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IMMACULEE CONCEPTION


La femme de la Genèse et son lignage désignant, à tout le moins princ ; ipalenieiil, Marie et son divin Fils, l’inimiliO annoncée et voulue eflicaccment par Dieu se présente connue commune à l’un et à l’autre ; elle sera, pour la mère comme pour le Fils, complète, absolue. C’est là ce qui donne au plan de revanche divin toute sa signification et toute sa portée ; au groupe des vaincus, Adam et Eve, un nouveau groupe est substitué, le groupe des vainqueurs, qui se compose aussi d’un homme et d’une femme. La première Eve repentante et relevée a repris, il est vrai, les hostilités contre le serpent ; mais dans cette femme d’abord vaincue et n’ayant pas recouvré l’innocence originelle, la revanche ne peut être que partielle et relative ; il n’y aura de revanche totale et absolue que le jour où l’Eve primitive, celle qui sortit tonte pure des mains du créateur, revivra pour ainsi dire en une autre elle-même et se retrouvera près du nouvel Adam pour la lutte suprême.

Ainsi présentée, la preuve est indépendante du pronom Ipsa, qui se lit dans la Vulgate ; elle s’appuie directement, non sur le second membre du verset, où ce terme apparaît, mais sur le premier : Inimicitias ponam inler te et mulierem, etc. Les Actes préparatoires à la définition mettent d’ailleurs ce point hors de doute. La grande majorité des théologiens consultés, seize sur vingt, avaient invoqué le texte en faveur du privilège, la plupart d’une façon ferme. Les membres de la commission spéciale, chargée de préparer la bulle, insérèrent la preuve dans le Sillogc degV argomenii, avec cette appréciation : Deus non obscure præsignificasse videtur ; mais ils ne firent appel qu’au premier membre du verset, entendu d’inimitiés communes au Messie et à sa mère : non alias algue alias, scd iinas alque easdem inimicilias ab ipso Dco ponendas. Les notes explicatives, Dichiarazioni, renvoj’aient à un opuscule du P. Patrizi, De immaculala Mariée origine a Dec prædicta, p. 26 sq., en particulier pour ce qui concernait l’inefficacité de ces paroles : ipsa conlcrcl capul iuum, prises directement en elles-mêmes. Sardi, op. cil, , t. ii, p. 47, 55. La position est encore mieux précisée dans le document intitulé ; Brève espospionc degli Atli délia Commissione spéciale ; car deux conclusions y sont formulées : a) On ne peut pas tirer im argument solide en faveur de l’immaculée conception de ces paroles de la Gedèse : Ipsa conlerel capul Iuum ; b) ce privilège a un fondement solide dans ces autres paroles : Inimicilias ponam inler le et mulierem, etc. En appuyant cette interprétation du texte sur l’autorité des saints Pères, les théologiens de la Commission spéciale n’invoquent pas une affirmation explicite, mais seulement ce qu’ils appellent una trad.zione allusiva aquel luogo, c’est-à-dire une tradition se manifestant par des allusions à la lutte et à la victoire communes du nouvel Adam et de la nouvelle Eve. Les exemples donnés appartiennent à des auteurs du ve siècle ou postérieurs : Prudence, Proclus, les auteurs anonymes de l’homélie In annuntialione Deipnras et de la lettre De vira perfeclo, saint Joseph l’Hymnographe et autres poètes liturgiques de l’Orient. Sardi, op. cit., t. I, p. 796. Textes déjà signalés ou que nous retrouverons au cours de cette étude.

La communauté d’inimitié, attribuée dans la bulle au Messie et à sa mère, ipsissimas ulriusque contra diabolum inimicilias, fit quelque difficulté. Dans la réunion du 20 novembre 1854, Mgr Malou, évêque de Bruges, objecta que la chose n’était établie ni par le texte biblique, ni par l’interprétation que les Pères en avaient donnée ; mais il retira son objection quand on eut bien expliqué le caractère implicite ou indirect de la preuve et de quelle manière elle se rattachait à la tradition patristique et ecclésiastique.

Sardi, op. cit., t. ir, p. 169, 199 sq., 209. Un peu plus tard, le cardinal De Angelis, archevêque de Fernio, demanda qu’on indiquiU de quelque manière une difïérence entre la femme et son rejeton relativement aux itnmitiés à l’égard du démon. Ibid., p. 290. Toutes ces circonstances donnent une singulière importance au texte définitif de la bulle, comparé avec les rédactions précédentes. Ibid., p. 307. Il s’en distingue par plusieurs additions : les adverbes clare apcrtcque, qui accentuent le caractère messianique du Protévanglle d’après les Pères ; surtout la finale, où la communauté d’inimitié est maintenue et même mise en relief, mais où, en même temps, la subordination de Marie à son Fils dans la lutte et dans la victoire est soulignée par ces mots : una cum lllo, et per lllum. Additions imprimées en lettres italiques dans la traduction qui suit : " Les Pères et les écrivains ecclésiastiques… ont enseigné que, par ce diviii oracle ; Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta descendance et la sienne. Dieu avait clairement et ouvertement montré à l’avance le miséricordieux rédempteur du genre humain, Jésus-Christ, son Fils unique, et désigné sa bienheureuse mère, la Vierge Marie, et en même temps exprimé d’une façon marquée (insigniler) la commune inimitié de l’un et de l’autre contre le démon. C’est pourquoi, comme le Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, se servit de la nature humaine qu’il avait prise pour détruire l’arrêt de condamnation porté contre nous et l’attacha triomphalement à la croix, ainsi la très sainte Vierge, unie avec Lui étroitement et inséparablement, fut avec Lui et par Lui l’éternelle ennemie du serpent venimeux et le vainquit pleinement en lui broyant la lêle sous son pied virginal. » Texte qui contient deux phi-a"*es nettement distinctes : une première, narrative, où l’on attribue aux Pères et aux écrivains ecclésiastiques le susdit enseignement, docuere ; une seconde, déductive, qnocirca…., où les Pères ne sont plus mis directement en scène ; ce sont les rédacteurs de la bulle et Pie IX avec eux, qui, partant de l’enseignement des Pères comme fournissant le principe, tirent la conséquence et font l’application.

Ces considérations d’ordre positif permettront d’apprécier à leur juste valeur certaines critiques faites couramment, dans des encyclopédies protestantes ou rationalistes, par les adversaires du dogme ou de la bulle de définition. Quand, par exemple, on reproche aux théologiens de Pie IX d’avoir fondé leur argumentation sur une leçon fautive, Ipsa de la Vulgate, on attribue à ces théologiens et au pape lui-même exactement le contraire de ce qu’ils ont voulu faire et ont fait réellement. Quand on objecte que, parmi les anciens Pères, nul n’a entendu’l’oracle génésiaque dans le sens immaculiste, on mêle, inconsciemment peut-être, ce qui, dans la bulle, est proprement attribué aux Pères et ce qui s’y trouve affirmé comme une conséquence tirée de leur enseignement. Ces adversaires méconnaissent le véritable état de la question, en ne tenant compte que des affirmations directes et explicites ; ils négligent à tort ce qui peut être contenu d’une façon soit équivalente, soit indirecte ou implicite, dans la doctrine générale des écrivains primitifs sur Marie nouvelle Eve et leurs allusions à l’union de cette nouvelle Eve avec le nouvel Adam dans la lutte victorieuse contre Satan.

Voir les théologiens traitant de l’immaculée conception : Plazza, op. cii., Act. i, a. 1, n. 77-8, 5 ; Perrone, De immaculala B. Maria’V. conceptu disqiiisHio Uieologica.p.204 sq. ; dans Pareri deW cpiscopato caltolico, Rome, 1852, t. T, Passaglia, De immaculaio Deipara’sempcr Virginis conceptu commeniarius, sect. v, c. 1, Rome, 1854 ; Palniieii, d’abord Tracialus de Deo créante et élevante, th. lxxxviii, Rome, 1878, puis Tractatus de peccato originali et de imma-