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IMMACULÉE CONCEPTroN


originelle qui exclurait non pas seulement toute souillure de l’âme ou le péché originel proprement dit, mais encore toute imperfection de la chair ou le péché originel au sens large. Thurston, Eadmeri Iraclalus, n. 12. Si le rapprochement fait ici avait quelque valeur et qu’Anselme eût eu réellement en vue la conception d’Eadmer, il faudrait dire que, sciemment et délibérément, il n’a pas osé aller aussi loin. Mais entre une conception immaculée en ce sens plénier et une conception supposant en Marie le péché originel proprement dit, il y a un moyen ferme : celui d’une conception avec infusion privilégiée de la grâce sanctifiante, mais laissant la chair de la Vierge dans la condition où elle l’avait reçue de ses parents. Ce moyen terme, Anselme l’a-t-il entrevu et, si oui, l’a-t-il admis ? Sur les deux points, la réponse ne jjeul ètrecque problématique et, dans le sens de l’airirmation, douteuse ; toutefois, il ne sera pas hors de propos d’observer que la fête de la Conception et la croyance au glorieux privilège trouveront bientôt d’ardents défenseurs parmi les plus intimes familiers du saint archevêque.

Il reste que la doctrine anselmienne ouvrit la controverse et qu’en même temps elle prépara de loin la solution destinée à triompher un jour. Elle ouvrit la controverse en posant cette question : Comment de la masse pécheresse qu’est le genre humain, Jésus-Christ a-t-il pu naître sans contracter le péché ? car cette question devait amener les théologiens à considérer la pureté de Marie en fonction de celle de son fils et à se prononcer pour ou contre la sainteté originelle de la mère. En outie, en attribuant la purification privilégiée de la Nierge à une application anticipée des mérites de son fils, l’unique et universel rédempteur, Anselme amorçait la grande objection qui devait être fonnulée et qui, au siècle suivant, le sera : Comment otarie serait-elle exempte du péché originel, puisqu’elle a été rachetée ? Mais cette doctrine d’une application anticipée des mérites du Sauveur pouvait aussi contribuer, et elle contribuera défait à l’heureuse solution de la controverse. D’autres points aideront au même résultat : le rejet d’.une empreinte morbide qui aurait suivi à travers les âges toute chair dérivée d’.dam : l’aflirmation catégoricjue que le péché proprement dit a pour sujet l’âme seule ; la distinction entre le péché originel encouru et la nécessité antécédente de l’encourir (le debilum pcccati, comme on dira plus tard) ; enfin la conception du péché originel comme privation de la justice primitive. Sur ce dernier point, cependant, la doctrine restait inachevée : en conséquence de sa définition générale du péché, rectitudu voluntatis propler se sernata, De conceplu virginuli, c. iii, col. 430, Anselme s’est trop attaché, dans son analyse de la faute originelle, à la notion de rectitude morale, sans bien relever la nature particulière de la just ice prim i t i ve et sans en dégager netlemeiit l’élément le plus foncier, la grâce sanctifiante.

La vision d’JIelsin.

Jusqu’à ces derniers temps,

beaucc up ra])portaient à la seconde moitié du xii"e siècle rétablissement de la fcte de la Conception dans l’Europe septentrionale ; ils voyaient la cause déterminante de cet événement dans une apparition miraculeuse dont Hclsin, abbé de Hamsay, aurait été favorisé vers l’an 1070. L’histoire est racontée dans deux pièces, jadis attribuées a saint.Anselme : Scrmo de conceptione beatw Mnriir et Mimculum de conceplione sanctæ Marin-, P. J.., t. eux, col. 319, 323. Trois autres récits de la même apparition ont été publiés par le P.’fluirston, Eadmeri traclaliis de cnnfeptione sunrltr Maritr..j)pend. E, F, G, p. 88 sq. I.e texte du premier coïncide, en substance, avec celui que dfim derberon a édité dans le Sermo de conccplione. Le second texte présente des points de contact notables avec celui du Miraciilum, bien qu’il soit plus

concis ; il semble aussi plus ancien et le P. Thurston a conjecturé qu’il pourrait venir d’.Anselme le Jeune. Le troisième texte est de Guillaume de Malmesbury, mort vers 1143. Peu après, la vision d’Helsin fui riméc, sous ce titre : C’est comment la conception Nostic Dame /ii establie, par le poète anglo-normand Robert Wace. D’après les récits primitifs, Helsin avait été chargé par Guillaume le Conquérant d’une nùssion auprès du roi de Danemark ; au retour du voyage, il fut surpris en mer par une violente tempête. Sur le point de périr, il invoqua Notre-Dame : un messager céleste vint à son secours, mais, pour prix de sa protection, il lui fit promettre de célébrer et de faire célébrer chaque année, le 8 décembre, la fête de la Conception. Helsin ayant demandé de quel oilice il faudrait se servir, l’envoyé divin indiqua celui de la Nativité, sauf à remplacer ce mot par celui de Conception. Échappé au péril, l’abbé de Ramsay accomplit sa promesse en ce qui concernait son monastère et s’employa de tout son pouvoir à propager la fête.

D’autres récits merveilleux s’ajoutèrent bientôt au précédent. Dans le Sermo (ou }itôlEpislol(i)de Conceptione, saint Anselme, qui est censé parler comme archevêque, raconte, outre la vision d’Helsin, deux apparitions de Notre-Dame : l’une à un diacre hongrois, qui serait devenu plus tard patriarche d’Aciuilée, pour le dégager d’une union illégitime ; l’autre, à un chanoine normand, pour l’arracher aux griffes du démon. Dans les deux cas, la Vierge recommande à ses protégés de fêter, le 8 décembre, sa conception. L’écrit se termine par une exhortation véhémente à vénérer, en la célébrant, non seulement la conception spirituelle, mais même la conception humaine de Marie : Celebremus iç/itur… iilramque eitis conceptionem venerabilem, spiritualem videlicct et luimnnam. On ne pourrait donc s’étonner que, dans un concile tenu à Saint-Paul de Londres en 1328, Simon Mépliani, primat de Canlorbéry, voulant étendre à toute sa province ecclésiastique la célébration de la fête, ait parlé en ces termes : « selon l’exemple de notre prédécesseur, le vénérable .

selmc, qui a jugé bon d’ajouter aux solennités plus anciennes de la bienheureuse Vierge Marie celle de sa conception. » Mansi, t. xxv, col. 8’29. De son côté, la vision d’Helsin fournit matière à développement. Le roi Guillaume, « frappé du récit que lui fil l’abbé llelsin, convoqua tous les évêques d’.Xngletcrre et de Normandie, " pour qu’ils eussent à délibérer sur cette importante atïairc. Les évêques réglèrent que la fête de la Conception serait célébrée dans tous les États anglo-normands. Telle fut la véritable origine de celle fête en Occident. Elle passa de Normandie en l-’rance, et de là dans tous les autres États de l’Europe. Dès l’an 1072, deux ans seulement après la céleste apparition, .lean de Hayeux, archevêque de Rouen, établissait dans l’église de Saint-Jean une confrérie sous letitre de l’Immaculée Conception. ».Vbbé.dam, Z. «  /ête de l’Immaculée Conception, dite « Ecte aux ormands », p. 361, 3C7.

i : n face de ces assertions complexes, il faut nécessairement distinguer entre la vision d’Helsin telle qu’elle apparaît dans sa forme première et les additions ou amplifications postérieures. L’existence d’un culte de la conception en Normandie à la fin du xi" ; siècle n’est pas démontrée. Après avoir soumis à une juste critique les pièces alléguées, M. l’abbé Vacandard, historien rouennais, est arrivé à cette conclusion : « Aucun document du xie siècle ne nous a olTerl de trace du culte de la Conception en Normandie. Seuls les manuscrits du xiii et du xii’en font mention. » Les origines de Ut fêle de la Conception dans le diocèse de Rouen et en Angleterre, p. 1(18. Comme on le verra plus loin, l’expression de « Eèle aux Normands » n’a ni l’ancicnnelé, ni, au début du moins,