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IMMACULEE CONCEPTION

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décret porté, parle-t-il du point défini comme d’une vérité de foi catholique, liane veritatem catholicæ fidei, c. XXVI, p. 374. Si les auteurs du décret avaient entendu l’expression : conforme à la foi et à l’Écriture sainte, dans un sens purement négatif, on comprendrait que leur définition ne dût pas être prise rigoureusement ; mais il est évident qu’ils entendaient parler d’une conformité positive. Dès lors, pouvaient-ils l’envisager autrement que comme vérité de foi ? C’est dans ce sens que l’université de Paris a compris le décret de Bâle.

Cette question est, d’ailleurs, théorique. A cette époque-là, l’assemblée n’était plus qu’un conciliabule schi matique ; l’acte manqua de valeur juridique, vice originel dont il n’a jamais été guéri. Il n’en possède pas moins, d’un autre point de vue, une grande valeur. Considéré comme la conclusion de la longue enquête que le cardinal d’Arles avait menée et des nombreuses discussions qui avaient eu lieu, il atteste une croyance au glorieux privilège incontestablement prépondérante, et de beaucoup, en Occident, notamment dans les églises et les universités représentées à Bâle. En outre, l’avenir devait lui donner, indirectement, une sorte de confirmation : tous les points qu’il contenait seront peu à peu repris et sanctionnés par l’autorité légitime. Aussi ce décret peut-il être considéré comme fermant la période de pure controverse, celle où la lutte existait sans que la victoire se dessinât encore nettement d’un côté plutôt que de l’autre.

Jean de Ségovic, Hisloria geslorum generalis sgnodi Basiliensis, édit. E. Birk, Vienne, 1886, dans Monumenta concilioruvi generalium seculi deciini quinli. Concilium Basiliense. Scrifjtorum t. m ; J. Haller, Concilium Basiliense. Stiidien und Quellen, Bâle, 1896 sq. ; A. de Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. xlix-li, 109-114, 260 sq. ; Mgr Malou, op. cit., 1. 1, p. 58-60 ; Plazza, op. ci(., Act.iv, a. 2, testJmon. .ii, n. 35-61 ; J. Mir y Noguera, op..ci(., c. vi.


III. Depuis le concile de B.le (1439) jdsqu’a LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE : PÉRIODE DU TRIOMPHE. Pendant les trois siècles et demi que comprend cette étape, l’affirmation théologique du glorieux privilège s’accentue vivement, la dévotion du peuple chrétien envers la "Vierge immaculée se manifeste d’une façon extraordinaire et le magistère ecclésiastique intervient par des actes répétés pour sanctionner et, en mêine temps, modérer le mouvement. Trois de ces actes forment comme autant de triomphes partiels du culte et de la croyance : Sixte IV approuve officiellement la fête de la Conception ; Alexandre VII en détermine l’objet ; Clément XI l’étend à l’Église universelle. De là trois étapes particulières.

I. DU CONCILE DE BALE A SIXTE IV (1439-1484) : VERS LE PREMIER TRIOMPHE. Déuué de Valeur juridique, le décret des Pères de Bâle eut néanmoins une valeur de fait pour les pays qui en admettaient ia légitimité, comme la France et l’Aragon ; ailleurs même, il exerça une grande influence et contribua pour beaucoup à développer en faveur du glorieux privilège un fort courant qui fut comme la préparation prochaine du premier triomphe officiel.

1° Développement doctrinal : fermeté croissante dans l’affirmation du privilège. — Le fait est manifeste en ce qui concerne la France. En septembre 1457, un concile provincial d’Avignon ordonne d’observer inviolablement le décret de Bâle sur la conception de la bienheureuse vierge Marie et défend, sous peine d’excommunication, de rien avancer de contraire, soit dans la prédication, soit dans les disputes publiques. Mansi, Concil., t. xxxii, col. 183. Trois mois plus tard, la Sorbonne eut l’occasion d’ajouter son mot. Avertie qu’en Bretagne un dominicain « avait affirmé, publiquement que Marie avait été conçue dans le péché

originel, » elle ordonna de prendre des information » ^ et, si le délit était réel, de punir l’inculpé comme hérétique, et si ita compererctur, quod puniretur tanguant hureticus. D’Argentré, op. cit., t. i, p. 252.

Le décret de Bâle fut reçu en Espagne avec d’autant plus d’enthousiasme que cette nation avait mis plus de zèle à le provoquer. Trois mois seulement après qu’il eut été porté, la reine Marie, exerçant les fonctions de régente, le fit publier pour les États d’Aragon, 1^’décembre 1439. J. Mir, op. cit., p. 129 sq. ; F. Fita, op. cit., p. 46, 107, 113, 117. Peu auparavant, elle avait réprimé les audaces de langage d’un religieux dominicain, André Etienne, en renouvelant, janvier 1437 et décembre 1438, les édits de Jean I<^’et de Martin I". Fita, op. cit., p. 102-105 ; Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. 110.

Quelques écrits de l’époque, nous montrent la pieuse croyance franchement défendue et prêchée en Allemagne ; tels, un sermon de Nicolas de Blonius, Strasbourg, 1438, et un traité du bénédictin Michel de Butzenbach († 1466), publiés par Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis anctoribus, t. ii, p. 431, 472. Un auteur plus célèbre, Gabriel Biel, professeur à Tubingue († 1495), soutient aussi le glorieux privilège dans quatre sermons pour la fête de la Conception, et d’autres encore. Roskovâny, 1. 1, p. 273. Mais beaucoup plus important est l’enseignement de ce théologien dans son commentaire sur le IIJ « livre des Sentences, dist. III, q. I : après avoir exposé et défendu la conception sans tache d’après les principes de Scot, il fait intervenir l’autorité du concile de Bâle : Prscterea deteiminatum est in concilio Basiliensi. Il ne s’ensuit pas, ajoute-t-il sagement, qu’on doive blâmer saint Thomas et les autres adversaires ; de leur temps, il était loisible de penser comme ils l’ont fait, puisqu’il n’y avait pas encore eu de décision ni de la part d’un concile ni de la part du siège apostolique.

Ce que Biel disait en Allemagne, un autre auteur célèbre, Denys le Chartreux († 1471), le disait en Belgique vers la même époque et dans son commentaire sur le même livre des Sentences. Il y rapporte longuement les diverses opinions des grands docteurs avec leurs fondements, puis conclut : « Néanmoins, re qu’on doit penser sur ce point, ce n’est pas duns les disputes d’école qu’il faut le chercher, mais dans les décisions de l’Église catholique à laquelle nous sommes tenus d’obéir ; or, dans le dernier concile général, elle a mis fin à ces discussions, quæ in novissimo concilio universali fincm (ut dixi) his dissensionihus imposuit. Docioris exstatici D. Dionijsii Cartusiani opéra omnia. Tournai, 1904, t. xxiii, p. 98. Voir aussi l’écrit De prseconio et dignitate Marias, t. I, a. 13, Tournai, 1908, t. xxxv, p. 486. L’ordre dont Denys était membre, subit lui-même l’influence du décret de Bâle ; dans le chapitre général de 1470, les chartreux abandonnèrent l’espèce de compromis où ils s’étaient engagés par la substitution du terme de sanctification à celui de conception. La formule primitive fut rétablie et passa dans la nouvelle rédaction des statuts : Festum gloriose virginis Marie, quod solemniter celebratur sexto idus decembris, amodo per totum ordinem celebrctur sub nomine conceplionis, iuxta determinationem ecclesie, statuto non obstante de sanctificatione mentionem faciente. Mgr Malon, op. cit., t. i, p. 138, d’après le martyrologe d’Usuard ; cf. Statuta ordinis cartusiensis a domino Guigone priore cartusie édita, Bâle, 1510. Tcrtia compilatio statulorum, c. I, § 46. Les nombreux bréviaires et missels que cite Pierre de Alva, Sol vcrilalis, p. 647 sq., témoignent aussi du changement.

En Italie, la pieuse croyance eut des saints pour apôtres. Si, traitant le problème en théologien, saint Antonin de Florence († 1459) reste fidèle à la doctrine