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IMMACULÉE CONCEPTION


le Grand, In. IV Sent., t. III, dist. III, a. 4 : An caro B. Viryinis fuit sanctificata anle animationcm, vel posl ? Conçue comme les autres, Marie aurait contracté le péché originel virtuellement dans sa chair, m causa et materia corporis ; mais au moment de l’animation, le Saint-Esprit plus agile que tout mouvement, omnibus mobilibus mobilior, Sap., vii, 24, aurait préalablement purifié la cliair, pour qu’elle ne pût infecter l’âme de la tache originelle, ut animam reatu originali inftccre non posset.

Ce sont ces théories qui expliquent pourquoi et dans quel sens les théologiens du xme siècle se sont demandé, si la bienheureuse Vierge avait été sanctifiée avant sa conception (première), ou dans sa conception, ou avant l’animation. Rien de plus évident, si l’on prend leurs conclusions avec les objections qui les précèdent et qui rappellent les arguments des adversaires réfutés, car la plupart de ces arguments, et les plus caractéristiques, viennent des apologistes du xii’siècle. Prenons, par exemple, ceux que saint Thomas s’objecte dans la Somme, III a, q. xxvii, a. 2 : Ulrum B.-Virgo/ueritsanctificalaanteanimationem.Le]n-emieT est tiré surtout de Jérémie, i, 5 : Priusquam te formarem in utero, novi te ; il apparaît dans le sermon attribué à Pierre Comestor : Jeremias igituranle formamhomiriis formam suscepit divinse notionis… Bcnignus Dominus qui vocal ea quæ non sunt, tanquam ea quæ suni ; ante prxveniens gratia, quam donans vitam. Le second argument consiste dans l’assertion de saint Anselme relative à la souveraine pureté dont il convenait que la mère de Dieu fût ornée. De concepln virginali, c. xviu ; le texte avait été utilisé par les défenseurs du privilège, notamment par Gauthier de SaintVictor, col. 1028. L’existence de la fête de la Conception fournit le troisième argument ; tous nos apologistes s’en étaient servis. Le quatrième et dernier est le plus caractéristique : Si radix sancta, et rami, Rom., xi, 16 ; nous l’avons rencontré dans le premier des traités conservés à Heiligenkreuz, col. 1022.

Une dernière manière de voir est signalée par saint Bonaventure./n IV Sent., t. III, dist. III, p.i, a. l.q.n : sanctification directe de l’àme qui, dans un même instant aurait été créée et ornée de la grâce sanctifiante, puis unie au corps, in instanti suæ crcationis fuit sibi gratia infusa, et in eodem instanti anima infusa est carni ; de la sorte, la grâce de la sanctification précédant logiquement l’union, aurait prévenu dans l’àme de la glorieuse Vierge la tache du péché originel. La théorie visée ici semble être celle du » seudovnselme, Scrmo de Conceplione beatæ Mariæ ; il n’explique pas autrement ce qu’il appelle la conception spirituelle : Ipse animarum creator animam suæ matris dignam cl sanctissimnm corpori virginali, efus ministrantibus angelis, copulavil. O quanta est dies illa, qua nostræ reparationis anima digna creatur et sanctiftcatur, et sanctissimo corpori unitur. P. L., t. eux, col. 322. Notablement différente des précédentes, cette théorie garde cependant avec elles ce trait commun, que la sanctification de Marie y est considérée comme antérieure, au moins logiquement, à l’animation qui se fait par l’union de l’àme avec le corps. C’est là une circonstance dont il faut tenir comiite, si l’on veut interpréter exactement la doctrine des grands scolaitiques ; car tous s’accordent à n’admettre de sanctification qu’après l’animation, après l’union des deux éléments qui concourent à former la personne humaine. Ce qui n’em])êcbe pas une ccriairte diversité dans la manière de traiter la question et dans les arguments employés.

a) Théologiens franciscains. — En tête de ligne apparaît Alexandre de Haies, anglais, originaire du comté de Gliiuccster ( 1245), Summa theologiæ, III », q. IX, m. II, De sanctificationc beatæ Virginis.

Sa doctrine se résume en quatre conclusions, correspondant à un nombre égal de questions. — a. La bienheureuse Vierge n’a pas été sanctifiée avant sa conception, ou, suivant une autre expression, daris ses parents. La génération a pour principe non la sainteté personnelle de ceux qui engendrent, mais la nature, et celle-ci, depuis la chute originelle, est soumise à la loi du péché ou de la concupiscence ; Marie, engendrée dans les mêmes conditions que les autres, n’a donc pu être sanctifiée dans ses parents ; au contraire, il était nécessaire que, de ce chef, elle contractât le péché dans son origine, imo neccsse fUit quod in generatione sua conlrahcret peccatum a parentibus. L’argument suppose une distinction fondamentale, énoncée au début de l’article, entre deux sortes de sanctification : sanctificatio naturx et sanctificatio personæ, l’une étant comme l’apanage de la nature elle-même, l’autre ne convenant qu aux individus en raison de la grâce sanctifiante reçue et possédée à titre purement personnel. Dans ce dernier cas, l’argument tiré du texte : St radix sancta, et rami, est sans valeur. — b. La bienheureuse Vierge n’a pas été sanctifiée dans l’acte même de la conception, in ipsa conceplione. L’acte générateur s’accompht, il est vrai, par la volonté des parents, volonté qui peut être bonne et, sous ce rapport, l’acte lui-même peut être méritoire ; mais, considéré physiquement et dans sa vertu propre, l’acte est de la nature corrompue et soumise à la loi de la concupiscence ; la sainteté ne ])cut donc s’y trouver, suivant la doctrine de saint Bernard : Quomodo peccatum non fuit, ubi libido non defuil ? Parmi d’autres arguments énumérés auparavant, il en est un d’une importance spéciale et que nous rencontrons pour la première fois, celui qui fait appel au dogme de l’universelle rédemption en Jésus-Christ, incompatible avec une conception sans péché, parce qu’alors il n’y aurait pas besoin de rédemption : Ilem, si B. Virgo non fuisset concepla in pcccaln, crgo non fuisset obligata peccnlo, nec habuisscl rcatum peccali. Si ergo quod non habct reutum pcccati, non indiget rcdemplione, quia redemptio est proptcr obligationem ad peccatum et ad reatum pcccati, ergo non indigercl rcdemplione per Christun, quod secundum (idem catholicam non est ponendum. Comme il s’agit, dans cet article, de la conception première ou charnelle, Vobligatio ad peccatum ne peut s’entendre que de ce que les théologiens appelleront le dehitum peccati, c’est-à-dire la nécessité de contracter le péché originel ; nécessité que Marie devait encourir en vertu de sa conception, Ijour qu’elle eût vraiment besoin d’être rachetée. — c. La bienheureuse Vierge n’a pas pu être sanctifiée après la conception, avant l’infusion de l’âme. Sanctification qui, par hypothèse, tomberait encore directement sur la chair, ita quod caro ejus essel sanctificata, anlequam infundcrdur anima in ea. C’est seulement en vertu de son union avec l’âme que la chair peut être ordonnée à la gloire ; d’un autre côté, c’est la grâce inhérente à l’âme qui dispose à la gloire ; il est donc impossible que la chair soit sanctifiée avant l’infusion de l’âme. — d. Reste que la bienheureuse Vierge ait été sanctifiée après l’union du cor]is et de l’âme, mais avant sa naissance, ante suam nativilalem post infusionem anima : in suo corpore. Le « docteur irréfragable » ne précise pas davantage. L’hypothèse d’une sanctification opérée avant que le péché originel eût été réellement et formellement contracté, serait-elle recevableV Non, à en juger par tout l’ensemble de la doctrine. D’ailleurs, énonçant, a. 4, une preuve en faveur d’une sanctification antérieure à la naissance, Alexandre fait intervenir l’idée de purificalinn : Si non essel puriflrala et sanctificata in utero, intelligrretur major puritns in Joanne et Ilieremia. Quoi d’étonnant ? Avec Pierre Lombard et tant d’autres, ce théologien