Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/475

Cette page n’a pas encore été corrigée

'IMMACULEE CONCEPTION

936

au-dessus de toute pureté de celle qui a contenu en elle ritilini et l’Incompréhensible ! » A lire attentivement ce passatie, on voit clairement que l’orateur suppose que Marie a été exempte non seulement de toute faute personnelle, mais aussi de la faute originelle, dont il parle d’une manière si expresse. La Vierge est séparée de la masse des descendants péclieurs d’Adam pécheur. Si ce sanctuaire pur et immaculé de la divinité du Verbe ne se fût rencontré, nulle chair n’eût été sauvée. Et puis, il fallait que Marie jouât pour le second Adam le rôle de la terre toute pure et sans tache d’où le premier Adam avait été tiré.

Parmi les écrivains dont l’histoire ne connaît que le nom, signalons d’abord ce mélode Georges dont le cardinal l’ilra transcrit une poésie liturgique dans ses Analccta sacra, t. i, p. 27C. D’après cette pièce, Marie est seule immaculée, f, a/pavroç ij.’ivï, , et l’emporte en pureté sur toute créature. Elle est le temple sanctifié de Dieu, une terre sainte, la toison qui n’a point été imbibée par la corruption, -o’Lov 3cv ; Lij.ov çOopà :. On sait que le terme de çOopâ est un de ceux qu’emploient couramment les byzantins pour désigner le péché originel.

Pitra donne également, ibid., p. 528, un poème d’un autremélodedu nom de Cosmas, différent, semblet-il, du célèbre Cosmas de Majuma. Dans la 7°= strophe il est dit que Marie ne doit pas subir la corruption ignominieuse de la tombe, parce que Dieu, en vertu d’une prédilection, a fait d’elle une créature nouvelle à l’avance, c’est-à-dire avant le moment fixé ordinairement pour recevoir la grâce de la régénération, ô Weoç -poavirXaa : y.a.-’âLXoyriv. Cette àvâ-Xai ;  ; préalable et privilégiée, qui soustrait la Vierge à la corruption, paraît bien s’identifier avec ce que nous appelons la conception immaculée.

A. Ballerini a publié sous le nom de Théodore l’ermite, Sijlloge monumeniorum, t. ii, p. 210-240, une homélie sur l’annonciation, dans laquelle Marie est appelée l’arche vivante et toute sainte de Dieu, qui n’a pas connu le déluge, le prix de rachat de nos fautes, àvTÎXutpov Tojv - : ata[j.â- : o)v, la Beauté de notre nature, celle par laquelle nous avons obtenu de participer à la nature divine, nous que la désobéissance originelle avait rendus difformes, t/|V copa ; o-Y, Ta rjaôjv xfj ; c&’jejEfoç, 5’.' r, ; oi y.aLô’J.rjpirj ; t^ rapazo/j, Oiia ; àÇi(i)Or, a : v yîviaOa ; çûas’oç. « Célébrons, dit l’orateur, nous, les terrestres, en notre titre de frères, celle qui est notre grand sujet de gloire auprès de Dieu, celle qui est l’ornement tout aimable de toute la création et qui s’est élevée de notre nature pécheresse, to s/, -r, ; àu.apffoÀoû f, aôjv àvaôXacjiTÎJav T.in-pi Tr, ; /Tt’dEfi) ; îtoXuTToOTiTov cxioa5 ; j.a. Ne sais-tu pas, disent les hommes à l’ange Gabriel, que notre race possède en elle le seul contrepoids à sa chute ? o-i (j.dvi, v aÙTT|V TO yivej ; àvT’.aTripiyaa : / ;  ; zaTa-TtôjE’i) ; ixTr|aato. Ensevelis dans les ténèbres de nos péchés, nous n’avons pas d’autre œil lucide qu’elle seule pour contempler la Lumière sans déclin. » Il est clair que Théodore l’ermite sépare Marie de tout le reste du genre humain et suppose qu’elle a été exempte de la tare originelle.

Conclusion sur cette première période.

De. la

longue série des textes que nous avons mis sous les yCu.x du lecteur il ressort, si nous ne nous abusons, que les byzantins, à partir du concile d’Éphèse, n’ont pas seulement formulé d’une manière implicite le dogme catholique de l’immaculée conception, mais qu’ils l’ont cru d’une foi explicite, et nous ont laissé de cette foi explicite des expressions suffisamment claires. Sans doute, très souvent, ils ont donné de cette vérité une formule positive. Au lieu de dire : « Marie a été préservée de la souillure originelle, » ils ont dit : « Marie a été pleine de grâce, pleinement

sanctifiée dés son apparition dans le sein maternel. Elle est une créature nouvelle, créée à la ressemblance d’Adam innocent, sur le modèle primitif. » Mais très souvent aussi, nous l’avons vii, ils ont employé l’expression négative. Le tout est de remarquer celle-ci, en se souvenant, d’une part, que le dogme de la chute originelle est constannnent rappelé dans les écrits mariologiques des théologiens bzantins, et en faisant attention, d’autre part, à la terminologie particulière dont ces théologiens font usage pour désigner ce que nous appelons le péché originel.

Quant aux objections qu’on a fait valoir communément jusqu’ici pour faire disparaître ou du moins alïaiblir la force probante des témoignages byzantins en faveur du dogme défini par Pie IX, elles ne tiennent pas debout, à la lumière des textes que nous avons produits. L’objection fondamentale, celle qui a trait à la prétendue ignorance du dogme de la chute originelle dans l’Église grecque, est une erreur historique de premier ordre, dont la persistance étonne. La purification dont Marie fut l’objet, d’après certains anciens Pères, le jour de l’annonciation, nous a été expliquée communément par les docteurs de l’époque que nous venons d’étudier, non de l’ellaccment d’une souillure quelconque, mais d’une augmentation de sainteté. C’est à peine si deux ou trois textes, celui de Théodole d’Ancyre, celui de Chrysippe de Jérusalem et celui de Théodore Aboucara présentent quelque difficulté : et encore avons-nous vu que, pour les deux premiers, on trouvait le pour et le contre. Il n’y a de vraiment hostile à la parfaite sainteté de la mère de Dieu que le texte arabe de Théodore Aboucara. C’est le cas de dire qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.

Quant au glaive de la prophétie du vieillard Siméon, nous avons constaté également que l’exégèse origéniste, prêtant à Marie au pied de la croix un doute positif sur la divinité de Jésus, était définitivement écartée. Si quelques auteurs s’en inspirent encore, c’est pour transformer le doute positif en une sorte de tentation fugitive, qui n’a pas laissé d’impression dans l’âme de la Toute-Sainte. L’interprétation qui a cours maintenant est celle qui voit dans le glaive la douleur de la mère assistant et compatissant aux douleurs et à la mort de son Fils.

Il ne reste plus que les affirmations générales sur l’universalité du péché originel, ou les propositions qui disent que Dieu seul est saint et pur. Que ces sortes d’affirmations ne puissent être invoquées contre le privilège de la sainteté initiale de Marie, tant que ceux qui les profèrent n’en font point l’application expresse à celle-ci, c’est, je crois, ce qui n’a pas besoin d’être démontré autrement que par l’usage courant de l’Écriture, des Pères et des théologiens tant modernes qu’anciens : de formuler souvent la loi générale sans toujours signaler l’exception unique : d’autant plus que Marie n’a pas été précisément placée en dehors de la loi, mais soustraite à l’application de la loi.

Une fois que son attention a été attirée d’une manière spéciale sur la personne auguste de la Théotocos, la pensée grecque s’est élevée très vite à la contemplation de la pureté immaculée de la Toute-Sainte, saluée par l’ange pleine de grâce et bénie entre toutes les femmes. Si parfois cette pensée nous paraît si peu explicite, si elle s’exprime souvent par simples allusions, cela vient non de son imprécision foncière, mais de la possession pacifique où elle est d’une vérité qui pour elle va de soi, et que personne ne songe à contester. Il est presque à regretter qu’une petite controverse ne soit survenue pour obliger ces byzantins à nous parler plus clairement et à contenter ceux qui veulent toujours de l’explicite verbal et les termes mêmes de la définition ex catlicdra.


III. Doctrine des byzantins, du XIe au XVe