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IMMACULEE CONCEPTION


pays où vécurent leurs auteurs, suivant la juste remarque de Newman, Du culte de ta sainte Vierge, p. 213 : « On ne peut pas tirer cette conclusion de leurs commentaires individuels sur l’Écriture. Tout ce qu’on en peut légitimement conclure, c’est que si, dans leurs pays, on avait cru positivement à l’impeccabilité de la sainte Vierge, ils n’eussent pas parlé comme ils l’ont fait ; en d’autres termes, qu’il n’y avait pas alors dans leurs Églises une foi déterminée à son impeccabilité. Mais l’absence d’une croyance ne constitue pas une croyance en sens contraire. »

20 série : universalité du péché originel et de la rédemption. — Les anciens Pères enseignent comme la sainte Écriture, et plus nettement encore, l’universalité de la chute en Adam et de la rédemption par Jésus-Christ, le nouvel Adam. Ils déclarent, en conséquence, que seul, parmi les hommes, le rédempteur échappe au commun naufrage. « Seul moa Jésus est entré dans le monde sans avoir contracté de souillure en sa mère », dit déjà Origène. In Lev., homil. xii, 4, P. G., t. xii, col. 539. L’assertion s’accentue chez les Pères des iveetve siècles. D’après saint Ambroise, cité par saint Augustin, Contra Julianum, ii, 4, P. L., t. XLiv, col. 674 : « Seul Notre-Seigneur a été parfaitement saint et n’a pu être tel qu’à la condition d’échapper, en naissant d’une vierge, à la loi du péché qui s’attache à toute génération humaine. » Et saint Augustin de dire, pour son propre compte : « Celui-là seul est sans péché, qui a été conçu par une vierge, en dehors des embrassements humains, dans l’obéissance de l’esprit et non pas dans la concupiscence de la chair. » De peccatorum meritis et remissione, i, 57, P. L., t. XLiv, 142. Il y a donc, chez les fils d’Adam déchu, connexion entre la génération humaine, soumise à la loi de la concupiscence, et le terme de cette génération, soumis à la loi du péché. Connexion si rigoureuse, dans la pensée des Pères, que, pour écarter de Jésus-Christ le péché originel, ils concluent à la nécessité d’une conception virginale. Tel l’évêque d’Hippone, ayant rappelé l’origine de la concupiscence, Gen., iii, 7 : « Voilà, dit-il, d’où vient le péché originel ; voilà pourquoi tout homme naît dans le péché ; voilà pourquoi Notre-Seigneur n’a pas voulu naître ainsi, lui qui a été conçu d’une vierge. Scrm., cli, 5, P. L., t. xxxviii, col. 817. Dès lors, on ne peut pas songer à exempter de la loi commune la Vierge Marie, dont la chair fut conçue dans la concupiscence, de pcccati propagine venil, comme celle des autres enfants d’Adam. Aussi IVIarie, fille d’Adam, est-clle morte à cause du péché, Maria ex Adam mortua propter peccatnm, tandis que la chair du Seigneur, issue de Marie, est morte pour effacer les péchés. Inps.XXXlV, scrm. ii, 3. P. L., t. xxxvi, col. 335.

Réponse. — Les objections qui se rattachent à cette seconde série de témoignages n’ont pas toutes la même portée. Souvent les Pères ne font que reproduire la doctrine de la sainte Écriture sur l’universalité du péché originel et de la rédemption. Doctrine catholique que personne ne songe à nier ; il n’est nullement question de soustraire Marie à l’influence rédemptrice de son divin Fils, et, pour ce qui concerne l’universalité du péché originel, autre chose est la loi, autre chose est l’application de la loi. Un législateur, s’il jouit d’un pouvoir indépendant, garde toujours le droit de ne pas appliquer la loi dans un cas particulier, sans compromettre en rien l’existence de la loi elle-même. C’est ainsi que, nonobstant la loi universelle de la résurrection des corps à la fin des temps seulement, Notrc-Seigncur a pu, par un privilège spécial, anti( ipcr l’événement en faveur de sa mère bénie.

ficaucoup plus sérieuse est robjcction sous la forme qu’elle présente d’après les textes cités d’Ambroise et d’Augustin. Une première solution, pour ce qui

concerne ce dernier, consisterait à dire qu’au début le grand adversaire de Pelage n’aurait pas dégagé Marie de la condition commune, mais qu’une évolution se serait opérée peu à peu dans son esprit et qu’à la fin, mis brutalement par Julien en face de cette conséquence : tu transcribis Mariamdiabolo conditione nascendi, il aurait affirmé l’immunité originelle de la mère de Dieu, rétractant ainsi ou du moins dépassant ce qu’il avait tenu antérieurement. E. Vacandard, Les origines de la fêle et du dogme de l’immaculée conception, i, dans la Revue du clergé français, 1910, t. XLii, p. 38 sq. ; L. Talmont, Saint Augustin et l’immaculée conception, dans la Revue augustinicnne, 1910, t. XVI, p. 747 sq. ; à l’opposé : L. Saltet, Saint Augustin et l’immaculée conception, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Toulouse, 1910, p. 162 sq. Il semble difficile d’établir solidement, entre l’enseignement des écrits antérieurs et celui de VOpus imperfectum, autre chose qu’un développement ou progrès relatif, par passage de l’implicite à l’explicite. En tout cas, la difficulté reste, quant au point délicat : l’affirmation de la conception virginale comme moyen nécessaire pour que Jésus-Christ échappe, en naissant, à la loi du péché, car cette affuination se retrouve dans VOpus imperfectum, par exemple, iv, 79, P. L., t. xuv, col. 1384. Toute la question est de savoir si cette alTirmation a la valeur absolue qu’on prétend lui attribuer.

Ceux qui objectent les textes cités d’Ambroise et d’Augustin raisonnent toujours comme si, dans la pensée de ces docteurs, il s’agissait d’une immunité quelconque par rapport à la tache héréditaire. Le problème est moins simple. L’immunité peut exister de deux façons différentes ; d’abord, en fait seulement, parce que le sujet conçu dans les conditions ordinaires ne contracte pas la souillure du péché originel, mais grâce à une intervention particulière qui le protège contre l’application de la loi commune, loi qui, autrement, s’appliquerait, étant donnée la façon dont le sujet est conçu. Mais l’immunité peut aussi exister, non pas en fait seulement, mais en droit, twcce. que le sujet conçu ne tombe pas sous la loi du péché. Cette seconde manière seule pouvait se réaliser en Jésus-Christ, Homme-Dieu et rédempteur du genre humain ; or, pour qu’elle pût avoir lieu, jiour que Jésus-Christ ne tombât pas sous la loi du péché par la façon même dont il serait conçu, conditione nascendi, il fallait qu’il naquît d’une vierge ; ainsi tout serait pur, saint et béni dans sa conception : non seulement le terme ou le fruit, mais la cause elle-même.

Tel est le sens premier et direct des témoignages allégués. Secondairement et par voie de conséquence, ils prouvent qu’il ne peut être question pour Marie d’une immunité de droit par rapport au péclié originel ; n’ayant pas étéconçue virginalement, mais comme les a’.itres enfants d’Adam, elle tombait de ce chef, conditione nascendi, sous la loi du péché. Mais rien n’exclut la ]>ossibilité d’une simple immunité de fait en vertu d’une intervention divine qui, laissant l’acte générateur soumis à la loi commune de la concupiscence, s’exerce sur le fruit ou le terme par l’infusion de la grâce sanctifiante dans l’âme de Marie. Qu’avons^ious alors, si ce n’est, suivant l’expression de saint Ambroise, une vierge exempte, mais par grâce, de toute tache du péché, Virgo per graliam ab omni intégra labe pcccatiî Cette hypothèse n’empêche pas qu’on ne jjuisse dire de Marie, avec saint Augustin, qu’elle est « morte à cause du péché » : étant issue, d’Adam par voie naturelle, elle peut, même étant préservée de la souillure héréditaire, porter certaines conséquences de la faute du premier père, celles du moins qui n’ont pas de connexion essentielle ou immédiate avec le péché proprement dit.