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IMMACULÉE CONCEPTION


loc. cit., p. 165, que, pour Augustiu, « tous les prédestinés sont fils de Dieu, même avant la régénération » ? Il ne semble pas ; avant leur régénération, les prédestinés ne sont fils de Dieu qu’en puissance ou par destination ; en réalité ils sont sous l’esclavage du démon. De nuptiis et concupisccntia, ii, 3, P.L., t. xliv, col. 438 : Non negamus adhuc esse sub diabolo, nisi renascaniur in Christo. Cf. Contra Julian., vi, 3 ; 0pus imperject., i, 62, P. L., t. XLv, col. 822 sq., 1081 sq. En somme, l’adversaire de Julien jouerait d’équivoque, en donnant aux termes : Non transcribimus Mariam diabolo, un sens tout différent de celui que l’hérétique leur attribuait.

Il n’est donc pas étonnant que beaucoup s’en tiennent à la seconde interprétation du texte augustinien, celle qui rejette l’application de la loi commune, en ce qui concerne non pas la conception active, mais la conception passive ou naissance première de la mère de Dieu. A supposer même que l’hésitation soit possible pour qui envisagerait ce texte et les autres d’un point de vue purement philologique, il reste, comme l’a montré W. Scherer, que la psychologie du saint docteur mène au sens immaculiste. Ce n’est donc ni fausser, ni dépasser sa pensée, que de l’admettre. Mis par Julien en face d’un cas particulier, il applique simplement le principe énoncé quinze ans auparavant : « Quand il s’agit de péchés, qu’il ne soit point question de Marie. » On comprend mieux alors tout ce que pouvait signifier, pour son auteur, cette affirmation déjà signalée : Il fallait que le diable souffrît de sa défaite par les deux sexes, comme il avait joui de son triomphe sur les deux. » Triomphe complet sur Adam et Eve, entraînés dans une faute personnelle qui fut le point de départ du péché originel ; défaite complète par le second Adam et la seconde Eve, indemnes l’un et l’autre de toute faute, personnelle et originelle.

Comment y a-t-il alors, pour Marie, grâce de renaissance ou de régénération ? Comme il y a grâce de renaissance ou sacrement de régénération dans l’adulte qui, justifié déjà en rnisoii d’un acte de charité ou de contrition parfaite, reçoit le baptême. Ces dénominations conviennent à la grâce de Jésus-Christ et au sacrement du baptême, en fonction des effets qu’ils sont destinés à produire et qu’ils produisent en fs’t d’une façon normale. D’ailleurs, si l’on considère Marie en sol, comme terme d’une génération humaine soumise du côté des parents aux conditions communes, ne peut-on pas dire que la grâce, reçue an ]>remier instant de son existence, constitue pour clic une seconde naissance et que, par rapport à la mort spirituelle contractée en droit, de jtrès ou de loin, il y a, dans le même sens, renaissance ? La naissance physique ne peut-elle pas précéder, d’une antériorité logique, la naissance spirituelle ? N’est-ce pas d’une façon analogue que, dans le passage dont nous nous occupons, saint Augustin attribue à la grâce rédemptrice du Christ, non seulement de remettre les fautes commises, mais encore de prévenir les chutes ? Quod non » is dicimiis, nonnisi per graliam tibcrari (linmines), non soluw ut eis débita dimittantur, verum rtiam ne in tentationem infrrantur. Kien plus, saint Ambroise ne craint pas d’appliquer à Noire-Seigneur lui-même l’idée de renaissance, c’est-à-dire de naissance spirituelle par opposition à la naissance matérielle ou physique : cum ipsc Dominns Jésus Christus de Spiriln Snncto et nntus sit et REKATVS. De Spiritii Sanelo, I. 111, c. x, n. 65, P.L., i. XVI, col. 791.

4’Les objeelinns. — Pris dans leur ensemble, les témoignages qui précèdent permettraient de conclure à l’existence, chez les Pères anténicéens et postnicéens, de germes et d’anticipations de la croyance au glorieux prIvlIcKc <le Marie, si les adversaires du dopme et d’aiilrcs encore ne déclaraient

cette conclusion incompatible avec la doctrine générale des mêmes Pères sur plusieurs points. Les textes invoqués se ramènent à trois séries.

1’^ série : Jésus-Christ seul sans péché. — Sous sa forme générale, l’objection se résume en cette phrase de Tertullien : « Dieu seul est sans péché, et le Christ est le seul homme qui fut sans péché, parce que le Christ était Dieu. "De anima, 41, P. L., t. ii, col. 720. Doctrine commune à beaucoup d’autres ; par exemple. Clément d’Alexandrie, Psedag., iii, 12, P. G., t. vra, col. 672 : p.ôvoç yrxçi àva|jLapTï, To ; a-JTÔ ; o Ao-j-t’î' Saint Hilaire, Tract, in ps. cxxxviii, 47, P. L., t. ix, col. 815 : Solus cnim extra peccatum est Dominus noster Jésus Christus ; saint Cyrille d’Alexandrie, In Lev., xvi, 2, P. G., t. Lxix, col. 584., où il dit du grand prêtre Aaron, comparé à Jésus-Christ, qu’étant homme, àvOsf.iTXù ; i.’iv, il ne peut être sans péché. Que la mère de Dieu ne fasse pas exception, la preuve en est dans les faiblesses, les défaillances de foi, l’inintelligence des choses de l’Évangile que les Pères lui attribuent. Saint Irénée traite la demande qu’elle adresse au Sauveur aux noces de Cana, Joa., ii, 4, d’ « empressement intempestif que Jésus rejette, repellens ejus intempestivam festinationem ». Cont. hær., iii, 16, 7, P. G., t. vii, col. 926. Saint Jean Chrysoslome rapporte cette même demande à un sentiment de vaine gloire. In Joa., homil. xxi, 2, P. G., t. lix, col. 130. Séverien de Gabala, contemporain du grand orateur, paraît supposer qu’à cette époque, Marie ne croyait pas encore à la divinité de son Fils, ou du moins qu’elle agit en cette circonstance comme si clic n’y croyait pas encore, ce qui explique la réprinian<le du Sauveur : matrem ut frustra et importune suygirentem inculpât. Homil., viii, in sancUim marlijrem Acacium, dans Severiani Gabalorum episcopi Emesensis homilise, édit. J.-B. Aucher, Venise, 1827, p. 317. Dans la prophétie du vieillard SimOon, Luc, ii, 35 : Et tuam ipsius perlransibit gladius, Origène voit le glaive de l’incrédulité ou du doute qui, pendant la passion, devait atteindre l’âme de Marie comme celle des apôtres. In Luc, homil. xvii, P. G., t. xiii, col. 1845. Cette interprétation est suivie par beaucoup : S. Basile, EpisL, ccLX, 9, P. G., t. XXXII, col. 967 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa., t. XII, P. G., t. lxxiv, col. 662 sq., et plusieurs auteurs de moindre importance ; S. Amphiloque ou l’auteur qui portece nom, Homil. in occursum Domini, 8, P. G., t. xxxix, col. 57 ; pseudo-Grégoire de Nyssc, Homil. de occursu Domini, P. G., t. XLvi, col. 1176 ; pscudo-Chrysostome, Homil. in ps, XIII, 4, P. G., t. i, v, col. 555 ; pseudo-Augustin, Quæstiones ex N. T., 73, P. L., t. xxxv, col. 2267. Tertullien rattache à l’incrédulité, ou du moins à un désir importun de détourner Jésus de sa mission. la démarche faite aujirès de lui par « sa mère et ses frères » au cours de sa vie publique, Matth., xii, 46 : iiitcriirétation dont paraissent s’inspirer ceux des l’ères latins qui virent dans la mère et les frères de Jésus la figure de la Synagogue et des Juifs, s’abstenant d’aller au Sauveur ou se rendant indignes d’entendre ses discours : S. Hilaire, In Matth., xii, 24, P. L., t. ix, col. 993 ; S. Jérôme, In Mallh., xii, 49, P. L., t. xxvi, col. 85. Dans cette dernière circonstance, comme aux noces de Cana, saint Jean (Jirysoslonic donne pour mobile à la conduite de Marie la vaine gloire. In Matth., homil. XXVII, 3 ; xuv. i, P. G., t. i.vii, col. : il7, 464 sq. Ailleurs, parlant de l’hypothèse où la Vicr< ; c aurait conçu sans avoir été préalablement avertie et instruite par l’ange, le même docteur raisonne comme s’il la supposait capable d’un trouble allant jusqu’à la folie : Elle se fût iicut-ctrc pendue ou poignardée de désespoir. » In Matth., homil. iv. 5, col. 45.

Réponse. — Cette objection est très différente, suivant qu’on Ta considère sous sa forme générale ou