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IMMACULEE CONCEPTION


développe à sa façon. Deux points sont particulièrement notables : l’attribution à la bienheureuse Vierge d’une pureté originelle qui s’étend à la conception première ou charnelle ; puis la connexion établie, part. III, ratio 13^, entre l’incarnation du Verbe en toute hypothèse et l’immaculée conception : Ergo Deus iam prædilexil, antcquam Adam peccaret, qaod Virgo conciperetur, ut de ipsa incarnaretur. Non est dkendiim quod Deus prædilexerit talem conceptum cum peccato originali. Or, ces deux points se retrouvent chez les auteurs aragonais ou catalans de la même époque dont nous avons parlé : Jean Vital et François Martin. Ils se retrouveront dans un écrit qui sera signalé en son temps. De possibiliiale et congrua necessitate purissimæ, conceplionis virginis Matris Dei, et dans le traité composé par Jean de Ségovie au concile de Bâle. Ce qui permet de reconnaître avec D. Salvador Bové, qu’un fort courant lulliste s’est, sinon formé, du moins manifesté dans cette controverse aragonaise.

H. Dcnide. Chartularium Universilalis Parisiensis, t. iii, n. 1557-1583, p. 486-533 ; E. du Boulay, Historia Universilalis Parisiensis, t. iv, p. GIS sq. ; Duplessis d’Argentré, Cnllectio judiciorum, t. i b, p. 64 sq., 147, etc. ; P. Feret, La faculté de iliéologie de Paris au moyen âge, t. iii, p. 152 sq. ; R. P. Mortier, O. P., Histoire des mailres généraux de l’ordre des frères prêcheurs, Paris, 1903 sq., t. iii, p. 616-647 ; Mgr. Péchenard, L’immaculée conception et l’ancienne Université de Paris, dans la Revue du clergé français, 1905, t. xli, p. 225-283 ; H. Lesêtre, L’immaculée conception et l’Église de Paris, t. ii, p. 60 sq. ; P. Doncœur, La condamnation de Jean de Monzon par Pierre d’Orgemont, évéque de Paris, le 23 août 1387. Extrait de la Kewiie des questions liistoriques, Paris, 1907, t. Lxxxii, p. 176-187.

Controverse aragonaise : Fidel Fita y Colomar, Très iliscursos hisloricos, 2’édit., Madrid, 1909, append., p. 40 sq. (Coleccion dip/om « (icaU S. Bové, préface du Liber de immaculata bcalissimæ Virginis ionceplione, édit. J. Avinyô, Barcelone, 1901, p. 47 sq., 78 sq. ; J. Mir y Noi : uera, La immaculada concepcion, Madrid, 1905, c. v, p. 1Il sq. Marius André attribue encore à Raymond Lulle le livre De l’immaculée conception, qui aurait été composé à Avignon avant 1306. Il ajoute que Lulle rencontra Duns Scot, à Paris, en 1306. Le docteur illuminé et le docteur subtil se lièrent d’amitié et bataillèrent ensemble à l’Université en faveur de l’immaculée conception. L’Ami et l’Aimé, par Raymond Lulle, traduit du catalan, Paris, 1921, prélace, p. xix.

1° L’étal de lu rroijancc ù la fin du XI V’e siècle. - Les controverses suscitées par la réaction scotiste eurent pour effet de trancher les camps. Le fait est notoire en ce qui concerne les frères prêcheurs et les frères mineurs. Oulre ces derniers, les carmes, les augustins, les prémontrés, les trinitaires, les servîtes et beaucoup de bénédictins, de cisterciens et de chartreux sont dés lors acquis à la cause de l’immaculée conception. Ce large mouvement d’adhésion ne fut pas indépendant d’un progrès objectif ; mais une distinction s’impose entre les preuves utilisées et la manière d’expliquer le privilège.

1. Preuves du privilège. - Abstraction faite des déterminations positives du magistère ecclésiostique, les diverses sortes d’arguments qu’on peut apporter apparaissent déjà, mais dans des conditions fort inégales. L’argument de convenance vient en première ligne, non pas sous la forme embryonnaire qu’il avait eue d’abord, mais pleinement développé, suivant la formule : Potuil, decuil, jecit. Ainsi procèdent Auriol, Pierre Thomas, François de Meyronncs, Thomas de Strasbourg et presque tous les autres. Pour établir la possibilité du privilège, non pas d’une façon abstraite, mais dans l’ordre historique où tous les descendants d’Adam sont des rachetés du Christ, ils ont à montrer que la préservation de la bienheureuse Vierge et sa rédemption par son fils sont deux choses

DICT. DE TIIl’; OI.. CATIIOL.

conciliables : ils ont naturellement recours à la doctrine de Scot, accompagnée de diverses comparaisons, en particulier celle d’un homme voué par son origine à l’esclavage et affranchi avant ou après sa naissance : Si aliquis dominus redimcret aliquem a reatu servituds anie quain nasccretur vel cliam conciperetur, perfeetius eum redimerel et nobilius quum si ipsum in servilem slaium crumpere permillerct anle redemptionein. Sermon anonyme De Conceptione B. M. V., sur ce texte : Audite somnium nieum quod vidi, composé entre 133ti et 1342, et publié par Pierre de Alva, Monumenla antiqua ex variis autfioribus, p. 236.

Nos théologiens prouvent la convenance proprement dite par des raisons semblables à celles que nous avons rencontrées chez le chancelier Gerson, mais qu’ils présentent, sous des aspects multiples, par exemple, en partant des trois personnes divines ou de l’excellence de Marie : ex jmrle Dei Patris…, ex parle Dei Filii., ex parle Spirilus Sancti…, ex parle incarnationis mtjsterii. .., ex parte excellentiæ Virginis. Pierre Thomas, Liber de innocentia Virginis, part. II, c. ii-vi. Ou encore, en insistant sur les effets du péché originel cl ce qu’ils ont d’inconvenant dans une mère de Dieu : ex triplici pcccati originalis indeccntia. Hermann de Schildis, De conceptione gloriosæ virginis Mariir, part. I, c. III. De la convenance au fait, à Y achialitas, comme dit Pierre de Candie, le passage est si naturel, que beaucoup voient là un simple corollaire. Dieu pourrait-il ne pas tenir compte des convenances dans une œuvre qui lui est si chère ? Tel l’auteur du sermon anonyme, cité plus haut : Tertia Visio. Ex quo decuil Deum hoc facerc, quod de fado ipse fecil ; quia nullunt agens benevolum prætermiltil aliquid de decenlibus cirai efjectum placilum sibi. De là ce dilemme, posé par François de Meyronnes, i. ii, a. 3 : Vel Deus de facto prœscrvavit, vel aliquid quod dccens fuit, prælermisil de facto. Ou préservation, ou manquement aux convenances.

L’argument A’Écriture sainte est loin d’être aussi remarquable. La plupart du temps, les textes sont appliqués ou interprétés d’une façon arbitraire. Voir ci-dessus col. 849, 864 sq. Néanmoins, les passages importants ne restent pas inaperçus. Gérard Rondel tire parti de la salutation angélique en voyant le privilège enveloppé dans la plénitude de grâce propre à Marie : Sed præservalio ab originali est quædani magna gratia, et de plenitudinc gratiæ Mariæ. Argument non démonstratif, propre cependant à influencer un esprit pieux : Manuduci, tiret non cogi efficaci conscqiientia, dévolus animas potest, ajoute Pierre Thomas, op. cit., t. II, part. IV, c. x. Le Protévangile, surtout, attire l’attention de quelques-uns. Ces paroles prophétiques : Ipsa conlcret capul tuiim, ne peuvent s’entendre, remarque Jean Bacon, d’une femme qui stTaii mère d’un homme pur ; une telle femme n’aur : iit pas pu prévaloir contre le diable en échappant au droit de mort qu’il a sur tout homme descendant d’Adam par voie de génération sexuelle. Seule Marie est dans une autre condition, comme destinée à concevoir le Christ, Fils de Dieu, car la raison que ce titre implique, le respect dû au Fils de Dieu qu’elle devait enfanter, vaut également pour n’imporic quel instant de sa c, qiiia ratio est cadem prn onvii inslanli, scilicet revcrentia Filii Dei coneipiendi. In IV Sent., t. IV, dist. III, a. 3.

L’union du Christ rédempteuret de sa mère dans le plan divin tendant à l’écrasement du scrijent est fortement mis en relief dans la première phrase d’un sermon anonyme, datant de la fin du xiv siècle ; elle mérite d’être citée à ce titre, et parce que le rédacteur de la bulle Incffabilis Deus s’en est manifestement inspiré au début de cette pièce et § Quafyropter enarranles vcrbn, où des termes identiques se retrouvent : Deus omnipotens et clemens, cuius nntura bonitas.

VII.

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