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IMMACULEE CONCEPTION

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et, sur sa tête, une couronne de douze ctoiles, » Newman a-t-il pu voir, op. cit., p. 80, 87, « la doctrine de l’exaltation actuelle de la sainte Vierge n. Ainsi, dans l’enfantement douloureux de cette femme couronnée de gloire. Pie X a-t-il pu voir symbolisée, non pas précisément la conception sans tache, mais la maternité spirituelle de la nouvelle Eve : « Saint Jean vit donc la très sainte mère de Dieu au sein de l'éternelle béatitude et toutefois en travail d’un mystérieux enfantement. Quel enfantement ? Le nôtre assurément, à nous qui, retenus encore dans cet exil, avons besoin d'être engendrés au parfait amour de Dieu et à l'éternelle félicité. Quant aux douleurs de l’enfantement, elles marquent l’ardeur et l’amour avec lesquels Marie veille sur nous du haut du ciel, et travaille, par d’infatigables prières, à porter à sa plénitude)e nombre des élus. »

Pouvons-nous aller plus loin, jusqu’au privilège de la conception sans tache ? Il semble que non, à tout le moins par voie de preuve proprement dite ou d’infércnce directe. L’exaltation actuelle de Marie et sa maternité spirituelle ne sont pas, en fait, sans rapport objectif avec son immaculée conception ; mais ce rapport n’est que médiat, même dans l’ordre actuel, et le texte de l'.pocalypse ne fournit pas d'éléments suffisants pour rapprocher et nouer les deux anneaux. Mais ce texte peut fournir une confirmation appréciable de 1 intcrijrétation du Protévangile donnée ci-dessus. Dans cette allégorie complexe, où les points obscurs ne font point défaut, un trio de personnages se distingue pourtant avec une grande netteté : la femme, l’enfant mâle qu’elle met au jour et leur adversaire acharné, le dragon, expressément identifié avec l’antique serpent. « Cette rencontre de l’homme, de la femme et du serpent, observe justement Newman, op. cit., p. 88, ne s'était pas reproduite depuis le commencement de la Bible ; voici qu’on la retrouve vers la fin du texte sacré. De plus, comme pour suppléer, avant de clore la Bible, à ce qui manquait au début, saint Jean, dans ce passage de l’Apocalypse, nous dit, pour la première fois, que le serpent du paradis était l’esprit du mal. » La révélation nouvelle complète donc et précise l’ancienne en montrant cette hostilité singulière du démon, qui se concentre sur l’enfant et sa mère et se traduit par des attaques répétées, mais stériles. Ces attaques vont sans doute au Christ mystique et à cette mère allégorique qu’est son Église ; mais elles supposent et attestent, par voie de connexion, les attaques préalablement entreprises contre le Christ réel et sa niére naturelle, attaques continuées et, dans un certain sens, reproduites au cours des siècles. Quand le peuple chrétien aime à contempler Marie, et que ses artistes la représentent, comme la femme » revêtue de gloire, ayant la lune (et le dragon) sous ses pieds et, sur sa tête, une couronne de douze étoiles », fait-il autre chose en réalité qu’interpréter et combiner les données, corrélatives et cotnpiémentaircs, que lui fournissent le Protévangile et le chapitre douzième de r.Npocalypse ?

Mgr Ullalhornc, The immaciilate conceptionof II. s inothcr 0/ fimî, Londres, 185.5, p. 77-82 ; Newman, A letler adilrestrti lo Ihe Rru. E. B. Pii.sci/, D. D., on occasion of liis Eirenictui, 1800, réimprimée dans Certain difficnUics frit by Anglicans in mlholic tcachinq, Londres, 1876, p. 53 sq. ; trnd. frHHç. déjà cilOc, p. 80-'.)2 ; X…. La Donna dcl Protoevanqrlo, novembre 1869, dans Ciniltà caUolira, 7' série, t. VIII, p. 505 ; Schirben, Ilandlnich tler kalhol. Dogtnatik, t. iii, n. 15, 'îl ; Al..Schîcfer. Die Gottesmnitcr in der « . Sc/iri/f, p. 241-218 ; H. Lc « nani, l>c secundo Eua.c. xviii, V « ii » e. 18.S8, p. 90-98 ; l. de la llroise. Millier amicla sole, dans Usfiliides, 1897, t. Lxxi. p.298-.'J07 ; J.-U. Tcrricn.JLa mérc de » hommes, t. ii. p. 59-84 ; U. Fonck, Das sonntimgliinxle und slcrnenbekrdnzle Weib in der Apokalypse, dans

Zeilschrifl fiir kaihol. Théologie, Inspruck, 1904, t. xxviii, p. 672-681 ; B. Allô, Le douzième chapitre de l’Apocalypse, dans la Revue biblique, 1909, t..xviii, p. 529-554.

Textes opposés.

Tous ceux qui ont nié jadis

ou qui nient maintenant encore l’immaculée conception, protestants, grecs schismatiques, vieux-catholiques, tous ont pris ou prennent un point d’appui dans la sainte Écriture. Les textes qu’ils allèguent se ramènent à quatre chefs généraux : 1. Universalité du péché chez les fils d’Adam, Rom., v, 12, 18 : in quo omnes peccaverunt… Sicut enim per unius delicium in omnes homines in condemnaiionem… ; Eph., II, 3 : Et cramas natura filii iræ, sicut et cœteri. 2. Universalité de la rcdeniption en Jésus-Christ, fondée précisément sur l’universalité du péché, Rom., ni, 23 : Omnes enim peccaverunt, et eqent gloria Dei ; v, 18 : Sic et per unius juslitiam in omnes tiomines in justiflcationem viise ; II Cor., v, 14 : Quoniam si unus pro omnibus mortuus est, ergo omnes mortui sunt. Il faut donc de deux choses l’une : ou soustraire Marie à l’universelle rédemption du Christ, ce qu’on ne peut faire, puisqu’elle-même proclame Dieu son S<uweur, Luc, 1, 47 ; ou la soumettre à la loi du péché coiunuin. 3. Universalité de la mort, considérée comme elTet ou peine du péché, Roin., v, 12 : et ita in omnes liomincs mors pertransiit, éo' (> -àvTi ; rjjvapTov, c’pst- ; i-dire parce que tous ont péché. Marie étant morle comme les autres, c’est donc qu’elle avait aussi péché. 4. Condition vicieuse, dans l’ordre actuel, de la génération humaine, prise et dans son principe et dans son terme, Ps. L, 7 : Ecce in iniqaitatibus conceptus sum, et in peccatis concepit me mater mea ; J oh, xiv, 2 : Qnis potest tacere mundum de immundo conccplum seminr ? Marie ayant été conçue dans les mêmes conditions physiologiques que les autres fils d’Adam, n’a donc pas pu échapper à la tare commune.

Ces textes sont graves assurément, assez graves pour qu’aux yeux d’un grand nombre ils aient donné lieu, pendant plusieurs siècles, à cette question préalable : la sainte Écriture ne s’opposc-t-clle » as à l’hypothèse d’une conception immaculée de Marie ? La solution complète de la difficulté est subordonnée au dévelopiiement de notre étude, car c’est au cours et sous l’innuence de la controverse que cette solution a été provoquée et qu’elle s’est formée. Qu’il suffise d’en donner ici le principe. Nul ne songe à nier que la sainte Écriture ne proclame ruiiiversalilé du péché originel et de la rédemption par Jésus-Christ, comme elle proclame aussi l’universalité de la mort ; mais les textes allégués, pris dans leur ensemble, énoncent des nécessités morales, des exigences de droit ou de principe : tout rejeton d’Adam est, de droit nu en principe, soumis à la loi du péché commun ; en conséquence, il l’encourra de fait au premier instant de son existence, A moins que, par un acte de sa volonté libre. Dieu ne fasse une exception. Car tout législateur qui jouit d’un pouvoir suprême et indépendant garde le droit de ne pas a])pliquer la loi dans un cas particulier, sans compromettre jiar là l’existence de la loi elle-même ; ainsi, nonobstant la loi générale qui reporte à la fin du monde la résurrection des corps, N’olre-Scigncur a pu. par une grJce spéciale, anticiper l'événement en faveur de sa mère bénie. Une exception de ce genre ne [icut pas être siml )lement supposée, c’est trop évident ; elle doit être prouvée, et d’une façon certaine. Mais une lois prouvée, l’immaculée conception de Marie n’est pas plus incompatible avec l’universalité des lois invo<|uécs ci-dessus, que d’autres privilèges de la mère de Dieu communément admis ne le sont avec des lois énoncées, elles aussi, d’une façon générale dans les oracles divins. Par exemple, saint Jacques <lit dans son Épitre, m, 2, que nous péchons tous en beaucoup de choses :