Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/512

Cette page n’a pas encore été corrigée
1009
1010
IMMACULEE CONCEPTION


par le principe que saint Anselme, son maître vénéré, avait formulé : Decens eral, ut ea pitrilale, qiia major sub Deo nequil inlcllif/i, Viryo illa nitercl ; seulement, au lieu d’en restreindre l’application à l’époque où Marie deviendrait effectivement mère du Verbe incarné, le disciple l’avait étendu à toute sa vie, y compris le premier instant. Ce n’était pas fausser le principe, mais en tirer les justes conséquences.

L’affirmation du glorieux privilège de Marie n’est pas moins formelle dans les trois pièces, dues à Osbert de Clare, que les Pères Tluirston et Slater ont ajoutées, sous forme d’appendices. au traité d’Eadmer, à savoir : la lettre à l’abhé Anselme, déjà signalée ; une autre lettre, adressée vers ir25 à Warin, doyen de Worcester, et lui annonçant l’envoi d’un sermon composé pour la fête de la (Conception ; enfin ce sermon lui-même, Sermo de conceplione sancte Marie. Osbert insiste sur la maternité divine, principe et mesure des grandeurs de Marie ; il salue en elle la nouvelle Eve qui devait écraser la tête du serpent ; il considère sa conception comme vénérable pour les circonstances miraculeuses f(ui l’accompagnèrent, en particulier le message angélique, in qua (die) anyelo luinlianle malrem Domini Mariuni genilrix Anna concepil, mais ce qu’il prétend surtout célébrer, à la suite d’F.admer, ce sont les prémices de notre rédemption, l’instant où la sagesse de Dieu commence à se construire une demeure temporelle. Append. C, p. 6(5, 74, 79 sq. C’est dans le même sens qu’écrivant à Warin, il dit en réponse à l’objection tirée de la loi du péché qui s’attache a toute génération sexuelle : « La fête que les fils de la mère de grâce entendent célébrer, n’a pas pour objet l’acte du péché, mais les prémices de notre rédemption, source de saintes joies : non de uclit peccali celebrilulem faciuni, scd de priniiliis redemplionis nosine muUiplicia sanctæ novilalis gaiidia solenniter ostendunt. Il avertit, du reste, son correspondant que, sur ce point, il s’est tenu et se lient dans une prudente réserve : " Je n’ose pourtant pas dire ce qu’à part moi je pense de cette suinte yènérulion. » Append. H, p. 01, 63. Plus libre dans la lettre à l’abbé Anselme, Osbert y aflirme nettement, à jjlusieurs reprises, la sanctification de Marie // ! ipsa creatione, ipso crcationis et conceplionis exordio. La sanctification du précurseur dans le sein de sa mère et l’usage existant alors en beaucoup d’endroits de célébrer sa conception, sont le point de départ d’un argument a fortiori en faveur de la pieuse croyance et de la fête qui s’y rattache : Si enini healus Johunnes, qiiem Deiis Pater prœcursorem misil Filio suo, anyelo anniincianle conceptus est, et in utero inatris suie sanctificatus, multo magis credendum est in ipsa conceplione eandem sanctificalam fuisse, de cujus carne sanctus sanctorum processit. .. Quod si conceptio celebratur servi, quid débet fieri de conceptione mulris Domini ? Enfin Osbert, suivant là encore JCadmcr, étend cette sanctilication originelle à toute la personne de la bienheureuse Vierge, dés lors « toute pleinc de la grâce du Saint-Esprit » et « purifiéc même corporclloment de toute tache, et ab omni macula corporaliter eliam purificala ». Assertion répétée, quelques lignes plus loin, en termes vigoureux : ab omni colhwione emundavil, defœcavil, illuminavil, neque aliquid impurilalis in carne illa de qua redemplionis noslric caro assumenda eral reliquit. Dans celle sanctification originelle de la Vierge Marie, quoique (ille d’Adam et issue comme telle de la masse péchcrese, qu’y aurait-il d’impossible pour celui qui, voulant donner une aide au premier homme, forma jadis d’une côte d’Adam notre premicrc mère pure et sainte’.'.ppend. A, p..)(> sq.

Osbert de i’Aarc, comme Eadmer, attribue donc à la mère de Dieu une conceplion sainte avec exclusion de toute souillure, soit de l’àme, soit du corps. De

même, sa vénération va directement à la Vierge, considérée dans le premier instant de son existence, sans distinction entre la conception commencée et la conception consommée. Est-ce à dire que cette manière de voir était celle de tous ceux qui, à la même époque, admettaient la fête" ? L’affirmation serait arbitraire. D’autres pouvaient trouver des motifs suffisants de vénération, soit dans le caractère miraculeux que la légende attribuait à la conception de Marie comme à celle de saint Jean-Baptiste, soit dans les titres qui convenaient dès lors à la bienheureuse Vierge, comme future mère de Dieu, gage de la rédemption prochaine, source de joie spirituelle, etc. Il n’en reste pas moins que le résultat de la controverse en Angleterre avait été de provoquer, de la jïart d’un certain nombre, l’affirmation explicite et publique de l’immaculée conception. Sous ce rapport, les écrits publiés à cette occasion ont une réelle importance dans l’histoire du dogme ; le Tractalus de conceplione d’Eadmer, en particulier, fait époque, non seulement à cause de la doctrine qu’il contient, mais encore à cause de l’influence qu’il devait exercer ensuite, comme le P. Slater l’indique dans sa préface, p. x-xvi. L’avenir montrerait si l’allirmation du glorieux privilège s’était ))roduite dès lors sous une forme capable de résoudre toutes les objections et de rallier tous les suffrages.

R. Anstruther, Epistolæ Ilerherti de Losinga, primi e/iiscopi Xurwicensis, Usbcrti de Cluia et Elmeri » rioris Cuntiiariensis, Bruxelles, Londres, 1846 ; V. de Eiick, Osbert de Clare et l’abbé Anselme inslituleiirs de la fêle de l’iinniaciiléc conception de la sainte X’ierqe dans l’iujlise latine, dans Éludes de théolngie, nouv. série, Paris. 18()0, t.ii ; E. Bishop, art. cité ; B. Wolff, .4/i( Anselm imd das l-’csl des H Decernber ; A’oc/i einnial das l’est des 8 Dcccinber, dans Sliidien iind Mitheiliijigen ans dem Benedirliner-und dem Cistercienser-Orden, Eriinn. 1885, 1886 ; Ragcy, Eadmer, Paris, 1892, c. XXXIV sq. ; lî. Vacandard, Les orjgines de la fête de la Conception dans le diocèse de Rouen et en.Angleterre, dans a Revue des questions /iis/oriV/iic.s-, Paris. 1897 ; II. Thurstoii, Abbot Ansrlm o/ Hiin ; and the humaculate Cnnceivion ; The legend o/ abbol Elsi ; lùxgland and Ihe Immaculate Conce].tion, dans The Monlh, 1904, juin, juillet et décembre ; .. Noyon, Les origines de la fête, etc., loc. cit. ; H. Thurston et Th. Slater. lùubncri mounchi Caniuaricnsis tractalus de conceptiiine sauctic Mariiv, olim sancUi.{uselnw atlrilnitus, nunc jirimum inleger ad codicum fidem editus, udiectis quibusdam documentis coa’taneis, Fribourg-en-Brisgau, lOUJ ; E. Vacandard, Les origines de la fête et du dogme de l’immaculée cnnceptintt. loc. cit. ; Kellner, Ileortologie, 3e édit., p. 187 sq. ; A. Xoyon, otes bibliographiques sur l’histoire de la théologie de l’immaculée conception. VI. [La doctrine au xii’siècle], dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Toulouse, juillet-août 1920, p. 296 sq.’2° La controverse sur le continent : saint Bernard et la fêle de la Conccplion. — Ce débat fut connue un prolongement du précédent ; provocpié par la même cause, il eut un retentissement plus grand à cause de la qualité et du nombre des per.-onnages qui entrèrent en scène.

1. L’opposition de saint Bernard. — Dans sa lettre à l’abbé.

selme, Osbert de Clare avait airn-mé, sur la foi de nombreux témoins, que sur le continent comme en.Angleterre, des évêques et des abbés faisaient solennellement mémoire dans leurs églises du jour où la mère de Dieu fut conçue : mulli Icstimonium pcrhibucninl quoniam et in hoc régna et in transmarinis parlibus a nonnullis cpiscopis et abhalibus in ccclesiis Dei celebris inslitula est illius dici rccordalio..fTirmafion valable au moins pour la Normandie et des régions voisines, puisque de là proviennent la plupart des monuments liturgiques du xii’siècle où la fêle est mentionnée. Voir ci-dessous, col. 1033. Mais le mouvement d’expansion ne s’était pas contenu dans ces étroites liiniles ; ce qui rdvint à l-yon en est une preuve. Laissons de ccMé les assertions inexactes ou