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IMMACULÉE CONCEPTION


In muUis offendimus omnes ; ce qui n’a pas empêché, non seulement les Pères du concile de Trente, mais encore beaucoup d’adversaires de l’immaculée conception, d’attribuer à la mère de Dieu l’exemption de toute faute actuelle.

En outre, à l’interprétation des textes objectés se rattachent d’autres problèmes, ceux-ci tout d’abord : si Marie a été rachetée par l’universel rédempteur, ce qui est incontestable et incontesté, a-t-elle été rachetée comme les autres ? Si elle est morte, ce qui est un fait, est-elle morte au même titre que les autres ? Si, fille d’Adam, elle a été conçue par voie de génération charnelle, n’y-a-t-il eu rien de privilégie dans sa conception, considérée dans son principe comme dans son terme ? Si elle n’a pas encouru réellement la tache héréditaire, aurait-elle dû l’encourir et comment ? C’est-à-dire, a-t-elle été comprise dans la loi générale de solidarité qui fait dépendre d’Adam la cause de toute sa postérité ; ou bien, en a-t-elle été exclue ? Dans la première hypothèse, celle du debilum proximum, le privilège s’insérerait entre la loi et son exécution ; dans la seconde hypothèse, celle du debitum remotum, Marie serait dans un ordre à part, en dehors de la loi commune, mais toujours en vertu d’une application anticijjée des mérites futurs de son divin Fils. Autant de problèmes que les textes objectés pourraient soulever, et qu’ils soulèveraient effectivement le jour où la question de la sainte conception de Marie, posée formellement et nettement, entrerait dans une phase de discussion publique, et pour ainsi dire technique. Des siècles devraient s'écouler avant qu’il fiît possible de concilier dans une harmonieuse synthèse les deux séries de textes scripturaires invoqués en sens inverse par les défenseurs et les adversaires du glorieux privilège.

Plazza, op. cit., Act. i, a. 1 : Scripturir iestimonia ab adversa parte allegata ; Perrone, Disquisilio, part. I, c. v, a, 15, § 1, dans Pareri, t. vi, p. 347, 405 sq. ; Palmieri, De Deo créante, th. Lxxxii ; De peccal. orz’jm., th. xviii ; L. Jansscns, op. cit., p. 62-64 ; Sardi, op. cit., t. il. Silloge degli argoinenli, p. 48, 55.

4° Conclusion : révélation implicite du privilège dans la sainte Écriture. — Abstraction faite des textes a ineffjcaces ou secondaires », étudiés en second lieu, il résulte de ce qui précède que le Protévangile et la salutation angélique, rapprochés l’un de l’autre et pleinement saisis à l’aide de la tradition active, contiennent l’iminaciilée conception de Marie ; ils la contiennent comme enveloppée dans l’inimitié avec le seripent, la plénitude de grâces, l’union avec Dieu, la ibénédiction propres à Marie, mère de Jésus, unie .étroitement à son Fils non seulement comme mère, tnais encore comme nouvelle Eve, placée à côté du iiouvel Adam et formant avec lui un groupe à part <lans l'œuvre de la rédemption ou la défaite du serpent. Le privilège est donc contenu dans ces textes, d’une façon non pas explicite, mais implicite. Scheeben donne la note juste, op. cit., n. 1687 sq. ; après avoir déclaré qu’il n’y a rien de formel dans la sainte Écriture, il ajoute que, pris sous la lumière de l’interprétation ecclésiastique, le Protévangile et la salutation angélique, complétée par celle d’Elisabeth, figurent en Marie de telles prééminences et lui assignent dans l'économie de la rédemption une telle place, que le glorieux privilège s’y trouve nécessairement compris, non comme une simple conclusion théologique, mais comme rentrant dans le contenu immédiat du texte, entendu dans toute sa plénitude.

Parmi les théologiens catholiques qui, jadis, ont considéré l’immaculée conception comme pouvant être définie, il en est peu qui n’aient pas fait appel à ces deux textes, surtout au Protévangile. Plazza, op.. cit., n. 77 sq., accorde à ce dernier une place d’hon neur : Nullum (ère est in sacris lilleris, pro prseservatione B. Virginis ab originali peccato, locupletius testimonium ; il cite, l’ayant utiUsé, des docteurs plus anciens, tels que Denys le Chartreux, Lansperg, Jean Eck, Jacques de Valentia, etc. Même attitude de la part des théologiens qui, depuis la définition solennelle, se sont préoccupés d’indiquer ou de justifier les fondements du dogme : presque tous invoquent les deux textes, particulièrement le Protévangile, sans attribuer cependant à la preuve la même valeur. Quelques-uns se contentent de l’utiliser, par exemple, Van Noort, n. 244 : ita argumentari licet. D’autres parlent de valeur persuasive, qu’ils accentuent plus ou moins ; tels Palmieri, De Deo créante, p. 723 : suadeiur sallem vehemenlissimc, ou Christ. Pesch, n. 302 : vehemenler suadent. D’autres donnent la preuve comme suffisante, par exemple, Perrone, op. cit., p. 408 : fundamentum satis solidum, ou L. Janssens, p. 43 : sat valide erui potest. D’autres enfin tiennent l’argument pour démonstratif, comme le cardinal Billot, p. 377 : vim et robur plenæ demonstrationis, ou Van Crombrugghe, p. 117 : indubie fundat. Nous avons déjà vii, col. 860, 862, en quel sens les deux textes ont été maintenus et utilisés dans la bulle Inefjabilis. Il y est affirmé, § A' (7 igitur mirum, qu’au jugement des Pères la doctrine de la conception sans tache est consignée dans les saintes Lettres : doctrinam judicio Patrum divinis lilleris consignalam. Ailleurs, § Ilaqiic plurinnim, l’idée revient sous forme, non plus de simple constatation, mais d’assertion positive et directe : quam divina eloquia, veneranda tradilio, perpeluus Ecclesise sensus… miriflce illustrant atque déclarant. Du reste, les témoignages des Pères relatifs aux deux principaux textes, le Protévangile et la salutation angélique, ne sont pas rapportés dans la buUe d’une façon quelconque ; ils s’y trouvent comme des prémisses, d’où sont tirées des conclusions. Il semble donc qu’en sanctionnant sur ces points l’exposé doctrinal. Pie IX ait favorisé le sentiment de ceux qui relient le glorieux privilège à ces textes, sans prétendre toutefois faire porter là-dessus, ni de près ni de loin, aucune définition.


III. En Occident et en Orient jusqu’au coNaLE D'ÉpHÈSE : PÉRIODE DE CROYANCE IMPLICITE.

Quand il s’agit de vérités qui n’ont pas été, dès le début, professées publiquement dans l'Église, classique est la distinction de trois étapes successives : possession tranquille ou croyance implicite ; controverse, quand la croj’ance, commençant à se manifester soit dans la connaissance soit dans la prédication, provoque la discussion ; enfin profession publique et commune, habituellement sanctionnée par un acte solennel du magistère ecclésiastique. Cette division n’offre rien d'équivoque pour les deux derniers membres ; il n’en est pas de même pour le premier. Dans l’hypothèse d’une révélation non explicite, les termes de possession tranquille et de croyance implicite sont susceptibles d’un sens plus large que dans l’hypothèse d’une révélation explicite ; car il se peut que l'Église accepte d’intention tout le dépôt divin, sans avoir pris conscience de telle vérité particulière qui s’y trouve enveloppée. Dans ce cas. nous sommes en face d’un implicite objectif, et la dénomination de croyance implicite a, en fin de compte, son fondement dans l’objet luimême, en tant que réellement contenu dans le dépôt de la révélation.

Or, beaucoup estiment qu’en ce qui concerne l’immaculée conception de la mère de Dieu, il ne saurait être question que d’implicite objectif pour toute la période patristique ; période qu’on a coutume d'étendre, pour l’Orient, jusqu'à saint Jean Damascène, mort au milieu du viiie siècle, et, pour l’Occident, jusqu'à saint Grégoire le Grand (t604), à moins que.