Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée
897
898
IMMACULEE CONCEPTION


parle d’une dette de famille écrite par Adam, ypio ;, ys’.po’ypaîpov --L-.’mvi (passage tiré d’une homélie aujourd’hui perdue, donné par saint Augustin, Contra Julianum, i, 26) et déclare que tous ses descendants subissent comme lui une double mort, la mort de l’âme, qui est le péché, et la mort du corps. Homilia in ebrios et de Christi resurrectione, P. G., t. xlix, col. 438-439. Plusieurs se servent des termes vagues de malédiction, à ; a, zaTâpa, et de condamnation, x.atâ/O’.j ;  :.

Ce ((ui prouve, du reste, d’une manière irréfutable, que l’Eglise orientale a toujours admis le dogme de la faute héréditaire, c’est la conduite qu’elle tint, au début du ye siècle, à l’égard du pclagianisme. Elle ne fut pas moins prompte, alors, que sa sœur, l’Église latine, à repousser comme une hérésie la doctrine de Pelage et de Célestius. Dès 415, un synode de quatorze évêques orientaux réuni à Diospolis, en Palestine, obligea Pelage à confesser qu’Adam fut créé immortel, que son péché a été nuisible à toute l’humanité, et que les nouveau-nés ne se trouvent pas dans l’état d’.dam avant sa chute. Le concile d’Éphèse excommunie et dépose dans son premier canon les prélats qui professent les doctrines du pélagien Célestius. Cf. llefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1908, t. I, p. 181, 337. Xestorius lui-même, le disciple fidèle de Théodore de Mopsueste, s’écarte de son maître sur la question du péché d’origine, et reste fidèle à la doctrine traditionnelle, si bien que le pape Célestin l’en félicite : Legimus quam bene tencas originale peccatum. Mansi, Concii, t. iv, col. 1034. Cf. M. Jugie, Nestorius et la controverse neslorienne, Paris, 1912, p. 244-248. A partir du concile d’Éphèse, la mention du péclié originel se rencontre à peu près dans tous les auteurs byzantins qui ont laissé des œuvres théologiques. Comme les Pères antérieurs, ils le désignent par diverses dénominations : péché, àuapTÎa (et quelquefois â ; jâç ; TT| ; j.a, terme particulièrement bien choisi pour marquer un péché permanent, habituel) ; souillure, yj~o :, ijzoi -coYOvtLo’;  ; malédiction, àç.ï, xa-3sa ; corruption, çOo^i ; sentence de condamnation, pôyaii ;, y.T.-iLy.z :  ;  ; dette, /oîcjç ; chute, ~-i~)’j :, ~- : ù’)'j.’x ; maladie, vo’jo ;  ; mort, v£Lp’pa ! ç, OâvaToç ; misère originelle, -po-aTOi’.Lr, TaXatrfi)^ ; ^.

Et qu’on ne se figure pas que ce n’est qu’en passant et rarement que les byzantins parlent de la tare originelle. Cette doctrine leur est familière, et ils y font continuellement allusion. Chose digne de remarque et qui est particulièrement importante pour notre sujet, c’est surtout en célébrant les louanges de la mère de Dieu dans leurs homélies ou leurs cantiques liturgiques, qu’ils rappellent le dogme de la chute originelle. Pas d’homélie sur l’Annonciation qui ne renferme un tableau plus ou moins développé de l’état de justice originelle et de l’état de misère dans lequel le péché d’Adam a précipité le genre humain. Et comme les panégyristes de la Toute-Sainte lui attribuent tous les effets de la rédemption opérée par Jésus, en vertu du principe : Causa causæ est causa causati, rien <le plus fréquent chez les orateurs comme chez les poètes que cette pensée : C’est par Marie que le péché d’Adam a été détruit ; c’est par elle que l’antique malédiction a été levée ; c’est par elle que la nature humaine a été réforméee » rétablie dans l’état primitif. Non seulement les théologiens byzantins affirment souvent l’existence du péché originel, dans leurs œuvres iréniques, mais ils défendent parfois ce dogme contre les attaques des héréticiucs. Léonce de Byzance, au vie siècle, reproche à Théodore de Mopsueste d’avoir nié le péché originel. Contra nestorianos, P. G., t. Lxxxvi, col. 1309. Au vii « , le synode in Trullo donne son approbation offlciclle à la collection canonique des conciles africains, et fait entrer ainsi dans

DICT. Dr, TBêOL. CATMOL.

le droit byzantin les deux premiers canons du II » concile de Milève, reproduits par le synode de Carthage de 418. On sait que le 1° de ces canons affirnie l’immortalité primitive, et que le second proclame la nécessité du baptême pour les nouveau-nés, à cause du péché d’Adam : ut in eis mundetur quod generationc conlraxerunf. Denzhiger-Bannwart, Enchiridion symbolorum, v. 101-102. Expliquant la nature du péché originel, Anastase le Sinaïte se réfère au 1^’canon de Milève, Qusest., cxlhi, P. G., t. lxxxix, col. 796. Les canonisles postérieurs commentent tous les décisions africaines contre Pelage.

Très explicites sur l’existence du péché originel, les Pères grecs et byzantins paraissent aux théologiens modernes très déficients sur la question de la nature de ce péché. Au fait, il faut bien reconnaître que les orientaux n’ont jamais agité ex professo le problème qui préoccupe les théologiens actuels : Qu’est-ce qui constitue l’essence du péché originel ? On sait que ce problème n’est pas encore résolu. L’opinion la plus commune de nos jours est que cette essence consiste uniquement dans la privation de la grâce sanctifiante. Nous ne croyons pas que cette opinion soit irréformable, ni qu’elle réponde pleinement au concept total du péché originel. D’après nous, saint Thomas d’Aquin a trouvé la vraie formule, à laquelle il serait préférable de se tenir, parce qu’elle synthétise admirablement les données de la tradition patristique. Envisagé dans sa totalité et dans l’homme non justifié, le péché originel est l’opposé de la justice originelle considérée dans tout son ensemble (dons surnaturels proprement dits et dons préternaturcls). On peut donc dire qu’il est constitué par la privation de tous les dons de la justice originelle, c’est-à-dire des dons surnaturels et préternaturels. Dans le dessein de Dieu, l’homme devrait naître revêtu de tous ces dons. Leur absence dans le nouveau-né constitue celui-ci dans un état d’opposition avec la volonté de Dieu, c’est-à-dire dans uri état de péché. Dieu, en elïet, a élevé l’humanité à l’état surnaturel, et il continue à la vouloir dans cet état.

Mais il ne saurait y avoir vraiment péché sans transgression libre d’un précepte divin par une volonté créée. Dans le cas du péché originel, la privation en nous du surnaturel et du préternaturel est, aux yeux de Dieu, en relation avec le péché personnel d’Adam. Dieu nous voit tous en Adam comme ne faisant avec lui qu’un même corps mystique et en quelque sorte physique, tout de même qu’il voit en Jésus-Christ toute son Église. Adam est pour lui l’humanité entière. En donnant à notre premier père les dons surnaturels et préternaturels, c’est à la nature liumaine tpi’il les donnait. Adam pécheur est pour lui l’humanité pécheresse. Et cette volonté de Dieu par laquelle il voyait en Adam toute l’humanité n’était point arbitraire, mais fondée sur la réalité, puisqu’en fait, au point de vue physique, l’humanité entière était en Adam comme en puissance : ex une omncs. Si celui-ci était resté fidèle, c’est l’humanité qui fût resiée fidèle et qui aurait acquis pour toujours les dons surnaturels et préternaturels. Les péchés individuels n’auraient pas empêché la génération charnelle d’être à la fois le véhicule de la nature et de la surnature. Du moment qu’Adam a péché, c’est la nature humaine aussi qui a péché et qui a perdu en lui et par lui la justice originelle. A tout fils d’Adam Dieu refuse la grâce et les autres dons, parce qu’il voit dans ce descendant la nature qui a péché dans le premier père. Et cependant il continue à vouloir que cette nature ait le surnaturel et le préternaturel. C’est ce qui nous explique pourquoi la perte de la justice originelle est, à la fois, une peine et une faute. C’est une peine, parce que Dieu nous en prive à cause du péché de notre nature

VIL— 29