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IMMACULÉE CONCEPTION


est la mère des vivants. » //iEr., Lxx viii, 1 8, P. G., t. xlii, col. 728. Un tel rôle n’entraîne-t-il pas une firâce, une sainteté unique ? L’auteur du Panarium le suppose manifestement, quand il nous présente la liienlieureuse Vierge comme une demeure et un temple pr6parés en vue de l’incarnation du Verbe par un grand et stupéfiant miracle de la bonté divine. Hser., lxxix, 3, col. 743. Bien plus, il l’affirme en attribuant au v.v/jxçii-TcoiJÉvi, de la salutation angélique une ampleur indéfinie : pour lui, Marie n’est pas seulement « la sainte Vierge, ô àyi(x TrapOévo :, elle est « la toute-pleine de grâce », TVJvi, vfjp, ovvT£ : Tï) xaxà Ttivra -Le/_apcT(i)[j.Évi, , coç ôÎ7t£v 6 PagptriA. Hær., lxxviii, p. 24, 25, col. 737.

Ne suffirait-il pas de presser le qualificatif Latà TtivTa, pour y trouver un témoignage implicite ou virtuel en faveur de la sainte conception de Marie, comme enveloppée dans cette plénitude indéfinie de grâce ? On est d’autant mieux fondé à poser la question que, parlant en cet endroit contre des idées et des pratiques mariolâtriques, le saint docteur devait surveiller de près son langage, et que le Protévangile de Jacques avait, comme on l’a déjà vii, attiré son attention sur la conception de la bienheureuse Vierge. Il réprouve avec vigueur ceux qui prétendent faire de Marie une déesse en lui olïrant des sacrifices, ou qui lui attribuent un corps venu du ciel : où’ts yàp fjEÔ ? r, Mapia. oû’te aTt’&-Jpavo-j k’/ouira tô GMi.a.. Ibid., n. 24. Il connaît le récit qui taisait de la fille de Joachim et d’Anne un fruit de bénédiction, accordé par la bonté divine à leurs instantes prières ; ce n’est pas là ce qu’il rejette, mais l’interprétation abusive, fondée sur la leçon : ’Il yjvri o-oj <7uvnÀr| : s’jra, suivant laquelle Anne aurait conçu virginalement ; à l’encontre, il déclare Marie soumise aux conditions ordinaires de la génération humaine, qui suppose le concours actif d’un père et d’une mère. : y.aôùç TtivTE, ;, iv. trTtép[xaTo ; àvSprjî xai |J.r|Tpaç f^vaiv.oç Hær., LXXIX, 5, col. 748. Mais rien de tout cela ne s’oppose à ce que la bénédiction divine, tombant sur la Vierge au début de son existence, n’ait été comme une première application du xatà Tcàvua x£/^apiTtoijévr|.

Cette hypothèse cadrerait bien d’ailleurs avec la façon dont saint Épiphanc répond à cette question : Comment la sainte Vierge a-t-elle quitté ce monde ? Est-elle morte et a-t-elle été mise au tombeau ? At-elle reçu la couronne du martyre, comme les paroles du vieillard Siméon, Luc, ii, 35, pourraient le faire conjecturer ? N’est-elle pas morte ? Question ouverte : » Dieu peut faire tout ce qui lui plaît, et nous n’avons rien de certain sur la fin de la Vierge. » Hser., Lxxviii, 24, col. 737. Ce privilège éventuel de n’être pas tombée sous le coup de la mort, Épiphane ne le rattache pas. il est vrai, à l’exemption du péché originel ; il n’en reste pas moins qu’il ne voit pas de difficulté à ce que la mère de Dieu ait été soustraite à la loi commune de la mort, fondée sur le péché originel d’après la doctrine de l’apôtre, Rom., v, 12 ; doctrine si familière pourtant aux Pères grecs et si fortement accentuée à la même époque par plusieurs d’entre eux, notamment saint Jean Chrysoslome.

2° Église syrienne : saint Éphrem. — Singulièrement expressifs sont les témoignages relatifs à la sainteté de la mère de Dieu, que nous fournissent les Pères syriens du iv » siècle. C’est d’abord, à l’époque du concile de Nicée, saint Jacques de Nisibe, dans un fragment que lui attribue un manuscrit syriaque très ancien : « Dieu, dit-il, s’est choisi pour mère une vierge pure, prévenue de ses faveurs, qu’il s’était consacrée et fiancée ; seule entre tous, il l’a maintenue sans souillure, sans tache ; puis il est venu habiter dans cette bienheureuse pleine de beauté, intègre de corps, toute pure et scellée en son âme ; et il s’est manifesté en cette fille d’origine divine, pleinement agréable à

Dieu. » Citation du P. Joseph Besson, missionnaire en Syrie au xviie siècle, dans Civillà catlolica, 1876, 9° série, t. xii, p. 549. Comment ne pas reconnaître dans un tel langage l’affirmation de la sainteté indéfinie de la Vierge, sainteté s’étendant à sa personne comme à sa vie entière ?

Saint Jacques de Nisibe n’est qu’un précurseur, dont la gloire s’éclipse devant celle de son disciple, Éphrem le Syrien, mort à Édesse vers 373. Orateur, exégète, poète, Éphrem est partout le panégyriste, et combien fécond ! de la mère de Dieu. « Pleine de grâce…, toute pure, toute immaculée, toute sans faute, toute sans souillure, toute sans reproche, toute digne de louange, toute intègre, toute bienheureuse…, vierge d’âme, et de corps, et d’esprit…, arche sainte qui nous a fait échapper au déluge du péché, belle par nature, tabernacle sacré que le Verbe, nouveau Béséléel, a travaillé de ses mains divines…, complètement étrangère à toute souillure et à toute tache du péché. » Opéra grœce et latine, t. iii, Oratio ad Dciparam, p. 528, 529 ; ad SS. Deigenitricem, p. 577. Tel est le langage rappelé dans la bulle IncfJabilisDeus. Mais pour en comprendre toute la portée, il faut dépasser la lettre et pénétrer plus à fond dans la théologie du docteur syrien.

Le mystère du Christ en est le point central, et Marie se rattache à ce mystère par un double rapport, l’un social, l’autre personnel. Sous le premier rapport, elle est la nouvelle Eve qui coopère avec le nouvel Adam au mystère du salut. « Deux vierges ont été données au genre humain : l’une fut cause de vie comme l’autre avait été cause de mort. » Hymni et sermones, édit. Lamy, t. ii, p. 526. « Eve et le serpent ont creusé la fosse où ils précipitèrent Adam, mais Marie et l’enfant royal ont fait la contre-partie ; s’étant penches, ils l’ont retiré de l’abîme. » Ibid., p. 524. Éphrem ne s’en tient pas là ; il tire une conséquence que n’ont pas tirée ses devanciers : rapprochant les deux vierges avant le moment où elles se font antithèse, il les voit sortant semblables des mains du créateur : « Toutes deux innocentes, toutes deux simples, Marie et Eve avaient été faites de tout point semblables ; mais ensuite l’une est devenue cause de mort, et l’autre cause de notre vie. » Sermones exegelici. In Gen., iii, 6, Opéra syriace et latine, t. ii, p. 327. Ainsi l’idée d’innocence parfaite vient-elle s’associer à celle de nouvelle Eve.

Mais Marie est d’abord mère du Verbe incarné ; rapport personnel qui, plus impérieusement encore que l’autre, entraîne des conséquences merveilleuses. « Elle est vierge, elle est mère, donc que n’est-elle pas ? s’écrie Éphrem. Hymni, t. ii, p. 521. Jésus est le fruit béni de Marie, mais par un renversement des causalités, la Vierge devient à son tour un fruit unique du Christ, et la plus merveilleuse efflorescence de son mystère d’amour. C’est le Verbe qui a créé sa mère, comme il a formé de la terre le premier homme, comme il a façonné son propre corps : Plasmasti Adam e pulvere, et matrem tuam creasti, et tu teipsiim jormasti in mente (matrel) tua. Ibid, , p. 564. Aussi quelle beauté, quelle perfection dans l’œuvre du Christ rédempteur ! « O la très sainte, ô reine, ô mère de Dieu, seule toute pure en ton corps et en ton âme. seule bien au-dessus de toute pureté, de toute intégrité, de toute virginité, seule devenue tout entière la demeure de toutes les grâces du Saint-Esprit. » Opéra græce-latine, t. iii, p. 524.

Aux yeux du grand docteur sj’rien, l’innocence brille tellement en Marie, que, dans une poésie de l’an 370, il ne craint pas de présenter en quelque sorte sur le même plan la pureté du Christ et celle de la Vierge, mettant en scène l’Église d’Édesse, désolée par un schisme de six années, il lui fait dire : « En vérité, vous et votre mère, vous êtes parfaitement