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IMMACULEE CONCEPTION


Baudoin VIII, comte de Hainaut et de Flandres, in Conceptione gloriosæ Virginis ou in solemnilale Conceptionis gloriosæ Virginis Marise. E. Spellman, Belgium Marianum, Tournai, 1859, p. 261. En Espagne, au monastère d’Hirache et dans tout le royaume de Navarre, la conceplion de Notre-Dame était solennisée assez peu de temps après la mort du saint abbé Vérémond, non ita multo posl cjus obitum ; mort arrivée vers 1092. Acla sanctorum, maii t. i, Anvers, 1668, p. 796. Enfin une hymne In conceptione beatee Marisa Virginis se trouve dans un psautier monastique du xiie siècle, conservé aux archives de Saint-Pierre du Vatican. G. Dreves, Analecta hymnica, t. xxiii, n. 85.

Ces documents ne constituent pas autant de preuves en faveur de la croyance à l’immaculée conception ; car, s’ils attestent l’existence d’un culte, ils n’en déterminent pas l’objet d’une façon précise. Dans la plupart des cas, tout se borne à une simple mention de la fête au calendrier ou autrement ; par exception, quelque détail intéressant s’ajoute ; ainsi, dans un missel fécampois, une préface propre où la nouvelle Eve est opposée à l’ancienne, comme la femme qui devait broyer la tête du serpent et comme la plus élevée des créatures, non moins par les privilèges reçus que par l’excellence des mérites : hanc enim sicut omnium dignitate præccllil fastigia mcriioTum, ita prse omnibus priuilegiorum honore sublimasti. E. Vacandard, Les origines de la jête de la Conception dans le diocèse de Rouen, p. 169. Les pièces des Analecta hgmnica ne contiennent que des générantes ; rien de plus précis que la strophe suivante, formant la première antienne des premières Vêpres dans l’office rj’thmé des manuscrits de Vienne et de Friesach :

Gaude, mater ecclesia.

Nova frequentans gaudia,

Lux micat de caligine,

Rosa de spina germine.

L’influence de la légende d’Hclsin se trahit souvent par un renvoi à l’office de la Nativité, avec changement de ce nom en celui de Conception ; parfois même l’histoire est rappelée, comme dans le Codex Wirceburgen.

Concipitur hodie

Nova mater gratlîB

Quse mandavit

aiens Elsino

Desperanti i

in motu marino

Ut coleret ereptus

diem istum omnino.

Le jour indiqué dans la vision d’Helsin, le huit décembre, et l’interprétation supposée couramment par les partisans de la fête, reportaient naturellement l’esprit vers la conception première ou charnelle de Marie. Cette circonstance ne fut pas indifférente au mouvement d’opposition que nous avons rencontré dans la première moitié du xiie siècle et qui se poursuivit dans la seconde. En Allemagne, vers 1152, nous trouvons comme principal adversaire connu le bénédictin Pothon ou Boto, non pas de Priim, suivant la version courante, mais de Priifening, près Ratisbonne. Reprochant amèrement aux moines de son temps l’introduction de fêtes nouvelles, comme celles de la Trinité et de la Transfiguration, il continue : « Certains ajoutent même, ce qui semble plus absurde, la fête de la Conception de sainte Marie : additur his a quibusdam, quod magis absurdum videtur, festum quoque conceptionis sanctee Marise. » De statu domus Dei, t. III, in fine ; voir Magna bibliotheca veterum Patrum, Paris, 1644, t. ix, col. 588. Que l’opposition ne soit pas restée sans résultat, nous l’apprenons de Césaire (f vers 1240), religieux cislevci.-n d’Heis lerbach, abbaye située dans le territoire des Sept-Montagnes, Siebengebirge, au diocèse de Cologne. Pierre de Alva nous a conservé, Radii solis, p. 2218 sq., quelques fragments de sermons inédits que ce moine prêcha ou composa, probablement au début du xiiie siècle. Dans un premier discours il parle des fêtes de la Vierge célébrées actuellement, puis il ajoute qu’auparavant le jour de la Conception était aussi fêté, et fêté avec beaucoup de solennité, mais que, l’Église l’ayant ainsi réglé, cette dernière fête est maintenant abolie : B. Virginis solennitas dies Conceptionis cjus fuit, qui valde celebris fuit usque ad tempera nostra, sed nunc judicio Ecclesiæ abolita. Dans un second discours, l’orateur expose la controverse relative à cette solennité. Les uns, « tout en admettant que la concupiscence inhérente à l’acte conjugal est mauvaise, comme chose honteuse et peine du péché, ne veulent cependant ni lui donner le nom ni lui reconnaître le caractère de péché, quand l’acte est accompli comme il convient, en vue de propager la race humaine, car les trois biens du mariage, fides, proies et sacramentum, excusent de toute faute la délectation sensuelle qui se môle à la génération. Appuyés sur cette considération et comprenant qu’il ne peut y avoir de péché dans une chose inanimée, tel qu’est le germe conçu, ceux qui nous ont précédés, désirant honorer le Sauveur que la Vierge a conçu du Saint-Esprit, jugeaient sainte et vénérable la conception charnelle de la Vierge elle-même ». A quoi les autres répondaient que, « dans la matière conçue, chose inanimée, il ne peut y avoir ni sainteté, ni vertu, ni grâce, et c’est pour cela que, sur l’avis d’hommes prudents, la fête de la Conception de la bienheureuse Vierge Marie a été, suivant qu’il a été dit, abohe de nos jours. » Que faut-il entendre l)ar ce jugement de l’Église en vertu duquel la fête de la Conception avait été abolie dans le milieu où vivait Césaire ? Sous quelle forme la prohibition s’était-eUe produite et quelle en avait été la portée ? Autant de points sur lesquels le moine d’Heisterbach ne nous renseigne pas ; son témoignage n’en est pas moins l)récieux, et parce qu’il affirme im fait arrivé de son temps, et parce qu’il m.ontre expressément qu’à cette époque-là tous, défenseurs et adversaires de la fête, avaient directement en vue la conception première ou charnelle de Marie.

En France, le mouvement d’opposition avait amené un résultat semblable. Jean Beleth, docteur parisien, reconnaissait en 1160 cinq fêtes de la Vierge comme authentiques et approuvées, puis ajoutait : « Certains ont parfois célébré, et peut-être célèbre-t-on encore la fête de sa Conception, mais celle-là n’est ni authentique ni approuvée ; il semble même qu’elle serait plutôt à prohiber, car Marie fut conçue dans le péché, immo cnimvero prohibendum potius esse videtur, in pcccato namque concepta juit. » Rationale dioinorum ojjiciorum, c. cxlvi, P. L., t. ccii, col. 149. De fait, Maurice de Sully, successeur de Pierre Lombard sur le siège épiscopal de Paris (1160-1196), interdit la fête de la Conception dans son diocèse, ou du moins dans sa cathédrale, « en se basant sans doute sur l’opinion doctrinale qui régnait parmi les théologiens de Paris. > H. Lesêtre, L’immaculée conception et l’Église de Paris, p. 32. Conjecture favorisée par un passage où Guillaume d’Auxerre († 1231 ou 1232) met une connexion entre l’acte prohibitif de Maurice de Sullj" et la conception de Marie comme faite dans le péché : Per actum enim concupiscentiæ, non de Spiritu Sancto concepta fuit, et ideo contraxit peccatum originale, et ideo Mauritius episcopus Parisiensis prohibuit ne festum Conceptionis ejus celebrarctur in ecclesia Parisicnsi. Summa de officiis ecclesiasiicis. t. III, c. iii, d’après Pierre de Alva, Radii soiis, p. 738.