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IMMACULEE CONCEPTION


les propositions de Jean deMonzon contre l’immaculée conception sont reprises, sous forme de problèmes, I. III, q. X ; Ulrum puritatem virginis Mariæ dicere non fuisse oriijinali obnoxiam, sil expresse contra fidem ? et ainsi des autres, q. xii, xiii, xiv ; puis, celles qui ont trait à l’autorité doctrinale de la faculté théologique et de saint Thomas, t. V, q. i : Utrum ad facullatem theologiæ pertinet doctrinaliler inquirere… ; q. v : Ulrum doctrina sancd Thomse de Aquino sit censenda sic veridica et approbala, ut non ei liceal contraire ?

La sentence fut rendue le 6 juillet ; d’un avis unanime, plus de trente théologiens jugèrent, en ce qui concernait les quatre propositions relatives à Notre-Dame, que chacvme d’elles devait être rétractée, comme fausse, scandaleuse, affirmée présomptueusement et offensive des oreilles pieuses : rcvocanda est tanquam falsa, scandalosa, præsumptuose asserta cl piarum aurium ofjeisiva. Dans la censure de la 10", on lit aussi ces mots qui en déterminent la réelle portée : Nonobstant la probabilité des opinions sur la question de savoir si la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel, non obslante probabilitale queslionis ulrum beata Virgo fueril in peccato originali concepla. Cette réserve nous aide à comprendre la protestation, insérée par les théologiens dans leur sentence, de ne vouloir en aucune façon porter atteinte au respect dû à saint Thomas et à sa doctrine : Salua in omnibus reverenlia sancti Thomæ nec non doctrinæ suæ. Doctrine qui leur semble d’ailleurs susceptible d’une bonne interprétation : Salua reverentia sancti Thomæ, quam credimus uerisimililer bunum habuisse sensum. Denifle, Charlularium, t. iii, n. 1559, p. 491, 493 sq.

Jean de Monzon ne s’étant pas soumis, la cause fut déférée à l’évcque de Paris, Pierre d’Orgemont ; il ratifla la censure, le 23 août. Défense était faite, sous peine d’excommunication ipso fado, d’enseigner, prêcher et soutenir les quatorze propositions, soit en public, soit en secret : inhibendo eliam ac inhiberi facicndn palam et publiée sub eisdem pœnis ne aliquis dictas propositiones seu aliquam ipsarum publiée uel occulte pronuntiel, promulgel uel eliam dogmatizel. P.Doncœur, La condamnation de Jean de Monzon par Pierre d’Orgemont, p. 9 (184). Après divers atermoiements, l’inculpé s’enfuit et se rendit à la cour d’Avignon, pour interjeter appel auprès de Clément VU de la sentence portée contre son enseignement. L’université recueillit les pièces du procès et les fit porter au pape par quatre docteurs. A leur tête était le chancelier, Pierre d’Ailly, qui rédigea un mémoire juridique : Apologia facultatis theologiæ Parisiensis cina damnalionem Joannis de Monlesono. Voir Duplessis d’Argentré, Collectio fudiciorum, 1. 1 b, p. 75 sq. ; J. Gerson, Opéra omnia, Anvers, 1506. t. i, p. 709 sq. ; Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis authoribus, t. i, p. 576 sq. Restant sur le terrain où les docteurs de Paris s’étaient placés, l’apologiste reproche à.lean de Monzon, en ce qui concerne la conception de Marie, d’avoir traité d’erreur formelle contre la foi « ce que tant de saints, de docteurs approuvés, de prélats et d’Églises catholiques tiennent, affirment et approuvent notoirement, sicut notum est. Si la partie adverse regarde comme absurde de dire que saint Thomas ait pu mettre en avant une proposition expressément contraire à la foi, à combien plus forte raison peut-on faire le même raisonnement au sujet d’un si grand nombre de.saints, de docteurs et d’autres catholiques attachés à la dite croyance. » On se retranche derrière l’approbation donnée à la doctrine de saint Thomas ; mais une approbation générale n’exclut pas, de sa nature, des erreurs de détail. Sans compter que, si l’on compare ce qui est dit dans la Somme théologique avec ce qu’on lit dans le comment aire sur les.Scn/p/irM, I. I, dist XFJV, a. 3, ad 3’i"i, l’uniformité <le doctrine n’est pas évidente.

Après avoir entendu les deux parties, Clément VII chargea trois cardinaux d’examiner l’affaire avec le plus grand soin ; mais Jean de Monzon, jugeant que les choses ne tournaient pas à son avantage, partit secrètement pour l’Aragon et quitta l’obédience d’Avignon pour celle de Rome. Cité à trois reprises et n’ayant pas comparu dans les délais canoniques, il fut condamné par coutumace et excommunié à la cour pontificale, le 27 janvier 1389, et à Paris, le 17 mars suivant. Denifle, Charlularium, t. iii, n. 1567, p. 506 sq. Nul jugement ne fut donc prononcé sur le fond même de la question, mais il n’en est pas moins vrai qu’extérieurement et pratiquement parlant, l’université de Paris sortit de la lutte avec les honneurs du triomphe. Agissant en conséquence, elle porta ou renouvela un décret prescrivant à quiconque voudrait être admis aux degrés ou privilèges académiques, d’adhérer préalablement à la condanuiation portée par l’évêque de Paris contre les quatorze propositions. Ibid., p. 496, note 8. En outre, elle imposa des rétractations formelles aux dominicains qui s’étaient compromis dans l’aûaire, en soutenant Jean de Monzon ou en prêchant la même doctrine. La première et la plus éclatante fut celle de Guillaume de Valan, évêque d’Évreux et confesseur du roi ; elle eut lieu le 17 février dans une assemblée tenue au Louvre en présence de Charles VI et des membres de l’université. D’autres suivirent, faites, la même année ou l’année suivante, par Jean Thomas, Adam de Soissons, Geotïroy de Saint-Martin. Jean Ade, Pierre de Chancey et Jean de Nicolai, Ibid., n. 1571 sq., p. 515 sq. A Rouen, un légat pontifical, Pierre de Tureio, fit procéder, en mars et mai 1389. contre deux autres religieux du même ordre, Raoul Morel et Richard Marie, qui avaient parlé d’une façon inconvenante de la bienheureuse Vierge et de sa conception : qui ipsam beatam Virginem et huiusmodi conceplionem publiée in suis sermonibus et alibi turpilcr diffamavcrunt, perpcrnm uilupcrauerunl, Duplessis d’Argentré, op. cit., 1. 1 b, p. 135 sq.

La lutte qui vient d’être rappelée avait particulièrement mis aux prises les frères prêcheurs et les frères mineurs. Ce ne fut pas sans quelques inconvénients que déplorait, entre autres, Henri de Langenstein dit de Hesse († 1397), docteur de Paris, et professeur à l’université de Vienne en.Xulriche. Dans un écrit déjà signalé col. 1015, Contra disceptationcs cl contrarias prædicationes fralrum mendicantium super conceptione bealissimæ. Virginis, et contra maculam S. Bernardo mendaciter impositam, il rappelait les combattants à la modération, cf. Roskowâny, op. cit.. t. I, p. 236, et reprochait à certains d’outrager la mémoire de saint Bernard en colportant la légende de la tache noire ; légende dont lui-même faisait remonter faussement l’origine à Guillaume de Ware. Mais il constatait que la pieuse croyance était devenue l’opinion la plu3 commune et déclarait répréhensibles ceux qui attribuaient à la mère de Dieu d’une façon péremptoire la tache originelle, part. III, c. vu. Ostenditur prœdicanles asserlive quod Virgo liabuil originale, esse reprehendendos.

Sous un autre rapport, la controverse suscitée par .Jean de Monzon eut un résultat notable : elle accentua fortement le courant qui depuis quelque temps déjà, portait les maîtres de l’université vers la pieuse croyance. Toute l’affaire le diniontre.cl le fait est confirmé par les sermons sur la Conception que plusieurs d’entre eux prêchèrent à cette époque ; les textes mêmes dont les orateurs s’inspirent, suffisent souvent à révéler leur pensée..lean de Mandi ville († 1372) commence ainsi : Multi ad legem naturiv insipirnles, opinantur beatam Virginem in peccato uriginali conreplam. Pierre de Alva. Monumenta antiqua ex uariis authoribus, t. i, p. 249.