Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/519

Cette page n’a pas encore été corrigée
1023
1024
IMMACULÉE CONCEPTION


réponse dans l’hypolliùsc d’un acte f^cnéralciir sans concupisL’cnce qui eût été concédé aux parents de la inc^re de Dieu par une intervention miraculeuse de la puissance divine, ex miraculo et Dei potentia /orhixsis. Il rappelle à ce propos que, malgré certains textes de l’Écriture qui semblent énoncer, non pas seulement la conception, mais même la naissance de tout homme dans le péché, saint Augustin a su reconnaître et proclamer la possibilité d’une exception : qnœcumquc gruliu Dei, anleqnam nascatiir, qu/-m</iic sanctificcl. De Genesi ad lilteram, t. VI, c. ix, n. 15, P. L., t. XXXIV, col. 345.

L’ignorance du véritable auteur des écrits conservés à Heiligenkrcuz et à Zwettl est doublement regrettable. Les points de contact entre sa doctrine et celle du prétendu Comestor sont assez nombreux et notables pour que la connaissance de l’un pût conduire à celle de l’autre. Surtout la connaissance du milieu où les écrits furent composés permettrait de mieux apprécier la valeur et la portée des renseignements qu’ils contiennent sur la fête de la Conception de Marie : Ecce pcr Dei (jraciam omnis ccclesia longe lateque, aal (jencruliler, aiil spccialiter, ul dignam, ut sanctam, ul vencrandam, ut a Deo sanctificatam, hanc sacratissimam célébrant conceptionem. Quid tu facis, cum luiic jeslo celebri curn /ratribus et ordinc tuo contingit te intéresse… ? Et dans la seconde pièce : Conceptionem béate virginis Marie ab ecclesia kedholica accepimus…, quani populus Christi longe lateque concélébrai. Les conjectures vont naturellement du côté de l’Allemagne, où des traces du culte apparaissent, en elïet, dans des monastères rhénans, bavarois et autres ; mais elles pourraient aller aussi du côté de l’Angleterre, étant donné ce que l’histoire nous en apprend.

John Baie raconte qu’en 1140 il y eut dans son pays une éclipse totale de soleil, accompagnée d’un violent tremblement de terre et d’autres phénomènes effrayants. D’après ce bon protestant, tout cela présageait quelque chose de beaucoup plus grave, une prochaine défaillance de la pure doctrine du Christ. Peu de temps après, en effet, on se mit à discuter sérieusement à Oxford, à Paris et ailleurs, sur des sujets extravagants, entre autres la conception de Marie : lune cœplum est Oxonii, Parisiis et alibi, euriose dispulari de aulhoritale papæ de dignitate ordinis monastici, de priestanlia sacri cœlibatus, de conceplione Mnrise, de fcrmenlo et azymo, de deificatione panis in altari per transsubstanliationem, el siniilibus detiriis. Scriptorum illustrium majoris Britanniæ. Centuria secunda, n. 74. Append., Bàle, 1657, p. 188. Un autre historien, Anthony à Wood, rapporte les mêmes discussions à l’année 1144 et nomme parmi ceux qui écrivirent à cette occasion Nicolas de Saint-Alban, Geoffroy de Monmouth et Laurent de Durham. Historia el Anliquitates Uniucrsitalis Oxoniensis, Oxford, 1674, p. 5L Rien de tout cela ne nous est parvenu, remarque d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris, 1724, t. I, p. 36 ; on peut cependant, à l’aide d’une autre source, identifier Nicolas de Saint-Alban comme champion de la Vierge. « Sous la double influence, de l’enseignement qu’il avait reçu de maîtres doctes, et de sa vive dévotion envers Notre-Dame non moins que de son respect pour le Christ Sauveur, Il avait acquis la conviction que la mère du Fils de Dieu avait ijté conçue sans péché, et qu’une conception différente ne pouvait lui convenir ; en vue d’établir ce privilège, il s’engagea plusieurs fois dans des discussions et s’efforça de trouver des raisons solides en faveur du sentiment qu’il défendait ; finalement il composa deux livres De conceplione bealæ Mariée Virginis, dédiés à Hugues, abbé de Saint-Renii de Reims (1151-1162), et commençant par ces mots : Sœpe

numéro dulci.^sim ; i’fralernilati. ».J. Pitseus, Rclationum historicarum de rehus anglicis lomus primus, Paris, 1619, à l’année 1140, p. 208.

La brésencedecet écrit à la bibliothèque Bodlcienne d’Oxford a été récemment signalée par E. Bishop, Liturgicahistnrica, Oxford, l’.)18, )>. 259. Il se trouve dans un manuscrit », A (icI. D 4. lH, i). 99. Incipit liber magistri Nicliolai de eelebranda conceplione béate Marie contra b-aturn Bernhardum. Le R. P. Joscpii De Ghellinck se propose de l’éditer dans le Spicilegium sacrum Looaniense, qu’il est sur le point de commencer. Ce qu’on connaissait jusqu’ici du moins de Saint-.lban manifestait déjà en partie sa pensée. Une trentaine d’années plus tard, il eut une passe d’armes avec un autre abbé de Saint-Remi, Pierre de Celles : passe d’armes postérieure à la canonisation de saint Bernard (1174), mais antérieure à l’installation de Pierre de Celles sur le siège épiscopal de Chartres (1181). (^ette nouvelle controverse ne nous est qu’imparfaitement connue, faute des premièros lettres échangées entre les deux champions ; trois nous sont parvenues, une de Nicolas et deux de l’abbé de Saint-Remi, P. r.., t. ccii, col. 613, 622, 627. Au début, la discussion semble avoir porté directement sur la fête de la Conception. Pierre s’en tient à l’attitude de saint Bernard, tout en protestant de sa vive dévotion envers Marie : " Vous glorifiez la Vierge, et je la glorifie comme vous. Vous l’exaltez au-dessus des chœurs angéliques, et je le fais aussi. Elle est, ditesvous, exempte de tout péché ; je l’affirme comme vous. Vous assurez qu’elle est mère de Dieu, notre médiatrice auprès de Dieu ; je ne le confesse pas moins. Quelque tour que vous donniez à votre vénération, à vos respects, je suis avec vous, je pense comme vous. Mais si, dédaignant la monnaie courante et de bon aloi, vous en fabriquez une autre que la chaire de Pierre n’a pas autorisée…, je m’arrête et refuse de franchir imprudemment les bornes prescrites par l’Église, .le crois pourtant et je professe que Marie possède incomparablement plus de privilèges cpie nous n’en connaissons ; car telle est en elle l’élévation de la gr : '>cc et de la gloire, qu’il m’est impossible d’y atteindre. » Episl., CLXxiii, col. 632. Le moine anglais soutenait la fête ; admirateur de la sainteté de Bernard, il déclarait ne pouvoir approuver ce qu’il appelait sa présomption sur le point de la conception de Marie. A cette occasion, il raconta la légende du frère convers de Clairvaux qui, dans un songe, aurait vu son ancien abbé, revêtu d’habits éclatants de blancheur, mais portant à la poitrine une tache noire, en signe d’expiation pour ce qu’il avait écrit d’inconvenant sur la conception de Notre-Dame : Quia de Domince nostræ conceplione scripsi non scribenda, signum purgationis mese maculam in pectorc porto. Episl., CLXxii, col. 623.

Une autre controverse se greffa bientôt sur la première, et elle montre qu’il y avait entre les deux champions plus qu’une divergence d’ordre juridico-liturgique. Pierre de Celles tenait qu’avant l’incarnation Marie avait été soumise, du moins en partie, aux mouvements déréglés de la concupiscence et aux assauts de la tentation, sans toutefois y avoir jamais consenti, sensit peccatum sine peccato. Episl., clxxih. col. 630. Nicolas s’indignait contre cette assertion ; il voulait la mère de Dieu toujours sainte, toujours pure, d’âme et de corps, à l’exclusion du fomes peccati. C’est là sans doute ce qu’il a en vue dans une phrase, où, d’un côté, il nie que Marie ait été, comme son fils, conçue du Saint-Esprit, et, de l’autre, il affirme que dès le sein de sa mère, elle fut remplie du Saint-Esprit et sanctifiée, comme son fils : non dico de Spiritu conceptam, ut filius, sed de Spiritu Sanclo repleta, et sancti /icata ab utero matris, ul filius. Episl., clxxii, col. 624. En somme, l’influence d’Eadmer prédo-