Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/580

Cette page n’a pas encore été corrigée
1145
1146
IMMACULEE CONCEPTION


l’erreur vulgaire et prélendu représenter la conception (active) de Marie comme s’étant faite à la porte dorée. Mais il serait excessif de généraliser en interprétant dans ce sens toutes les peintures du même genre ; des artistes ont pu, comme A. Diirer, se proposer simplement de reproduire un épisode de la légende grecque.

b) 2^ groupe. — Il comprend les représentations symboliques, ainsi dénommées parce que le glorieux privilège y est signifié, ou du moins insinué par des objets ou des personnages symboliques qui entourent ou accompagnent Marie. Mais cette idée commune laisse place à de grandes diversités de détail. Dès le xve siècle, « on rencontre, dans les manuscrits, une figure de la "Vierge à mi-corps qui semble surgir du croissant de la lune et qui rayonne comme le soleil. [, a gravure s’empara de ce motif et le rendit populaire. On lit sous une de ces images qu’entoure la couronne du rosaire : Concepla sine peccalo, de sorte qu’on ne peut douter que la Vierge au croissant n’ait été la première représentation symbolique de l’immaculée conception. » E. Mâle, op. cit., p. 220. Le fondement scripturaire est manifestement ce verset du Cantique des cantiques, vi, 9 : Quæ est ista quæ progreditur quasi aurora consurgens, pulchra ul luna, elecla ut sol ? appliqué par l’artiste, comme par la liturgie, à la conception de Marie.

Sur la fin du même siècle, en 1492, le peintre vénitien Carlo Grlvelli nous offre une autre représentation symbolique, mais plus riche. Jja Vierge est debout, les mains jointes, dans une attitude extatique. A gauche, un pot de fleurs : roses et œillets ; à droite, un lis dans un verre. Au sommet du tableau, le buste de Dieu le Père tenant les mains étendues, et, au-dessus, le Saint-Esprit sous forme de colombe. Enfin, pour donner au dessin sa pleine signification, deux anges planant tiennent sur la tête de Marie une couronne et un rouleau portant cette inscription : Ut in mente Dei ab initio concepla fui, ila et fada sum. « Conçue dès le début dans la pensée divine, c’est d’après cette idée que j’ai été faite. » Le tableau est à Londres, National Gallery. Voir G. ^L Ncil Rushforth, Carlo Crivelli, Londres, 1900, p. 91.

Au début du siècle suivant, une autre figure apparaît sous forme de gravure dans les Heures à l’usage de Rome, imprimées à Paris en 150, ") : « C’est une toute jeune fille, presque encore une enfant ; ses longs cheveux couvrent ses épaules. Elle a le geste que Michel.Vnge donne à son Eve apparaissant à la vie : elle joint les mains pour adorer. Cette jeune vierge semble suspendue entre ciel et terre. Elle flotte connne une pensée qui n’a jamais été exprimée ; car elle n’est encore qu’une idée dans l’intelligence divine. Dieu se montre au-dessus d’elle, et il prononce, en la voyant si pure, la parole du Cantique des cantiques : Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Et pour rendre sensible cette beauté et cette pureté de la fiancée que Dieu a choisie, l’artiste a réalisé les plus suaves métaphores de la Bible : il a disposé autour fl’elle le jardin fermé, la tour de David, la fontaine, le lys des vallées, l’étoile, la rose, le miroir sans tache. » E. Mâle, ibid. Ces emblèmes sont au nombre de quinze, représentés et soulignés, par le texte biblique qui leur correspond. A droite de la Vierge : e/ec/a ut sol, pulclira ut luna, porta cali, plantatio rosw, exaltata ccdrus, virga Jessc floruit, puleus aquarum vivenlium, horlus conclusus. A gauche : Stella maris, lilium inter spinas, oliva speciosa, turris David, spéculum sine macula, fons hortorum, ciuitas Dei.

Cette représentation symbolique fut très répandue et populaire au xvi’siècle. Elle se retrouve en substance dans un tableau de Juan Macip, vulgairement appelé Juan de Juanès (vers l.’iGS), qui se conserve

dans l’église des jésuites de Valence, en Espagne. Une particularité méiite d’être relevée : au-dessus de la Vierge, ce n’est pas seulement Dieu le Père qui apparaît, ce sont les trois personnes divines ; le Père et le Fils posent tous deux une couronne sur la tête de la Vierge, tandis que le Saint-Esprit plane au-dessus sous forme de colombe. Dans l’intervalle une banderole se déroule, portant cette inscription : Tola pulchra es, amica mea, et macula non est in te. On voit une reprodution de ce tableau dans iîorôn y /e, Madrid, 1904, n. extraordinaire, p. 152, art. La Purisima de Juan de Juancs, par J. Planella.

Symbolique aussi est la représentation décrite en ces termes par E. Mâle, op. cit., p. 227 : « Au sommet de l’arbre de Jessé s’épanouit un grand lis blanc d’où sort la Vierge qui se distingue à peine de la fleur. Ce lis m.agnifique, c’est évidemment sa pureté merveilleuse. »

Non moins symbolique, mais plus curieuse est une autre représentation, empruntée aux Heures de Simon Vostre à l’usage d’Angers, 1518 et 1530. décrite d’abord dans le Bulletin monumental, 1857, par l’abbé Crosnier, puis par E. Mâle, op. cit., p. 230 : « Sainte Anne est debout et autour d’elle se groupent tous les emblèmes bibliques qui d’ordinaire entourent sa fille : la rose, le jardin, la fontaine, le miroir, l’étoile… Elle écarte son manteau, et on aperçoit, dans son sein ouvert et rayonnant comme une auréole, la Vierge et son fils. Des profondeurs du ciel surgit Dieu le Père qui contemple, non pas son œuvre, mais sa pensée ; car cette mystérieuse figure n’a pas encore reçu l’être. Une inscription grandiose, empruntée à la Bible, est écrite sous les pieds de sainte Anne ; elle s’exprime ainsi : Necduni crant abyssi et jam concepla erum. Les abîmes n’existaient pas encore et j’avais déjà été conçue. »

Pour comprendre cette composition, il faut tenir compte de l’essor extraordinaire que le culte de sainte Anne avait pris à cette époque dans certains pays, l’Allemagne en particulier, et plus spécialement de la doctrine émise par Jean Trithemius dans son traité, déjà cité col. 1128 : De laudibus sanctissimæ matris Anmr. Considérant l’épouse de Joachim comme mère de ISIarie, qui fut mère de Dieu, il l’enveloppe dans un même décret de prédestination, c. v. Quod omnipotens Dcus sanctam Annam matrem suæ genitricis elegerit anle mundi constitationem. D’après le même principe et sous le même rapport, il lui attribue une pureté parfaite dans la conception comme dans l’enfantement de sa fille : Concepit sine originali macula, pepcrit sine culpa ; ce qui, dans sa pensée, exclut la concupiscence. En somme, il soutient la pureté de la conception de Marie, prise intégralement, la pureté de la conception active aussi bien que celle de la conception passive. En cela Trithemius suivait une opinion que nous avons rencontrée chez un certain nombre de théologiens et qui, à l’époque où nous sommes parvenus, avait encore ses partisans, notamment dans l’école scotistico-lulliste. Excmiilc, Jean de Meppis, religieux augustin, dans le traité signalé : Maria quamvis ex.Joachim et Anna fuerit genita vel nata, non tamen ex libidine, sed Spiritus Sancti operationc fuit concepla. Pierre de Alva, Monunirnta antiqua, t. I, p. IL De même Dominique de Carpani : Xon per humana libidine, ma per divino dono et gratin. Serm., i, loc. cit., p. 77. De même Pierre Lefebvrc, Le Dcfensoire de la Conception, Inc. cit., p. 8(>sq., et d’autres. Supposons maintenant que l’auteur de la curieuse représentation se soit inspiré de cette théorie ou ait été sous rinfluence de théologiens qui la soutenaient, le symbolisme de son œuvre est facile à comprendre : ce qu’il voulait rappeler et signifier, c’était l’immaculée conception telle que la comprenaient Trithemius et les