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IMMACULEE CONCEPTION


Jean Vital, l’auteur du Defensorium, proche en 1389 sur ce texte : Tota pulchra es, arnica mea, et macula non est in te ; sermon imprimé comme anonyme par Pierre de Alva, Monumenta anliqiia scraphica, p. 80 ; inséré dans les Opéra de Gerson, t. iii, p. 1334, comme sermon douteux ; rendu finalement à son véritable auteur dans les Analecta franciscana, t. il, p. 218. Gérard Rondel, chanoine de Liège, professeur à Paris sur la fin du xive siècle, exalte la Vierge immaculée en partant de cette idée : Quasi aurora consurgens, dans un discours n fait devant les docteurs et l’université de Paris. » Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis authoribus, t. i, p. 212. Tel encore un sermon sur le texte : Ipsa est mulier, quam preeparavit Dominas filio Domini mei, pubUé par Pierre de Alva, ibid., p. 728, mais qui ne peut être, comme il le conjecture, du dominicain Jacques de Lausanne († 1321), puisqu’il renferme deux citations formelles de Gerson.

Plus important que les précédents est le sermon sur la Conception prêché par Gerson lui-même, en 1401, à Saint-Germain l’Auxerrois. Opéra de Gerson, t. iii, p. 1322 sq. C’est encore le thème : Tota pulchra es, arnica mea. Dans la première partie, l’orateur accumule les raisons propres à exciter ou à confirmer dans les âmes pieuses la croyance au glorieux privilège. Un fils bien né ne doit-il pas honorer sa mère autant que possible ? Toujours vierge de corps, Marie n’a-t-elle pas dû avoir une âme toujours vierge ? Un prince peut exempter de ses lois, et Dieu n’aurait pas pu la dispenser des siennes 1 II a voulu qu’elle enfantât virginalement et sans douleur ; était-ce aller moins directement à l’encontre des lois de la nature, que de créer son âme pure de tout péché ? Dieu qui a semé les miracles en des occasions moins pressantes en faveur de Josué, de Moïse, d’Élie, de Daniel, ne pourrait pas sanctifier sa mère au premier instant de son existence 1 II a sanctifié dans le sein de leurs mères Jérémie et Jean-Baptiste, et il ne ferait rien de plus pour Marie ! Ces considérations et autres semblables ne sont pas, à vrai dire, des nouveautés ; mais Gerson les présente d’une façon vivante, saisissante, populaire même, préludant en quelque sorte aux magnifiques développements que les mômes idées fourniront à Bossuet.

Le pieux chancelier revient à diverses reprises sur le sujet, soit en affirmant simplement le privilège, soit en ajoutant les conditions dans lesquelles il a dû se réaliser pour que Marie ait été non seulement préservée, mais rachetée : Serm. in Nativitate Domini ; De Nativitate gloriosse virginis Mariæ (au concile de Constance), t. iii, p. 941, 1349 ; Tractatus seu Epistola ad provincialem Cœlestinorum, t. i, p. 451. Dans ce dernier endroit, l’opinion est proposée comme probable et pieuse : Videtur hsec probabilis et pia. Que Gerson n’y vît pas une vérité de foi, la chose est rendue évidente par cette conclusion, énoncée à la suite du sermon pour la fête de la Purification, prêché en 1415 au concile de Constance, Opéra, t. ii, p. 287 : <i II n’appartient pas aux évêques de déclarer hérétique une proposition qui, considérée en elle-même et en droit, ne se présente pas comme étant indubitablement contraire à la foi, et qui, par ailleurs, n’est pas scandaleuse et n’entraîne aucune conséquence dangereuse pour ceux qui ne savent pas si elle est vraie ou fausse. Soient, par exemple, ces propositions : Dieu ne peut pas créer une espèce qui soit, absolument, la plus élevée de toutes ; Dieu ne peut pas créer une nouvelle espèce ; la vierge Marie a été conçue dans le péché originel, et d’autres du même genre que de très grands docteurs, dont les sentiments et les idées ne peuvent être suspects, ont jugés soutenables, qui ne scandalisent pas et dont la connaissance n’est nécessaire ni pour la bonne vie ni pour l’orthodoxie

Ce jugement s’explique par l’état de controverse où le problème se trouvait encore ; mais il ne serait pas légitime de conclure que le chancelier ne reconnaissait pas à une autorité supérieure le pouvoir refusé au simple magistère épiscopal.

2. Lutte en Aragon : Nicolas Eijmeric et les lullisles (1357-1399). — Jean de Monzon eut un émule dans un dominicain de même nationalité, Nicolas Eymeric, né à Girone en Catalogne vers 1320. Voir t. v, col. 2027. Inquisiteur général du royaume d’Aragon de 1357 à 1360 et de 1366 jusqu’à sa mort en l.’199, il engagea et soutint dans plusieurs écrits, énumérés par Roskovâny, t. i, p. 236, une vigoureuse campagne contre certaines doctrines de Raymond Lull, celle de l’immaculée conception en particulier. Il ne craignit pas, en 1366, d’user publiquement de la note d’hérésie et de vouloir traiter en conséquence ceux qui défendaient cette doctrine. Les lullistes, en faveur à la cour d’Aragon, le firent exiler à deux reprises, mais leur principal succès fut d’obtenir une pragmatique, publiée le 14 mars 1393, où le roi Jean 1° adhérait formellement à la pieuse croyance : Firmiter credimus et tenémus quod præfatse huius sanctissimæ Virginis sancta fuit penitus et electa conceptio. En conséquence, il défendait toute prédication contraire : Nec amodo liceat, imo fortiter prohibemus quibuslibet evangelizantibus sive prædicantibus verbum Dei quidquam cxponere vel proferre in aliquam puritatis ipsius benedictse conceptionis iacturam. La mesure fut étendue, le 5 décembre de l’année suivante, à la principauté de Girone. F. Fita, Très discursos histôricos, p. 62, G6 ; Roskovâny, op. cit., p. 103. La mort de Jean l", 19 mars 1396, et la rentrée d’Eymeric, à la fin de 1397, dans son couvent de Girone occasionnèrent sans doute une reprise d’hostilités, car le nouveau roi, Martin P, confirma la pragmatique de son frère, le 17 janvier 1398 : Opinioni quondam régis fralris nostri, hoc est, quod gloriosissimæ Virginis et matris conceptio fuit ab omni labe originali peccati exemta, omnino firmiter inhærentes. Confirmation suivie d’une autre dix ans plus tard, le 26 avril 1408. Fita, p. 75, 81, 98 ; Roskovâny, p. 104, 109.

La controverse aragonaise suscita des écrits importants en réponse aux attaques d’Eymeric et de ses partisans. Un religieux carme de Barcelone, François Martin, composa vers 1390 un Compendium verilalis immaculatæ conceptionis virginis Mariée Dei genitricis, publié par Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex novem auctoribus antiquis, p. 1-215. Malgré sa forme très scolastique et une terminologie recherchée, ce traité, divisé en dix livres, contient l’un des exposés les plus complets de la question, telle qu’elle était alors posée et discutée, des divers genres d’arguments dont on se servait, des différentes manières dont on expliquait la préservation et des problèmes secondaires qui se greffaient sur la controverse principale. Il fournit aussi des détails précieux, utilisés plus loin, sur l’attitude de la cour pontificale avignonaise par rapport à la fête de la Conception.

Le Liber de immaculata beatissimæ Virginis conceptione, attribué au B. Raymond Lull, est aussi de cette époque. Il suffit de lire la préface pour voir qu’il fut composé alors que les dominicains d’Avignon célébra ent solennellement la fête de la Conception, l’année même où le roi Jean I lança son premier édit. attaqué en ces termes par l’adversaire : Qui, anno prœsenli, in civitate Valentiæ, quartadecima Martii, inconsulte ductus… compulil omnes sibi subiectos, cuiuscunque conditionis fuerint, tenere et firmiter confiteri Virginem Mariam sine peccalo originali fuisse conceptam. Mais si l’écrit n’est pas, proprement, du docteur illuminé, il est bien, dans l’ensemble, lulliste ; il l’est par les principes dont l’aulcur s’inspire et qu’il