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IMMACULEE CONCEPTION


comme sur beaucoup d’aulrcs, la doctrine du grand hérésiartiue manque de cohérence. Dans une homélie pour le jour de la conccplion de Marie, mère de Dieu, il enseigne le privilège. Il commence par expliquer ce qu’est le péché originel, la connaissance de ce péché étant nécessaire, dit-il, pour comprendre comment Marie en fut préservée : « be l’avis conunun des docteurs, le péché originel n’est pas autre chose que la privation de la justice originelle, conséquence et punition du premier péché commis par Adam au paradis terrestre. » Il expose ensuite les diverses opinions : puis, après avoir établi la distinction courante entre conception active et conception passive, il conclut : « Je ne parle pas de la première conception. Mais pour l’autre, qui consiste dans l’infusion de l’âme, c’est une pieuse croyance, pie creditur, qu’elle s’est faite sans le péché originel, en sorte qu’au moment même de l’union de son âme et de son corps, Marie a été purifiée du péché originel ; elle a été rachetée par la grâce divine, mais de telle sorte, qu’elle a reçu de Dieu immédiatement une âme sainte. C’est là ce que signifient les paroles de l’ange Gabriel : Vous êtes bénie entre toutes les femmes. On ne pourrait pas lui dire ainsi : Vous êtes bénie, si jamais elle avait été sous le coup de la malédiction. Du reste, n’était-il pas convenable et juste que Dieu préservât du péché d’origine celle qui devait donner au Christ la chair destinée à elïacer tous les péchés ? » Enarrationes seu Postillæ Martini Lutheri in Lectiones quæ ex evangelicis historiis, apostolorum scriptis… per universum annum… recitantur, Strasbourg, 1530, p. 360.

D’autres passages, dans les œuvres de Luther, contiennent une autre doctrine. Roskovâny, op. cit., t. I, p. 136. Ce qui attira l’attention de la Sorbonne, ce fut cette proposition, comprise dans une série d’extraits de divers écrits : « L’opinion contraire à celle qui affirme la conception sans tache, n’est pas réprouvée. Cuntradictoria luijus propositionis : Beata Virgo est concepta sine peccalo oriyinali, non est reprobata. » Ce n’était pas rejeter absolument la pieuse croyance, c’était seulement nier qu’elle s’imposât, et, par conséquent, ne pas tenir compte du décret de Bâle. Le 15 avril 1521, la proposition fut déclarée « fausse et proférée, par ignorance et impiété, contre l’honneur de la Vierge immaculée : falsa, iynoranter et impie contra honorem immaculalæ Virginis asserta. D’Argentré, 1. 1 b, p. 369. Quelque chose d’approchant se retrouve dans la critique d’une assertion d’Érasme, faite en 1528 par un docteur de la faculté de théologie, Noël Bède. Ibid., t. m b, p. 51 ; Roskovâny, op. cit., t. I, p. 383.

La Sorbonne fut plus sévère encore dans deux autres circonstances. Un dominicain ayant insinué en 1543, que la vierge Marie avait eu besoin d’une rédemption libératrice, ereptiva, l’assertion fut condamnée comme « hérétique et injurieuse à la très sainte vieige Marie. » D’Argentré, t. ii a, p. 138. L’autre jugement, porté en 1560, concernait la doctrine soutenue dans les propositions 72 et 73 de Baius. Denzinger, Enchiridion, n. 1072 sq. Doctrine énoncée comme il suit dans le texte sorbonnique :

Nemo, præter Christum,

est absque peccato origlnali ;

hinc beata Virgo mortua est

propter peccatum ex Adam

contractum, omnesque ejus

afllictiones in hac vita, sicut

et aliorum justorum, fuerunt

ultiones peccati actualis vel

originalis. Unde et Job pas sus est, et martyres, propter

pcccata sua.

Personne, hors le Christ,

n’est exempt du péché origi nel ; la sainte Vierge est donc

morte à cause du péché

qu’elle avait contracté d’A dam, et toutes les afllictions

qu’elle a éprouvées ici-bas,

ont été pour elle, comme

pour les autres justes, des

châtiments du péché actuel

ou originel. De même, Job et

les martyrs ont souffert pour

leurs péchés.

Cette proposition fut déclarée « hérétique en toutes ses parties et injurieuse envers la bienheureuse vierge Marie et les saints. « D’Argentré, t. ii a, p. 204. Cf. Baius, t. ii, col. 108-110.

On voit, par ces censures, que l’université de Paris tenait et imposait comme vérité de foi la doctrine del’immaculée conception, en s’appuyant sur le décret de Bâle. Cette prétention occasionna plus tard un conflit entre elle et Maldonat.

b) Universités allemandes. — Plusieurs controverses préludèrent à l’imposition d’un serment, comme à Paris. La première eut lieu à Leipzig, en 1489 et 1490, entre les dominicains, d’une part, et de l’autre, les franciscains soutenus par la faculté de droit. Divers écrits furent publiés, surtout par Georges de Frickenhauser, principal champion des frères prêcheurs, et par le professeur JeanBreitenbach, dans un sens contraire. Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. 293. Trois pièces, indiquées à cet endroit, ont été reproduites par Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex novem auctoribus : p. 439, Disputatio brevissima de immaculato conceptu Virginis gloriosæ, Leipzig, 1489, mis sous le nom de Sébastien Brand, mais attribué à Breitenbach par Roskovâny ; p. 480, Clypeus contra iacula adversus sacrum et immaculalam virginis Mariée conceplionem volitantia, per modum trium sermonum, Leipzig, 1490 ; p. 509, Quæstio de immaculata conceptione cum sua determinatione : Utrum Virgo davidica in mente divina ab seterno prseordinata, habens esse in Deo secundum rationem idealem, peccati originalis fuerit obnoxia, quando erat concepta secundum communem legem cursumque naturalem ? Cette manière de poser la question indique clairement que le défenseur du privilège rattache l’exemption du péché originel en ]Marie à son éternelle prédestination comme mère de Dieu.

L’autre controverse eut pour point de départ un traité du vénérable abbé de Spanheim, Jean Tritheniius († 1516) : De laudibus S. Annæ malris beatissimæ Dei genitricis et virginis Mariée, Leipzig, 1494. Sur la demande de religieux carmes, il y avait inséré un chapitre sur l’immaculée conception : Quod sancta Anna mater filiam suam benedictam Dei genilricem sine originali macula concepit, c. vu. L’argument tiré du culte était mis à profit : « Voici que l’Église vénère la conception de la mère de Dieu comme pure et sans tache, voici qu’elle en célèbre pieusement la fête chaque année, et des hommes artificieux s’efforcent, par une témérité présomptueuse, de la souiller ! » Passage cité plus complètement par Mgr Alalou, op. cit., t. II, p. 150. Un dominicain de Francfort-sur-le-Mein, Wigand Wirth († 1519), répondit en déclarant hérétique quiconque osait exempter Marie de la tache originelle. Une discussion s’ensuivit, où l’abbé de Spanheim rappela son adversaire à la modération et à une juste appréciation des choses : « Il est vraiment étrange que vous prétendiez diriger l’Église de Dieu dans la défense de la foi ; au lieu de vous réjouir de ce que l’Église ne vous force pas à reconnaître la tache originelle en ISIarie, vous prétendez découvrir en elle cette tache malgré l’Église. » Le recteur et des rhaîtres de l’université de Cologne s’entremirent ; ils obtinrent de Wigand qu’il retirât ce qu’il avait avancé et fît amende honorable à Trithemius. Roskovâny, 1. 1, p. 294 ; d’Argentré, 1. 1 b, p. 331.

Peu après, le même dominicain s’attira, par des paroles dites en chaire, de nouvelles difficultés avec divers personnages, particulièrement avec le curé de Francfort, Conral Hensel, qui lui répliqua vertement. Des plaintes en diffamation contre ce dernier furent portées à l’évêque de Strasbourg par Wirth et ses confrères ; mais Sébastien Brant prit la défense de Hensel et justifia sa conduite. Wirth n’eut pas plus de succès à Rome, où il se rendit pour soutenir sa cause et aussi