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IMMACULEE CONCEPTION


concepla in pecculo orijinali, il dislingue cinq opinions diverses. Suivant la première, la bienheureuse Vierge aurait été conçue non seulement sans le pécliô originel, mais même sans l’intervention de l’homme, par l’opération du Saint-Esprit ; opinion hérétique qui semble avoir été celle des collyridiens, d’après saint Épiphane. Voir t. III, col. 369-370. D’autres tiennent que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel, et que c’est là une vérité de foi catholique, id esse habendum pro fide catholica ; Maldonat estime que telle a été la pensée des anciens auteurs, Ambroise, Augustin et autres, celle aussi d’Anselme, de Bernard et du docteur angélique, quand il dit Sum. theoL, 1^-Ilai, q. Lxxxi, a. 3 : Secundum fidem catholicam firmiter est ienendum qiiod omnes homines prseter Christum ex Adam dérivait peccatiim originale ex Adam contralmnt. Mais, après la constituion Grave nimis de Sixte IV, confirmée par le concile de Trente et par saint Pie V, cette opinion n’est plus soutenable. La troisième opinion est complètement opposée à la précédente : Il est de foi catholique que la bienheureuse Vierge a été conçue sans le péché originel. Lefebvre d’Etaples fut de ce sentiment, et c’est encore, semblet-il, celui d’un certain nombre, et nonnulli etiam ex viventibus. Ils apportent, comme arguments, le décret du concile de Bâle, la célébration de la fête avec l’oraison : Deus qui per immaculalam conceptionem, etc., enfin les indulgences accordées à cette occasion. Mais, comme la précédente, cette opinion n’est pas vraie, elle est plutôt téméraire : sed neque hsec opinio est vera, sed potins temeraria. Le concile de Bâle ne fut pas légitime, et ni la célébration d’une fête de la Conception, ni les indulgences annexées n’entraînent nécessairement l’affirmation, encore moins la définition du glorieux privilège. La quatrième opinion pose, comme plus probable, que la bienheureuse Vierge fut conçue dans le péché originel ; ses partisans se servent des raisons alléguées pour la seconde opinion. La cinquième tient que la bienheureuse Vierge fut conçue sans le péché originel, mais nie que ce soit là une vérité de foi catholique. Cette dernière opinion semble un peu plus probable, videtur paulo probabilior, à cause des arguments invoqués pour la troisième, du grand nombre des universités qui l’admettent, celle de Paris en particulier, et de la faveur dont elle jouit auprès des catholiques. Tous les autres arguments qu’on a coutume d’alléguer n’ont à mes yeux, ajoutait Maldonat, que très peu de probabilité, mihi perparum probabilitatis videntur habere.

D’après cet exposé, la position prise par le professeur du collège de Clermont était très nette : il admettait et enseignait la pieuse croyance, mais en refusant d’y voir une vérité de foi et même en ne lui attribuant, de jugement privé, qu’une plus grande probabilité. Cette position, prise telle qu’elle, ne pouvait que déplaire vivement aux membres de l’Université ; à plus forte raison, si elle leur fut d’abord rapportée d’une façon inexacte, comme ce fut le cas à en juger par le résumé des délibérations donné par E. du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, t. vi, p. 742, 744 sq., Maldonat, cité, ne comparut pas devant un tribunal dont il ne dépendait pas. L’Ordinaire, Pierre de Gondy, auquel la cause fut déférée, déclara que l’enseignement incriminé ne contenait rien d’hérétique ni de contraire à la doctrine catholique.

L’affaire alla jusqu’à Rome. Deux pièces nous renseignent sur la position prise par l’Université. La première est intitulée : Disputatio huius quæsiionis, an sit propositio fidei beatam Vircjinem esse conceptam sine peccato. Elle comprend les principaux arguments de ceux qui sont pour l’anirmative, avec réplique à ces arguments, puis les raisons de ceux qui nient, avec réfutation des réponses faites par la partie

adverse. L’autre pièce est un traité sur la croyance de l’Université dans la question engagée : Tractatus de fide sacrosandie facultatis Iheologiie in universitale Parisiensi circu immaculalam Viryinis matris a peccato oriyinali conceptionem, et contentionum circa eandem ortarum. L’immaculée conception de Marie est une vérité de foi : telle est la thèse soutenue. L’Université fait appel au décret du concile de Bâle, à sa propre croyance, au serment imposé à ses maîtres, et même à un passage des statuts synodaux émis en 1515 par Etienne Porcher, évêque de Paris, passage où il était dit de la bienheureuse Vierge : Approbamus etiam absque originali peccato conceptam, et contrarium cemsenles H^RETICOS reputamus. Pour répondre à l’objection tirée du fait qu’en dehors de France, cette affirmation n’était pas communément admise, quelques docteurs distinguaient entre les articles de foi catholique et de foi gallicane, Respondent quidam non esse de fide CATHOLICA, sed de fide GALLlCANA, certa tamen et necessaria. D’autres disaient, en variant les termes, que l’article n’était pas de foi dans les autres pays, mais qu’il l’était en France : non esse quidem de fide, in aliis provinciis, sed esse in Gallia. Et cela, parce que l’Église gallicane avait reçu le bénéfice d’une révélation qui n’avait pas encore été faite aux autres, ob revelationem Ecclesix gallicanse factam quee nondum aliis facta est.

En se plaçant sur ce terrain, les docteurs sorbonnistes facilitèrent à Maldonat sa défense en cour de Rome. Il pouvait invoquer les constitutions de Sixte IV et leur confirmation par le concile de Trente, non moins que l’état actuel de la croyance dans l’Église : Nom etiam hodie in diversis locis et a diversis personis utravis pars libère defenditur salva fide cliristiana et sine crimine hæreseos. On parle de foi gallicane, c’est-à-dire particulariste ou nationale ; mais la vraie foi doit être catholique et universelle : fides proprie dicta non est nisi catholica et universalis. En ce qui concernait le concile de Bâle, Maldonat évitait, par motif de prudence, de revenir sur la question irritante de légitimité ; il se bornait à nier qu’on y eût défini la conception sans tache comme dogme de foi : non enim concilium Basileense dixit esse doctrinam fidei, sed esse FIDEI coNSONAM, quod longe aliud est. Il interprétait dans le même sens le serment imposé par la Faculté, en citant un passage où Josse Clichtoue, De puritate Conceptionis, t. I, c. xvii, se servait de termes équivalents : sententiam veritati consentaneam.

Cette argumentation était irréfutable, du point de vue juridique. Aussi le résultat fut-il, comme le dit Crevier, op. cit., p. 300, « que ce jésuite ne fut point condamné. » Résultat négatif, mais il y en eut un autre, positif celui-là, de la part de l’Université : elle réforma ou modéra sa manière de voir sur le point en litige. Benoît XIV cite cette phrase, extraite du Traité fait à cette occasion : « Le siège de Rome préfère le sentiment des pères de Trente à celui des pères de Bâle ; la Faculté s’y conforme et elle admet, selon le concile de Trente, que l’affirmation de la Conception (sans tache) n’est pas un article de foi catholique, et qu’on ne peut appeler hérétique celui qui pense autrement. » Commentarius de D. N. Jesu Christi malrisqne ejus festis, part. II, n. 210, Bruxelles, 1866, t. ii, p. 420. Cette interprétation sera désormais celle des plus illustres docteurs de Paris, André Duval, Isambert et autres. Dans une lettre écrite à l’abbé Bertin. le 27 mai 1702, Bossuet dira en parlant de la faculté : i( Tous nos docteurs conviennent qu’elle réduit l’ancienne définition de Bâle aux termes du concile da Trente. » Œuvres co7npZè/es, édit. Lachat, t. xxvii.p. 265.

Maldonat, Opéra iiaria theologica, Paris, 1676, t. iii, p. 73 ; J. M. Prat, , MaWonn* et l Université de Paris au XVIII" siMe, Paris, 1856, p. 351, 378 ; E. Lesêtre, op. cit., p. 91 sq. ;