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le sens qu’on suppose dans les ouvrages cités. Que la fôte de la Conception ait été instituée sous Guillaume le Conquérant et qu’elle l’ait été par saint Anselme, ee sont là deux assertions inconciliables, puisque le loi normand mourut en 1087 et que l’abLé du Bec ne devint archevêque de Cantorbéry qu’en 1093. D’ailleurs, ni l’une ni l’autre de ces assertions ne présente de sérieuses j^aranties. Loin d’être favorisé par l’invasion, le culte de la Conception en fut entravé, au début, et même compromis : il y eut réaction contre les usages du peuple vaincu, d’après Eadmer, Viia S. Ansclmi. t. I, c. v, n. 42, P. L., t. cLvni, col. 74, des réformes furent faites dans le calendrier anglosaxon par Lanfranc qui occupa le siège de Canlorléry de 1070 à 1089, et la nouvelle fête de la Vierge subit une éclipse momentanée en plusieurs endroits, notamment à Winchester et à Cantorbéry. Sous quelle influence la restauration se fit-elle, nous le verrons tout à l’heure, mais bien qu’elle ait suivi de près la mort de saint Anselme, lui-même n’en fut lias l’auteur. L’obstacle ne vient pas du doute qui s’attache aux sentiments de ce docteur sur la question de croyance, car l’admission d’une fête de la Conception et la croyance à la sainteté originelle de Marie sont deux choses qu’il faut distinguer à cette époque, comme dans les siècles suivants : tels ont accepté la fête, qui ne professaient pas la croyance. L’obstacle réel est d’ordre historique : on ne trouve rien, ni dans les œuvres authentiques d’Anselme, ni dans sa biographie composée par Eadmer, son disciple et familier, ni dans les autres documents contemporains, cjui permettent d’attribuer au saint primat l’institution d’une fête de la Conception, soit pour l’Angleterre et la Normandie, soit pour la seule Église de Cantorbér-. Tous les écrits relatifs à la croyance ou au culte de la Conception qui ont été rattachés au nom d’Anselme, le Tractafits, le Sermo, le Miraculum, sont apocryphes. L’affirmation émise par Simon Mépham deux siècles plus tard, au concile de 1328, est vraisemblablement dépendante de ces pièces, à moins qu’elle ne doive s’expliquer par une confusion entre Anselme l’archevêque et Anselme le Jeune, son neveu, qui fut en réalité non l’instituteur, mais le restaurateur de la fête de la Conception en Angleterre.

Dégagé des excroissances ultérieures et ramené aux données premières, que vaut le récit de la vision d’Helsin ? Des écrivains ont cru devoir douter de l’historicité du personnage ou du moins de sa mission en Danemark, surtout parce qu’Helsin est donné dès lors pour abbé de Ramsay, titre qu’il aurait possédé seulement en 1080, à la mort d’Aelfwin, son prédécesseur : Aielsinus abbas. Suscepit abbatiam anno RILXXX. Et fuit abbas pcr VIII annos. Cartularium monastcrii de Ramescia, Londres, 1886 sq., t. IV, p. 174. Doutes fragiles, car des documents incontestables établissent qu’Helsin (appelé aussi Elsi, Elsinus, A.ielsinus, Aethelsige), abbé de Saint-Augustin de Cantorbéry au temps de Guillaume le Conquérant, apparaît aussi dès cette époque, et avant la mort d’Aelfwin, avec le titre d’abbé de Ramsay, qu’il fut envoyé en Danemark et qu’au retour, il alla non pas à Cantorbéry, mais à Ramsay. Langebek, Scriptores tprum Danicarum medii wvi, Copenhague, 1774, t. iii, p. 252 ; Sir L. Ellis, A gênerai introduction to Domesdiij book, Londres, 1833, t. ii, p. 98 ; Ed. Freenmn, Ilistory of Ibe Norman conquest of England, 2 édit., Oxford, 1876, t. iv, p. 135 sq., 749 sq. Sans compter que, dans le carlulaire de l’abbaye de Ramsay, on lit ces mots à la suite de ceux qui ont été rapportés ci-dessus : Et eidem rcvelatum fuit in mari qnod feslum Conceptionis sanctæ Murix celebraretur, et per ipsum primo fuit inventum.

Mais si l’on ne peut pas douter de l’historicité du

personnage, n’en va-t-il pas autrement de la réalité de la vision qui lui est attribuée ? A prendre cette dernière en elle-même et dans son objet, rien n’autorise à la rejeter d’emblée, comme impossible ou même invraisemblable, ni à la mettre sur le même rang que les légendes du clerc hongrois et du chanoine normand, car elle se présente dans des conditions très différentes. Il est vrai que la fête de la Conception existait déjà en Angleterre et que, notamment, elle avait existé à Saint-Augustin de Cantorbéry, monastère longtemps habité par t.elsin, d’abord simple religieux, puis prieur et abbé ; cette circonstance prouverait contre la véracité de la vision, si l’on prétendait y rattacher la première apparition de la fête en Angleterre. Mais rien de pareil ne se trouve dans les récits les plus anciens : il y est seulement question du monastère de Ramsay : Statimque in Ramesiensi cœnobio idem festum solempniler celebrari constiluit, et ipse quoad vixit devotis obsequiis illud celebravit… Statuilque in Ramesiensi ecclesia cui ipse precrat ut lioc festum omni anno solempniler vi idus decembria eelebraretur. Thurston, Eadmeri traclalus, p. 91, 95. D’autres doutes, plus sérieux, ont été émis ; ils tiennent soit au caractère imaginatif de l’abbé Helsin, tel que d’autres actes de sa vie le font soupçonner, soit au silence des premiers défenseurs de la fête au xiie siècle, soit à un certain ton tendancieux qui semble régner dans le récit du Miracutum et qui peut le faire considérer comme rédigé ou arrangé en vue de légitimer la fête contestée et d’en favoriser le triomphe. Thurston, The Englisfi feast of our Ladys’conception, p. 461 ; E. Bishop, Un the origins, 1904, p. 8 sq., 37 sq.

Une chose, en tout cas, est incontestable : c’est la grande influence que la publication du Miraculum de conceptione exerça sur le développement, non pas tant de la croyance au glorieux privilège, que de la fête de la Conception. La jireuve en est dans le grand nombre de bréviaires, martyrologes et autres documents liturgiques où, à partir du xui'e siècle, la légende d’Helsin est utilisée, en Angleterre, en Normandie, en Danemark, I..angebek, op. cit., t. iii, p. 253, et sur tout le continent, l’Italie comprise, comme on en peut juger par des bréviaires conservés à la bibliothèque du’atican, par exemple. Val. lat., 4752, fralrum minorum secundum consucludinem romane ecclesie. fol. 526, et 4761, secundum consueludinem romane curie, fol. 362 v, l’un et l’autre cotes xivo siècL Fait qui ne peut créer aucune difficulté dogmatique, si l’on a soin de distinguer ici comme dans d’autres cas, en particulier celui de la dévotion au Sacré-Cœur, entre l’occasion ou la cause déterminante d’un mouvement cultuel et l’objet ou le motif propre du culte ; objet et motif dont la vérité est, en soi, distincte et indépendante de l’occasion ou cause déterminante du mouvement cultuel.

Robert Wace, L’établissement de la fêle de la Conception Notre-Dame dite la Fêle au.x Normands, édit. G. Mancel et G. S. Trébutien. Cæn, 1842 ; l^iagey, Eadmer, Paris. 1892c. xx.xvii-XLi ; H. Thuiston, J’Iie English feast of our Lady’s Conception ; The legend of abbot £(51, dans 2°/ie i/oji(/i, 1891, 1904, t. LXXHi, p. 548 sq. ; t. civ, p. 1 ; l’abbé.Vdam, La fête de V Immaculée Conception, dite « Fêle aux Normands ». d’après les quatre bréviaires nmnuscrits deCoutances, conservés à la bibliothèque de ^’alognes, dans la Revue catholique de Normandie, 5’année, 1895-1896. p. 115, 357 ; E. Vacan<tard, /, es origines de la fête de la Conception dans le diocèse de Rouen et en Angleterre, dans la Revue des questions historiques, Paris, 1897, t. LXi. p. 166 ; plus tard. Les origines de la fêle et du dogme de l’immaculée conception, I, dans la Revue du clergé français, VJlQ.t.i.s.u, p. lS-20 ; P. Salaville, Les prein ières origines de la fête de la Conception en Normtuidie, dans Notre-Dame, 3° année, Paris, 1913, p. 357-364.

II. XII" SIÈCLE : COMMEXCEilENT DE LA GRASDE COMiiOVERSE. —

La crise inévitable se produisit