels que Luther ou Érasme, la conception sans tache est pieusement admise dans la majeure partie de l’Église ; puis il ajoute : Le fondement principal, præripuiim, (le cette fête n’est pas la conception immaculée, mais simplement la conception de la future mère de Dieu. Quelle qu’ait été,

en effet, cette conception, par cela seul que ce fut la conception de la mère de Dieu, son souvenir est pour le monde une source de joie singulière ; car c’est alors que nous eûmes, pour la première fois, un gage certain de notre rédemption. Ajoutons cette circonstance, que la bienheureuse Vierge fut conçue miraculeusement d’une mère stérile. Aussi cette fête est célébrée même par des gens qui regardent la Vierge comme conçue dans le péché. On dira peut-être : A ce compte-là on pourrait aussi fêter la conception de saint Jean-Baptiste. A quoi je réponds : On le pourrait, assurément, comme les grecs le font. »

Dans la Rcalencijklopûdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3<= édit., t. xii, p. 327, cette réponse est interprétée en cette manière : « Bellarmin donna simplement pour l’objet de la fête, la conception, et non pas la conception immaculée. » C’est attribuer à l’affirmation du cardinal un sens exclusif qu’elle n’a pas ; et cela parce que, illégitimement, on ne tient pas compte de l’épithète præcipuum, qui détermine sous quel rapport l’auteur considère l’objet du culte, entendu juridiquement et officiellement. D’après les termes de l’objection, il devait montrer que la fête de la (Conception avait un objet certain, indépendant par conséquent de la controverse existant encore sur la nature du privilège mariai, et, dans ce sens, principal. Le fondement qu’il assigne, chose digne de remarque, est celui-là même que les premiers apôtres de la fête de la Conception en Occident proposaient, quand ils se trouvaient en face d’adversaires qui n’admettaient pas le glorieux privilège. Voir col. 1016. Mais de ce que la conception immaculée n’était pas, dans ce sens, l’objet principal du culte, s’en suit-il qu’au jugement du cardinal, elle en était purement et simplement exclue ? Il serait d’autant plus arbitraire et illogique de s’arrêter à cette supposition, qu’en soi, l’idée d’objet principal n’écarte pas, mais appelle plutôt celle d’objet secondaire. Aussi, quand plus tard il traitera directement du privilège. De amissione graliæ et statu peccati, t. IV, c. xv, Bellarmin dira : Adde ullimo, quod lotus fere orbis christianus célébrât festum diem conceptionis virginis Mariæ, enmque concep’tionem immacvlatam vocal.

Si les défenseurs du privilège faisaient rentrer l’immaculée conception dans l’objet du culte, ce n’était pas toujours de la même façon. La plupart des théologiens entendaient la conception qui, seule, dit sainteté parfaite, c’est-à-dire la conception consommée, fêtée le huit décembre, par anticipation : Festum quod liodie (acimus de conceplione bealæ Virginis, non est référendum ad diem pnvsentem dclerminate, cum ejusmodi embrio rcs esset inanimata, disait Guillaume Pépin, scd référendum est… secundum inlentioncm Ecclesiæ ad illiim diem in quo primo caro Virginis suscepit animam ralionalem. Pierre de Alva, Monumenta dnminicana, ]). 5.’5(). Ceux qui admettaient une sanctification préalable de la chair tendaient, au contraire, à rapporter le culte d’une façon dcter^uinée au huit décembre, époque de cette première sanctification. Le scotiste Jean Major (1540) exprimait nettement cette idée quand il écrivait, In IV.Sent., t. III, dist. III, q. VII : Ratione SANCTIFICATI COKPORIS diem conceptionis per mullos annos celebramus. Il était rare cependant, que l’affirmation fflt exclusive ; on admettait plutôt que le culte jiortaif sur les deux conceptions. Après avoir donné « comme préférable l’opinion que la fesle de la Conception s’entend de la conception séminale, » Pierre Lefèvre donne cet avertissement à son interlocuteur : ".le t’ay dit que toutes deux se festent ensemble… Et telle conception est le commencement (le la parfaicte infusion de l’âme au corps. Et ainsi cette conception séminale est festéc en ayant regard à la parfaicte conception et sancii llcal ion.