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IMMACULÉE CONCEPTION


au moment même où Dieu la créa, comme l’estime Pahiiieri, J)c Deo créante, p. 705 ? li serait dillicile ilc l’établir incontestalilement, mais les expressions emi)]oyc’cs ne favorisent pas peu cette interprétation, et l’union de la mère et tlu Fils sous’la nolion commune de gennen jusium met clairement la bienlieureuse Vierge dans un ordre à part.

De plus en plus l’idée de sainteté ou d’innocence parfaite et perpétuelle nous apparaît intimement liée à celle de Marie, mère de Dieu. Ainsi en est il dans trois écrits qui semblent appartenir au viiie siècle. L’auteur de deux sermons attribués souvent à saint Ildephonse nous présente la bienheureuse Vierj^e comme « unie à Dieu par une alliance perpétuelle », et coimne « un rejeton qui, d’une racine viciée, sort indemne de tout vice. » Serm., ii, de Assumplione ; XII, de sancta Maria, P. I.., t. xcvi, col. 252, 279. Le pseudo-Jérôme la compare à une nuée, « qui ne fut jamais dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière. » Br"viariuin in Psalmos, Ps. lxxvii, 4, P. L., t. XXVI, col. 1049. Ambroise Autpert, abbé de Saint-Vincent de Bénévent († 778), l’auteur présumé d’un sermon sur rxssomption, jadis faussement attribue à saint Jérôme, Epist., ix, ad Paiilam et Eustochium, de Assumplione B. M. Virginis, P. L., t. xxx, col. 122, proclame Marie « sans tache, parce qu’elle n’a été sujette en rien à la corruption, d ideo immaculala. quia in nullo corrupta… ; vrai jardin de délices, où se rencontrent toute sorte de fleurs et les parfums des vertus ; jardin si bien fermé, que ni les attaques insidieuses ni les pièges de l’ennemi n’ont jamais pu le violer ni le corrompre, » n. 9, col. 132 ; passage inséré dans le bréviaire romain, 8 décembre, leçons du second nocturne. Ces aiïîrmations s’appliquent principalement à l’intégrité virginale et à l’absence de fautes personnelles ou actuelles, mais il serait arbitraire d’en restreindre la portée à ces deux objets, car Marie to ; nberait alors, dans son âme, sous cette loi de corruption qui semble écartée de toute sa personne.

Sur la fin du même siècle, Paul Warnefride, diacre d’Aquilée, reconnaît dans la mère de Dieu le rameau qui, d’après Isa’ie, devait sortir du tronc de Jessé, rameau < ; entièrement indemne de tout nœud mauvais, vitiositalis nodis fandilus carens. » Homil. in Assumptione, F. L., t. xcv, col. 1567. Ailleurs, voulant expliquer pourquoi Marie n’apparaît pas auprès de son Fils au cours de sou ministère public, il remarque que Jésus s’est dit « envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël, » Matth., xv, 24, qu’il « est venu appeler, non les justes, mais les pécheurs, chercher et sauver ce qui était perdu. » Luc, v, 32 ; XIX, 10. Dès lors, « pourquoi cette mère très sainte, cette vierge douée d’une splendeur de sainteté inestimable, aurait-elle dû se mêler aux pharisiens et aux pécheurs pour suivre son Fils corporellement, elle qui, sûrement, ne fut jamais spirituellement séparée de lui en cette vie, a quo proent dubio spirihialiter in tempore nunquam creditur defuisse. » Homil., ii, in Evangcl. : Inlravil Jésus, n. 5, col. 1573. Aussi la salutation angélique suggère-t-elle à cet orateur des effusions semblables à celles des Orientaux sur Marie, temple vivant de la Sagesse divine que celle-ci s’est construite elle-même, voulant l’habiter un jour : " Elle a été saluée par l’ange en des termes absolument inusités jusqu’alors : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous. Dites-moi, que pouvait-il manquer en tait de justice et de sainteté à la Vierge qui, par une miséricorde si efficace, a reçu la plénitude de la grâce ? Comment le moindre vice aurait-il pu trouver accès dans son âme et dans son corps, puisque, semblable au ciel qui contient tout, elle est devenue le temple du Seigneur ? C’est vraiment la demeure dont Salomon a dit (sans préjudice d’un autre sens

que l’Éiilise attribue à ces paroles) : La Sagesse s’est construit un palais… Palais que l’éternelle Sagesse s’est, en effet, construit et qu’elle a rendu complètement digne de recevoir le Verbe fait homme pour sauver le monde. » Homil., i, in Assumptione, col. 1567. Pensée émise également par Haymon, évoque d’Halbersladt en Saxe (853) ; rencontrant ce texte de l’Ecclésiastique, xxiv, 14 : Ab initia et unie sœcuta creata sum, il les applique ù la mère de Dieu, o que la Sagesse divine elle-même a créée telle, que le Fils de Dieu, voulant racheter notre nature, a pu naître d’elle en dehors de toute influence de l’humaine concupiscence. .> Homil. in solemn. pcrpciuse Virginis Maria ; P. L., t. cxviii, col. 765.

A l’époque où nous sommes parvenus, quatre fêles de Notre-Dame sont célébrées en Occident : la Purification, l’Annonciation, la Nativité et l’Assomption. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 272. La troisième de ces solennités est particulièrement intéressante dans la question présente, car elle prépara et achemina les esprits à la fête de la Conception. Les orateurs qui célèbrent la naissance de Marie ne présentent pas cet événement comme une simiilc annonce du Sauveur ou du jour de notre délivrance ; Marie est pour eux une aurore étincelante et à ce titre elle participe déjà elle-même, par une sorte d’anticipation, à la lumière que le soleil de justice versera bientôt sur la terre : Sicut aurora valde rutilons in nmndum progressa es, o Maria, quando veri solis spkndorem, tantæ sanctitaiis jubar præcucurrisli. El recte quidem auroræ implesti officium. Ipse enim sol justiliæ de te processurus, ortum suum quadam malulina irradiatione præveniens, in te lucis suse radios copiosc transjudit. Ainsi parle l’auteur de l’iiomélie lu, in Nativitate B. M. Virginis, contenue dans un recueil du ix" : siècle. F.Wiegand, Bas Homiliarivm Karls des Grnssen, Leipzig, 1897, p. 1517.

Si Marie naît au monde extérieur pure déjà et radieuse, quand donc les rayons du soleil de justice avaient-ils pénétré pour la première fois dans son âme ? Il était désormais impossible que la question ne se posât pas ; posée, elle soulevait nécessairement le problème de la sanctification de la Vierge et de sa conception, considérées dans leur rapport mutuel. On ne saurait donc s’étonner que, parlant de celle < dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse et bénie dans l’Église de Dieu, » saint Paschase Radbcrt. abbé de Saint-Pierre de Corbie au diocèse d’Amiens (jvers 860), ait pu écrire, eu remontant de l’effet à la cause : « Puis donc qu’on célèbre sa naissance d’une manière si solennelle, l’autorité de l’Église montre clairement que Marie naissant a été exempte de toute faute et que, sanctifiée dans le sein de sa mère, elle n’a pas contracté le péché ori :. ; inel. » De parla Virginis, t. I, P. L., t. cxx, col. 1371 ; écrit attribué parfois à saint Ildefonse, P. L., t. xcvi, col. 2Il sq. Prises à la lettre, ces paroles n’énoncent pas une sanctification postérieure à la conception, bien qu’antérieure à la naissance ; elles écartent simplement de Marie le péché originel : neque contraxit, in utero sanctificaiu, originale pcccatum. De la sainteté que possède l’enfant qui naît, Paschase remonte à la sainteté initiale de l’enfant conçu, la seconde chose lui apparaissant sans doute comme l’explication de la première.

Mais ce passage appartient-il au texte primitif, ou ne serait-il pas plutôt une interpolation postérieure ? Cette seconde hypothèse a été soutenue, après dom Martène, par des critiques récents ; en revanche, le protestant Zôckler s’est servi de ce passage pour affirmer l’existence de la fête de la Nativité de Marie en France dans la seconde moitié du ixe siècle. Realencyklopadie iïtr protestantische Théologie und