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IMMACULÉE CONCEPTION


l’esclavage du demoii. Jésus-Christ, dit-il, nous a délivrés de cinq ennemis mortels, qui sont : la mort, le diable, la malédiction de la loi et la condamnation, le péché, l’enfer. Nous sommes devenus sujets du diable, en lui obéissant et en désobéissant à Dieu. A l’origine. Dieu avait créé l’homme fort et invincible. Ne pouvant arriver à le vaincre, le diable usa de ruse pour le dépouiller de la grâce, qui faisait sa force. Une fois ce résultat obtenu, il n’eut pas de peine à le précipiter dans toute sorte de plaisirs, de péchés et de désobéissances. Et Dieu permit justement que celui qui l’avait abandonné et avait passé à l’ennemi fût soumis à la tyrannie de celui-ci. » Ibid., col. 1464. Proclus avait dit avant lui : « Par l’intermédiaire d’Adam nous avons tous souscrit au péché ; le diable nous retenait captifs. » HomiL, i, de laudibus B. Marias, P. G., t. Lxv, col. 68fi.

Souillée, avant le baptême, par le fait qu’elle n’a plus les dons de la justice originelle, notre nature redevient innocente aux yeux de Dieu par le sacrement de la régénération. Les théologiens orientaux sont parfaitement d’accord avec le concile de Trente : in renalis nihil odil Deus. Commentant le passage du ps. L : Ecce in iniquitatibus conceplus sum, Hésychius de Jérusalem écrit : « Ces paroles ne font pas seulement allusion à la souillure qui vient d’Adam. A cause de lui, en effet, nous sommes regardés comme souillés dès notre naissance, et, avant que nous ayons atteint l’âge de discerner le bien et le mal, nous avons besoin de purification, tenant de nos parents une tache. » Fragmenta in ps., ps. L, P. G., t. xaii, col. 1201. Olympiodore, diacre d’Alexandrie au viie siècle, déclare que le baptême « eft’ace réellement et complètement la sentence et le péché, àr.oz.j.rsuo ; y.aî âixapTiaç, de notre premier père Adam, qui nous ont atteints nous-mêmes. C’est pourquoi les enfants baptisés, étant absolument purs de toute iniquité et de tout péché, ayant reçu l’Esprit et revêtu le Christ, meurent souvent au moment du baptême ou après, et sont immaculés et saints. » Citation faite par Anastase le Sinaïte, In Hexæm., 1..VI, P. G., t. lxxxix, col. 938. Théodore Abou-Kourra n’est pas moins explicite : « Le Christ nous baptise dans l’eau et dans l’Esprit, et la grâce du Saint-Esprit efïace toute infirmité et tout péché, et nous rétablit dans l’ancienne vigueur et dans la beauté d’avant la chute, xaî si ; to àp/aiov rjOs’vo ; xat xâXXoç to -po tïJ ; -apaSâasoj ; à7 : oLaOîaTr|jLV. » Opuscula, P. G., t. xcai, col. 1469. Théodore, qui nous a dit tout à l’heure qu’Adam nous transmet une nature souillée par le péché et les passions, semble oublier ici que la concupiscence persiste après le baptême. N’est-ce pas nous enseigner indirectement que la concupiscence dans le baptisé ne souille plus la nature aux yeux de Dieu ? Au xie siècle, Siméon, le nouveau théologien, écrit dans le même sens : Quilibel baplizatus lalis jam qualis ille eral qui primas est condilus. Orationes, P. G., t. cxx, col. 324.

Ces quelques citations, qu’il serait facile de mullipher, suffisent, croyons-nous, à établir que les byzantins croyaient au dogme de la faute héréditaire, qu’ils en parlaient plus souvent qu’on ne le dit communément, qu’ils voyaient dans cette tare originelle quelque chose de complexe, c’est-à-dire la privation, due au péché d’Adam, des divers dons de la justice originelle, et que cette privation, dans les non-baptisés, constitue une faute, une souillure que le baptême fait disparaître. En vertu même de cette doctrine, les textes qui, dans les écrits de ces docteurs, écartent positivement de la mère de Dieu la concupiscence, la corruption du tombeau, l’esclavage du démon, à plus forte raison la privation de la grâce divine, ou même n’importe quelle souillure, reviennent à dire que Marie a été exempte du péché originel.

Cette signification est d’autant plus certaine que jamais, pendant toute la période byzantine, il n’y a eu, dans l’Église grecque, de controverse sur la question de savoir si Marie a été préservée de la faute originelle dès le premier instant de l’union de son âme avec son corps. Au contraire, il est évident pour quiconque parcourt l’énorme littérature mariologique de cette époque, tant celle qui est publiée que celle qui se cache encore dans les manuscrits, qu’à Byzance, la mère de Dieu, la Panaghia, est unanimement considérée comme la créature humaine idéale, l’homme par excellence, comme diront de nombreux théologiens, et que, suivant le mot de Théodore Prodrome, au xiie siècle : i II est absolument impossible de supposer ou d’imaginer en elle la moindre trace de souillure ou de péché, » âv v- ; ùjosv ô-(oaTtû3v pj-aoîa ; r] à ; j.aGT ; ’aç l’yv, ; j-ovoï|aa’. r] savTaaO-^vat oÀ’j) ; v/oi/ i’-j.’.. H. M. Stevenson, Tlieodori Prodromi commentarios in carmina sacra melodorumCosmæ liierosolymitani et Joannis Damasceni, Rome, 1888, p. 52. C’est bien là le canon mariologique byzantin, au moins à partir du concile d’Éphèse. A quelques rares exceptions près, il mesure exactement l’idée que se font de Marie et les prélats elles fidèles, elles savants et les ignorants. Il importe de s’en souvenir, quand il s’agit d’apprécier la portée réelle de certaines expressions, qui ne nous donnent, à nous, que l’impression de l’implicite, mais qui, en réalité, traduisaient une croyance explicite dans l’esprit de ceux qui les employaient.

Après ces considérations préliminaires, qui nous ont paru indispensables pour la pleine intelligence des témoignages qui vont suivre, nous allons aborder l’examen de ces derniers, en suivant l’ordre chronologique. Nous donnerons, à propos de chaque auteur, ce qu’il a dit de plus clair sur la matière. Cet examen de la doctrine des théologiens grecs sera divisé en deux sections. Dans la première, nous interrogerons ceux qui ont vécu du concile d’Éphèse à la consommation du schisme byzantin, sous Michel Cérulaire. Dans la seconde, nous poursuivrons l’histoire de la tradition grecque jusqu’au xv<’siècle inclusivement. Nous devrons ensuite parler de la fête de la Conception dans l’Église grecque et de la valeur des témoignages empruntés aux livres liturgiques. Nous terminerons par un bref aperçu de l’histoire de la doctrine dans l’Église grecque et dans l’Église russe à partir du xvie siècle jusqu’à nos jours. Nous avertissons le lecteur que, dans cette étude, nous n’utiliserons pas seulement les sources éditées, mais aussi plusieurs sources encore manuscrites. Ce sont même ces dernières qui nous fourniront les témoignages les plus explicites de la croyance des byzantins au privilège de l’Immaculée.


II. L’immaculée conception dans l’Église GRECQUE DU CONCILE D’ÉpHÈSE A. MiCHEL CÉRULAIRE.

Il est incontestable que le concile d’Éphèse eut sur le développement de la théologie mariale en Orient une influence considérable. En proclamant solennellement que la Vierge Marie était véritablement mère de Dieu, f)io-6y.rj ;, il attira l’attention des docteurs sur la dignité sublime exprimée par ce titre, et l’on vit bientôt éclore sur les lèvres des prédicateurs ces magnifiques éloges, ces gracieuses comparaisons, ces litanies interminables d’épithètes laudatives, où se complaît l’abondance byzantine. En même temps, le culte mariai progresse rapidement : les fêtes en l’honneur de la Vierge-mère se répandent de la Ville sainte dans tout le monde oriental. Celle qui semble avoir inauguré le cycle, la fête de l’Annonciation, est célébrée dès le ve siècle, à Jérusalem, à Constantinople et, sans doute, en d’autres endroits, bien que ce ne soit que vers le milieu du vie siècle, qu’elle reçoive sa date fixe du 25 mars. S. Vailhc, Origines de la fête de l’Annonciation, dans les Échos d’Orient, t. ix, p. 141 sq. Cf.