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IMMACULEE CONCEPTION

beaux sous tous rapports ; car, en vous, Seigneur, il n’est point de tache, et en votre mère il n’est point de souillure. » Carmina Nisibina, édit. Bickell, p. 122. Passage dont la force est justement soulignée par le savant éditeur, p. 28 : Probatione vix eget, Ephræmum hoc loco immunitatem non solum ab actuali, sed eliam ab originali peccato tribuere. Adscribit enim ei talem sanditatem quam cum solo Christo participat quaque omnes reliqui homines carent. Raisonnement d’autant plus sérieux, que saint Éphrem regardait les enfants non baptisés comme infectés d’une tache ; parlant en effet du ciel, il nous y montre les mères chrétiennes voyant avec les anges leurs enfants préalablement purifiés de toute tache : Aspiciunt parvulos suos… sublimi gradu locatos et fados omni detersa labe angelorum cognatos. De paradiso Eden, serm. vii. Opera syr. lat., t. iii, p. 582. Comme Bickell, Mgr Rahmani compte l’immaculée conception au nombre des vérités admises par l’illustre diacre d’Édesse. Sandi Ephrœmi hymni de virginitate, Scharfé, 1906, p. xii.

Église latine : saint Ambroise et saint Augustin.

En Occident comme en Orient, nous retrouvons l’antithèse des Èves sous des formes diverses. Saint Jérôme l’énonce en passant, par manière de dicton familier : Mors per Evam, vita per Mariam. Epist., xxii, ad Eustoch., n. 2, P. L., t. xxii, col. 408. Saint Ambroise y revient plusieurs fois, en considérant soit le rôle d’Eve et de Marie, soit le caractère virginal de cette dernière et de son enfantement : Veni, Eva, jam Maria, quæ nobis non solum virginitatis incentivum, attulit, sed etiam Deum intulit. De institut, virginis, c. v, n. 33, P.L., t. xvi, col. 314 ; Ex terra virgine Adam, Christus ex virgine… Per mulierem stultitia, per virginem sapientia. Exposit. in Luc, t. iv, n. 7, P. L., t. xv, col. 1614 ; cf. Exhort. virginitatis, c. iv, n. 26 ; Epist., lxiii, ad eccles. Vercell., n. 33, P. L., t. xvi, col. 343, 1198. Saint Zenon, évêque de Vérone († vers 371), emploie un langage plus expressif encore, quand il montre Dieu nous redonnant Eve en Marie et renouvelant Adam dans le Christ : Tu Evam in Mariam redintegrasti, tu Adam in Christo renovasti. Tract., II, de spe, fide et caritate, 9. P. L., t. xi, col. 278. Saint Augustin refait la comparaison classique : Decipiendo homini propinatum est venenum per feminam, reparando homini propinatur salus per feminam. Serm., li, de concord. Evangel., c. ii ; cf. Serm., cclxxxix, in natali Joannis Bapt., n. 2. P. L.. t. xxxviii, col. 335, 1308. En outre, dans un texte du De agone christiano, c. xxii, déjà cité, col. 857, il donne au plan de revanche choisi par Dieu sa pleine signification : Pour que le diable souffrît de sa défaite par les deux sexes qu’il avait vaincus, un homme et une femme devaient contribuer à la délivrance du genre humain.

C’est par allusion à ce rôle de nouvelle Eve, associée au nouvel Adam dans l’œuvre du relèvement et victorieuse avec lui de l’antique serpent, que, sur la fin du ive siècle, le poète Prudence nous représente celui-ci foulé aux pieds d’une femme, la vierge Marie, qui, ayant mérite de devenir la mère de Dieu, est restée invulnérable à tout venin, Cathemer., iii, ante cibum, vers 146 sq., P. L., t. xliv, col. 806 :

Hoc odium vetus illud crat,
Hoc erat aspidis atque hominis
Digladiabile discidium,
Quod modo cernua femineis
Vipera proteritur pedibus.
Edere namque Deum merita,
Omnia virgo venema domat :
Tactibus anguis inexplicitis,
Virus inerme piger revomit
Gramine concolor in viridi.

A ces témoignages généraux s’ajoutent quelques témoignages spéciaux, utilisés dans la bulle Ineffabilis ou mentionnés dans les Actes de la commission préparatoire. Dans un texte partiellement cité, col. 861, saint Ambroise attribue à Marie, à titre de privilège strictement personnel, une plénitude de grâce dont le fondement est dans sa qualité de mère de Dieu : Bene enim sola gratia plena dicitur, quæ sola gratiam quam nulla alla meruerat, consecuta est, ut gratise repleretur audore. Exposit. in Luc, t. III, n. 9, P. L., t. xv, col. 1555. Aussi veut-il que, pour apprécier dignement ce qu’est Marie, on tienne compte de ce qui est convenable dans une telle mère : Sed nec Maria minor, quam matrem Christi decebat. Epist., lxiii, ad eccles. Vercell., n. 110, P. L., t. xvi, col. 1218. Il est dès lors facile de comprendre toute la portée d’un texte souvent invoqué par les défenseurs de l’immaculée conception. Exposit. in ps. cxviii, serm. xxii, 30, P. L., t. XV, col. 152. Personnifiant la nature humaine déchue, le grand évêque de Milan lui fait adresser cette prière au Verbe : « Venez chercher votre brebis égarée ; n’envoyez pas vos serviteurs ni des mercenaires, venez vous-même. Prenez-moi, non pas de Sara, mais de Marie, afin qu’elle soit une Vierge sans corruption, une Vierge exempte, par la grâce, de toute tache du péché. » En d’autres termes, la nature humaine supplie le Verbe de s’unir à elle, mais par l’entremise de la femme bénie qui, par sa virginité et sa sainteté parfaites, soit une digne mère de Dieu. Ne serait-ce pas restreindre arbitrairement la portée indéfinie de l’expression : ab omni integra labe peccati, que de l’entendre des seuls péchés personnels ou actuels ? Sardi, op. cit., 1. 1, p. 805.

Pour saint Jérôme, Marie est la porte orientale que Dieu fit voir au prophète Ézéchiel, lxiv, 1-2 ; porte fermée à tout mortel, « car Jéhovah, le Dieu des armées, est entré par là. » Figure de la perpétuelle virginité de la mère du Verbe, suivant l’interprétation rapportée par le saint docteur dans son commentaire sur ce passage, P. L., t. xxv, col. 430. Cf. pseudo-Ambroise, In Apocal., xxi, 12, P. L., t. xvii, col. 948. Mais dans un autre endroit, il va plus loin : il donne à la bienheureuse Vierge, porte mystique répondant à l’antique figure, ces deux épithèles : semper clausa et lucida. Epist., xlviii, ad Pammach., n. 21, P. L., t. xxiii, col. 510. L’adverbe semper tombant sur les deux adjectifs, Marie toujours vierge nous est donc présentée en même temps comme toujours lumineuse, c’est-à-dire toujours éclairée, comme porte orientale, par les rayons du soleil de justice. L’idée est reprise et accentuée dans les Homiliæ in psalmos. Appliquant à Marie ces paroles du ps. lxxvii, 24 : in nube diei, Jérôme voit en elle une nuée qui ne fut jamais dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière : Pulchre dixit, diei ; nubes enim illa non fuit in tenebris, sed semper in luce. G. Morin, Anecdota Maredsolana, t. iii, p. 65 ; cf. Breviarium in psalmos, P. L., t. xxvi, col. 1049.

Saint Augustin mérite de fixer davantage notre attention, à cause de son autorité personnelle et de l’influence profonde qu’il a exercée sur ceux qui sont venus après lui. Deux textes sont habituellement cités en faveur du glorieux privilège. Le premier est tiré d’un écrit composé contre Pelage en 115, De natura et gratia, c. xxxvi, P. L., t. xliv, col. 267. En même temps qu’il niait la déchéance originelle, l’hérésiarque attribuait aux rejetons d’Adam des forces les rendant capables d’observer par eux-mêmes toute la loi morale et de vivre sans péché. Pour confirmer cette assertion il citait un certain nombre de personnages, hommes et femmes, qui auraient réalisé ce programme, qui non modo non peccasse, verum etiam juste vixisse referuntur. La série des femmes aboutissait à la mère de Notre-Seigneur et Sauveur, que la piété nous contraint de proclamer exempte de péché, quam dicit