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IMMACULEE CONCEPTION


originel en se plaçant dans le second moment, c’est-à-dire après le baptême, et pas assez l’état de nature déchue, considéré dans son intégrité et sa complexité, antérieurement à la justification Du fait que dans le baptisé il ne reste rien de peccamineux on a trop vite cor du que le péché originel consistait uniquemeni dans la pùvalion de la grâce sanctifiante. C’est pour cela que la synthèse thomiste, envisageant le péché originel comme un tout s’opposant au tout de l’état de justice originelle, sauf à distinguer dans ce tout l’élément principal et l’élément secondaire, le formel et le matériel, nous paraît seule épuiser le concept total du péché d’origine, et merveilleusement condenser et coordonner toutes les données de l’Écriture et de la tradition.

Ces considérations un peu longues ne constituent point une digression inutile au sujet qui nous occupe. S’il est établi, en effet, que les Pères grecs et les théologiens byzantins désignent le péché originel plus souvent par son élément matériel que par son élément formel, et si, par ailleurs, ils écartent de la mère de Dieu cet élément matériel et secondaire, qui pour eux paraissait être le principal, nous serons en droit de conclure qu’ils ont enseigné la doctrine de la conception immaculée. Des textes qui, considérés en eux-mêmes et d’après les conceptions et la terminologie de la théologie actuelle, paraissent notoirement insuflisants pour exprimer l’idée dogmatique, peuvent avoir une tout autre portée, si on les interprète, comme on doit le faire, d’après le contexte de l’histoire, c’est-à-dire d’après l’idée que se faisaient communément du péché originel ceux qui les ont écrits. Si, pour CCS derniers, le péché d’origine est l’ensemble de ce que nous appelons les suites de ce péché dans la nature déchue chez un sujet non justifié, et s’ils exemptent Marie de chacune ou des principales de ces suites, n’est-il pas évident qu’ils ont exprimé à leur manière l’essentiel du dogme défini par Pie IX ?

Or sous quel angle les Pères grecs et les byzantins considèrent-ils le péché originel ? La réponse est facile. La nature humaine, telle qu’elle se trouve en chaque descendant d’Adam, leur apparaît entachée d’une souillure, parce qu’elle est découronnée des privilèges de l’état de justice originelle. Parmi ces privilèges, l’immortalité et l’exemption de la concupiscence frappent surtout leur attention. Saint Jean Chrysostome, commentant le texte de saint Paul ; Per inobedienlinm unius hominis peccalores constitua sunt mulii, Rom., V, 18, s’exprime en ces termes : <- Que le premier homme ajant péché et étant devenu mortel, ses descendants lui soient devenus semblables, rien que de rralurelà cela ; mais, si l’on dit que, par la désobéissance (lu premier, les seconds deviennent pécheurs, où est la logique ? Car il est clair que celui-là n’est pas digne de châtiment qui n’est pas devenu pécheur par lui-même. Que signifie donc ici le mot « pécheurs » ? A mon avis, il veut dire : « soumis au châtiment et condamnés à la mort », to’j-i’JyyPi : Lhi-zi : L}}. L%-.^.îiiw.’xz’xv/rt : Oavâtci. » ]n Epist. ad Ronianos, homil. x, P. G., t. Lx, col. 477. On le voit, saint Jean Chrysostomc réserve le mot de péché pour désigner le péché actuel ; mais il ne nie pas pour cela ce que nous appelons le péché originel, puisqu’il déclare expressément que nous sommes soumis au châtiment et condamnés à la mort en vertu de notre descendance d’Adam pécheur. Le châtiment, la mort, ce sont là les termes généraux qu’il emploie pour exprimer le péché originel et ses suites. Par mort, du reste, nous savons qu’il entend et la mort du corps et la mort de l’âme, c’cstà dire la privation de la grâce.’Voir le texte cité cldessus. De nombreux théologiens byzantins, à l’exemple de saint Jean Chrysostome signalent aussi en première ligne la privation de l’immortalité et de

l’incorruptibilité, quand ils parlent du péché originel, privation qu’ils mettent clairement en rapport avec la faute personnelle d’Adam. Ainsi Gcnnade de Constantinople († 471), /n Epist. ad Romanos, P. G., t. Lxxxv, col. 1672 et 1673, où il écrit : ’H â[xap-ia -tjv JauTT, ; sv TtT) Oavâ-ti) za ; o’.à ToO OavaTou 0uvâaT£ : av ÈxpaTuvsv ; S Anastase I" d’Antioche († 599), De passione et impassibilitate Christi, P. G., t. lxxxix, col. 1350, 1352-1353 ; S. Sophrone de Jérusalem, In S. Deipara ; Annuntiaîioncm, 12, P. G., t. lxxxiith, col. 3229 ; De Hijpapanle, 16, ibid., col. 3298-3299 ; Anastase le Sinaïte, Quæst., cxLm, P. G., t. lxxxix, col. 796 ; S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, t. II, c. XXX, P. G., t. xciv, col. 976 ; In Epist. ad Romanos, V, 12, 19, P. G., t. xcv, col. 477 ; Théophylacte, Expositio in Epist. ad Rom., P. G., t. cxxiv. col. 408.

D’autresdocteurs, à lasuitedesaintCyrilled’Alexandrie, insistent surtout sur la concupiscence. Comme saint Jean Chrysostome, saint Cyrille a été amené à dire sa pensée sur le péché d’origine en expliquant le passage du c, v de l’Épître aux Romains. Après avoir affirmé que, par suite de la transgression d’Adam, le péché a envahi la nature humaine, et qu’ainsi tous les hommes ont été constitués pécheurs, il poursuit : « Sans doute, dira-t-on, Adam est tombé, et son mépris du commandement divin l’a fait condamner à la corruption et à la mort. Mais comment les autres hommes ont-ils été constitués pécheurs à cause de lui ? Que nous importent à nous ses péchés personnels ? Comment donc avons-nous été condamnés avec lui, alors que DiCH dit : « Les pères ne mourront pas « pour leurs enfants ni les enfants pour leurs pères ; « celui-là mourra qui péchera, » Deut., xxiv, 16 ? Que répondrons-nous à cela ? I ! est bien vrai que c’est celui qui péchera qui mourra. Or, nous sommes devenus pécheurs, à cause de la désobéissance d’Adam, de la manièresuivante : Adam avait été créé incorruptible et immortel. Sa vie dans le paradis de délices était sainte ; sans cesse son esprit était occupé à contempler Dieu ; son corps, à l’abri de toute atteinte du plaisir honteux, jouissait d’un calme parfait et ignorait le trouble des mouvements désordonnés. Mais, après qu’il fut tombé dans le péché et qu’il eut glissé dans la corruption, les plaisirs impurs envahirent la chair et la loi bestiale qui règne dans nos membres se manifesta. La nature devint donc malade de la maladie du péché, à cause de la disobéissancc d’un seul, c’est-à-dire d’Adam. Et ainsi tous les hommes ont été constitués pécheurs, non qu’ils aient péché avec Adam, puisqu’ils n’exi.’^t aient pas encore, mais parce qu’ils ont sa nature, soumise désormais à la loi du péché. » In Epist. ad Rom., P. G., t. i.xxiv, col. 788-789. Ainsi., d’après saint Cyrille, nous sommes constitués pécheurs par la faute d’Adam, parce que nous tenons de lui une nature privée de ses anciens privilèges. Ce saint insiste visiblement sur la concupiscence, mais il serait faux de dire que c’est elle uniquement qui constitue pour lui le péché. Voici un passage d’un de ses écrits où la privation de la grâce est mise en première ligne : « Ayant échangé contre un plaisir coupable la grâce qu’elle tenait <Ie Dieu et, par suite, ayant été dépouillée des biens qu’elle possédait à l’origine, la nature humaine fut chassée du paradis de délices ; elle perdit aussitôt sa beauté et fut désormais en proie à la corruption. » De ndoratione in spiritii et verilatc, i, P. G., t i.xviii, col. 149.

Un disciple de saint Jean Damascène, Théodore Aboucara ou Abou-Kourra, écrit : » Adam avait reçu de Dieu une nature immaculée ; il la souilla par le péché et les passions, tt" à[jyr, -.y. L%[ -’, :  ; -Uni :, et c’est dans cet état qu’elle nous a été transmise. Opuscula, P. G., t. xcii, col. 1524. Ailleurs, il insiste beaucoup sur l’une des suites de la faute originelle :