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IMMACULÉE CONCEPTION


en Adam, (-'est une faute, parce que sa privation nous maintient en ojiposilion avec la volonté de Dieu, qui nous veut toujours dans l'état surnaturel.

Si le péché originel dans sa totalité consiste dans la privation de tous les dons qu’il a fait perdre à notre nature en Adam, il est éxident que la privation de n’importe lequel de ces dons dans ilwmwe non juslifit ; déplaît à Dieu et constitue coninic une partie du péché orifiinel total. Cette privation revêt un caractère peccaniineux en quclqne manière, en tant qu’elle est contraire au plan divin primitif.

Il importe cependant de remarquer qu’il y avait une hiérarchie entre les divers privilèges concédés par Dieu à la nature humaine en.Adam. La grâce sanctifiante était l'élément principal et comme la clef de voûte de l'état de justice originelle. C’est en considération de ce don, surnaturel dans son essence, que Dieu avait accordé à Adam les autres dons, dits préternaturels. On peut traduire cette doctrine par la formule scolastique : La grâce sanctifiante constituait le formel de la justice originelle ; les dons prêternaturels en constituaient l'élément matériel. C’est en employant une formule semblable que saint Thoma.s enseigne ciue l'élément formel du péché originel est constitué par la privation de la grâce sanctifiante, et ciue son élément matériel consiste dans la privation de l’immunité de la concupiscence et des autres dons préternaturels Suni. ilieoL, I » 11 : ^', q. Lxxxii, a. 3, 4. Cet élément matériel a quelque chose de peccamineux dans le non-juslifié ; mais il cesse d’avoir ce caractère dans les baptisés et les justifiés. Car une fois que l'âme est ornée de la grâce sanctifiante, l’homme est pleinement réconcilié avec Dieu. Dieu ne lui tient plus rigueur de la privation des dons préternaturels. Cette privation devient une simple absence ; elle n’a plus rien de peccamineux ; selon le mot de saint Augustin pariant spécialement de la concupiscence : transit reaiu, manet actu : le baptême nous délivre de tout péché, mais il ne nous délivre pas de tout mal. Ce n’est qu'à la résurrection générale que Dieu nous fera pleinement participer à la rédemption surabondante acquise par Jésus-Christ. Alors le dernier ennemi de l’homme, la mort, fruit du péché d’origine, sera détruite : novissima autem inimica deslruetur mors. I Cor., xv, 26.

Cette conception thomiste du péché originel s’accorde d’abord parfaitement avec la doctrine officielle de l'Église. On sait Cque celle-ci n’a porté encore aucune définition expresse sur l’essence du péché originel. Un seul point peut être considéré comme indirectement proposé par le concile de Trente : c’est que la privation de la grâce sanctifiante appartient à la notion du péché originel. Chose remarquable : c’est dans ces derniers termes que le concile du Vatican se proposait de formuler un de ses canons : Si quis dixerit peccatum originale formaliler esse ipsam concnpisccnliam, aut physicum seu substantialem naiunv humanæ morbum, et ncgaverit privationem graiisc sanciificanlis de ejus ralione cssc, anathema sit. Collcctio Lacensis, t. vii, p. 566. Le concile se gardait de dire que la privation de la grâce sanctifiante constitue toute la notion du péché d’origine. Il est défini que le baptême enlève le péché originel, que dans le baptisé il ne reste rien de peccamineux : in renatis nihil odit Deus, dit le concile de Trente ; qu’en particulier, dans les baptisés, la concupiscence n’est pas vraiment et proprement un péché : sancta synodus déclarât Ecclesiam calholicam hanc concupiscentiam, quam aliquando apostolus peccatum appellai, nunquam intcllexisse peccatum appellari, quod vere et proprie in renatis peccatum sil, sed quia ex peccato est et ad peccatum inclinât. Denzinger-Bannwart. n. 792. Mais il n’est pas du tout défini qu’avant le baptême, la concupiscence

et les autres privations ne présentent aux jeux de Dieu rien de peccamineux. Le concile de Trente est muet sur ce point ; ou plutôt, il me paraît faire allusion à la doctrine auguslinienne et thomiste, quand il dit dans le canon déjà cité : Si quis perJcsu Cliristi Domini noslri gratiam, qux in baptismale confertur, realum originulis pecculi remitti negat. Qu’on remarque l’expression : reatus originalis peccali. Une fois que l’homme a reçu par le baptême l'élément principal et formel de la justice originelle, c’est-à-dire la grâce sanctifiante. Dieu ne lui impute plus les autres privations. Le reatus qui s’attachait à ces privations comme éléments secondaires du péché originel, envisagé dans sa totalité et sa complexité, n’existe plus. Dieu nous voit, dès ce moment, dans son Christ ressuscité et glorieux, et il nous laisse passagèrement sujets aux misères, suites du péché d’origine, pour que nous ayons part à la patience de Jésus et que par le combat, dans lequel la grâce nous soutient toujours, nous méritions notre couronne : concupiscentia ad agonem relicta est. Cf. Salmanticenses, De viliis et pcccatis, disp. XVI, dub. IV, § 3 et 4.

Inattaquable sur le terrain du dogme, la conception thomiste a le grand avantage de faciliter l’interprétation de la doctrine des Pères tant grecs que latins. Ceux-ci, à quelques rares exceptions près, ne se sont point posé les questions de la théologie actuelle : Quelle est l’essence du péché originel ? ou encore : Quel est l'élément principal de ce tout complexe qu’est le péché originel ? Ils ont simplement noté les différences qu’ils ont trouvées, d’après les données révélées, entre l'état d’Adam avant son péché et son état et le nôtre après sa chute. Tantôt ils ont donné de ces différences une énumération assez complète, tantôt ils ont été frappés davantage par l’une ou par l’autre, et l’ont mise en première ligne avec plus ou moins de bonheur. La plupart du temps, ils ont décrit le péché originel plus par le dehors que par le dedans, plus par ses suites visibles et sensibles que par son fond intime, c’est-à-dire la privation de la grâce sanctifiante et la mort spirituelle. C’est un fait que souvent ils ont mis en relief le secondaire au lieu du principal, sans du reste exclure celui-ci. Avec une conception trop rigide et trop étroite de l’essence du péché originel, on est dérouté par la manière des Pères. La pensée de ces derniers s'éclaire, au contraire, si l’on fait attention que, considérées antérieurement au baptême et à la justification, les privations autres que la privation de la grâce sanctifiante constituent aussi partiellement la nature humaine déchue en état d’opposition avec la volonté de Dieu, c’est-à-dire dans l'état de péché. Et tel Père aura pu paraître identifier le péché originel avec la concupiscence ou la privation de l’immortalité — celles-ci étant considérées dans le non-baptisé — sans pour cela être dans l’erreur. Il aura exprimé simplement une vue incomplète du péché originel : il aura pu oublier dans le cas l'élément principal de ce péché, sans du reste pour cela l’exclure ; il n’aura pas erré du tout au tout.

L’erreur de Luther et des protestants a été de ne pas distinguer., pour ce qui regarde ce que nous appelons les suites du péché originel, deux moments bien distincts ; le moment avant le baptême, et le moment après le baptême. Dans le non-baptisé, la privation des dons préternaturels est à la fois une peine et aussi une partie, partie secondaire, de la faute héréditaire, de la tare de nature. Dans le baptisé, l’absence des dons préternaturels perd son caractère peccamineux, transit reatu ; ce n’est plus qu’une suite pénale, que Dieu nous laisse ad exercilium virtuiis, et qui disparaîtra pleinement un jour. Il semble que les théologiens modernes, préoccupés de réfuter l’erreur protestante, ont aussi trop exclusivement considéré le péché