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IMMACULEE CONCEPTION


3’série : purification ou sanctificulion de Marie. — Cette docirine apparaît chez les Pères postnicéeus, grecs, syriens ou latins. Elle se rattache aux paroles adressées par l’archange Gabriel à la très sainte Vierge, Luc, i, 35 : Spiritus Sanctus superveniel in le. L’objection est diversement proposée. Certains prétendent établir par lu que, d’après certains Pères, la mère du Verbe fut alors pleinement délivrée de la loi du péché, mais alors seulement. « La piété chrétienne n’avait pas attendu Augustin pour proclamer que Marie avait été purifiée de ses péchés au moment de l’incarnation. Avant même qu’Ambroise eût placé dans la mère du Christ l’idéal de la vertu, à une époque par conséquent où l’on n’avait pas scrupule d’attribuer à la Vierge diverses imperfections, saint Grégoire de Nazianze avait dit : « Le Christ est né d’une vierge « purifiée préalablement dans sa chair et dans son cœur, « par l’Espri t-Saint. » G. Herzog, loc. cil., p. 51 6. Ce même texte du Théologien et d’autres semblables, en particulier des saints Cyrille de Jérusalem, Éphrem et Augustin (sans parler des écrivains postérieurs), deviennent entre les mains des théologiens grecs ou russes de l’Église orthodoxe, de Métrophane Critopoulos à Alexandre Lebedev, un argument direct contre l’immaculée conception ; pour eux, c’est du péché originel que Marie fut purifiée au jour de l’annonciation. Il suffira, pour répondre, de soumettre ces textes à un examen moins superficiel.

Saint Cijrille de Jérusalem : « Le Saint-Esprit venant en elle la sanctifia, pour qu’elle pût contenir celui qui

atout créé, t }][ ioL^tv a-JTr|V Tipbç 10 Suvr]f)r|Vac oéÇacrOat tov èi’OU rà Tvivrâ èylvexo. Cal., xvii, 6, P. G., t. xxxiii, 976. Tel est le texte. — L’auteur des Ca^éc/ièses affirme un effet de sainteté, produit en Marie par le Saint-Esprit et formant comme la préparation prochaine à la maternité divine. En vertu de quelle exégèse prétend-on identifier cet effet de sainteté avec la délivrance du péché originel ou de la loi du péché, qui auraient existé dans la Vierge ou même persévéré en elle jusqu’à ce moment-là ? Comme si un effet de sainteté ne pouvait pas se produire en quelqu’un qui est déjà saint, pour qu’il devienne plus saint ! « Que le juste pratique encore la justice, et que le saint se sanctifie encore, » vtat 6 âyio ; à-c.air’iriXO) ïxi. Apoc, XXII, 11. Saint Grégoire de Nazianze : « Le Verbe se fait homme, prenant tout ce qui est de l’homme, sauf le péché ; il est conçu par la Vierge, préalablement purifiée par l’Esprit dans son âme et dans sa chair, y.’jridE’;  ; u.àv Èy. Tr, ; uapôâvou v.oà ! j-~j-/-i)v zai ijzpLa TrpoxafJasÔstTvi ;  ; car il fallait tout à la fois honorer la maternité et donner l’avantage à la virginité. » Oral., xxxviii, in Theophania. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325. Cf. Oral., xlv, in sanctuin Pascha, 9, col. 663. — De ce texte il faut dire la même chose que du précédent. Grégoire parle d’une purification relalive, en vue de la conception virginale de Jésus-Christ ; purification qui devait élever la Vierge Marie au degré de sainteté et de pureté nécessaire « pour que le Fils de Dieu sortît d’elle d’une façon mystérieuse et en dehors de toute souillure. Oral., XL, in sanctum baplisma, 45, col. 423. Vouloir prendre ici le terme xaOacpîtv dans le sens absolu du mot, pour signifier le passage de l’impureté positive à la simple pureté, c’est méconnaîtrel’usage scripturaire et patristique du mot dans un sens plus large, pour signifier le passage d’un degré inférieur à un degré supérieur de pureté positive ; qu’on se rappelle seulement la théorie de la puriftcation des anges. Pseudo-Denys, De cmlesti hierarcliia, x, i ; De ecclesiastica hierarchia, vi, 6, P. G., t. iii, col. 272, 537. D’ailleurs, les disciples du Théologien nous donneront, dans les siècles suivants, un brillant commentaire de sa vraie pensée.

Saint Éphrem : « Le Christ est né d’une nature su jette aux souillures, que Dieu devait puriner en la visitant… Aussi le Clirist purifia-t-il la Vierge, et c’est ainsi qu’il est né, pour montrer que le Christ opère toute pureté là où il se trouve. Il la purifia dans le Saint-Esprit pour la préparer (à la maternité divine), et c’est ainsi que d’un sein purifié il fut conçu. Il la purifia dans la chasteté, L-/Oripîv a-JT/-, v èv ày/e-a ; aussi, en naissant d’elle, il la laissa vierge. » Sermo adversus liœrelicos (intitulé aussi. De margarila). Opéra grœce, t. ii, p. 270. — Qu’une purification de ce genre ne se rapporte ni à la tache originelle ni à un péché quelconque proprement dit, l’ensemble du texte (souvent mal traduit) l’indique assez. Ce que l’orateur a en vue, il le déclare ailleurs par une comparaison expressive : « La lumière reçue dans l’œil le nettoie et l’éclairé, par son propre éclat elle en augmente et pare la grâce et la beauté. Marie fut un œil, la lumière habita en elle et divinement purifia son esprit, son imagination, ses pensées et sa virginité. » Sermo in Gcnesim, iii, 6, Opéra syriace, t. ii, p. 328.

Dans l’autre texte, emprunté à un discours sur la naissance du Sauveur, Notre-Dame est mise en scène : « Vous appellerai-je fils, frère, fiancé ou Seigneur, vous qui avez régénéré votre mère par la nouvelle génération dont l’eau est le principe ? Votre sœur, je le suis, puisque tous deux nous avons David pour ancêtre ; votre mère aussi, puisque je vous ai conçu ; votre fiancée encore, ayant été sanctifiée par votre grâce ; votre servante enfin et votre fille, née de l’eau et du sang, puisque vous m’avez achetée aux dépens de votre vie et que vous devez m’engendrer par le baptême. Celui que j’ai engendré, m’a régénérée à son tour par une nouvelle génération, lui qui a orné sa mère d’un nouveau vêtement et s’est incorporé sa chair, alors qu’elle-même revêt la splendeur, la grandeur et la dignité de son Fils. » Scrm., xi, de nalivilale Domini. Opéra syriace, t. ii, p. 429. — Rien, dans ce passage, qui ait trait au péché originel ; la double sanctification de Marie dont parle le docteur syrien est d’un tout autre ordre. L’une est la sanctification dont la bienheureuse Vierge devait bénéficier plus tard, comme fille spirituelle du Christ, en recevant le baptême, sacrement de la régénération ; mais qui ne sait que le baptême peut être conféré à des adultes déjà justifiés ? L’autre est la sanctification reçue par la Vierge avant la naissance de son Fils et que saint Éphrem compare à des fiançailles. Qu’estce exactement : la sanctification première ou la sanctification privilégiée au moment de l’incarnation ? Il est difficile de donner une réponse ferme, mais ce qu’on peut affirmer sans hésitation aucune, c’est que la sanctification opérée en Marie â l’annonciation n’est pas sa sanctification première, comme si alors seulement elle eût été délivrée du péché originel, contracté à sa naissance et conservé jusqu’à cette époque. Car, dans ses hymnes sur la mère de Dieu, le poète syrien nous la montre, au moment même où l’envoyé céleste l’aborde, comme déjà pleine de grâce et digne d’être saluée au nom du Père : » L’ange vit la Vierge tout admirable, et, ravi, il lui rend en ces termes son tribut d’amour et d’hommage flatteur : Je vous salue, pleine de grâce, le ciel n’est pas plus élevé que vous… » Hymni et sermones, t. ii, col. 578. « Heureuse Vierge, qui avez mérité d’entendre Gabriel vous saluer au nom du Père. » Ibid., col. 588. D’ailleurs, entre la supposition contraire et la doctrine générale du saint docteur sur la mère de Dieu, l’incompatibilité est simplement radicale.

Saint Augustin, De pcccatorum mcrilis et remiss., i, 28, P. L., t. xLiv, col. 174 sq. : « Seul, celui qui s’est fait homme en demeurant Dieu n’a jamais eu de péché et n’a pas pris une chair de péché, bien qu’il tienne sa chair d’une mère qui avait une chair de pé-