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IMMACULEE CONCEPTION


peut, au contraire, admettre l’unité morale du Messie et de sa mère dans la lutte et la victoire comme une donnée purement traditionnelle, étrangère au vrai sens du texte sacré, mais qui, dans la Vulgate, se serait accidentellement grellée dessus. Dans ce cas, quelle que soit la valeur que l’autorité de la tradition « t de l’Église confère à la doctrine prise objectivement, la preuve d’ordre scripturairc disparaît, comme l’enseignent expressément ceux qui adoptent cette manière de voir.

2e inlerprélalion. — Dans le Protévangile, « la femme » désigne littéralement et principalement, sinon exclusivement, la Vierge Marie. Soutenu depuis longtemps par la plupart des défenseurs de l’immaculée conception, ce sentiment est partagé, depuis la définition, par la presque totalité des théologiens < : atlioliques et par de nombreux exégètes, comme T. B. Lamy, Comment, in librum Geneseos, Malines, 1883, 1. 1, p. 233 sq. ; F. X. Patrizi, S. J., De intcrpretaiione Siripturanim sacrarum, Rome, 1844, t. II, q. iv. Voir t.. VI, col. 1211, et la bibliographie qui suiL Cette interprétation est intimement liée, dans l’esgcit de ses partisans, avec celle de l’expression correspondante : " le lignage » de la femme, entendu littéralement et principalement de Jésus -Christ. Lbid. Le développement de la révélation messianique nous apprend qu’eu lui repose le salut réservé aux nations. Gen., xxii, 18 ; Gal., ui, 16. Lui seul est venu au monde pour en chasser Satan et détruire ses œuvres, Joa., xii, 31 ; I Joa, iii, 8 ; pour dépouiller les principautés et les puissances, et ruiner par sa mort celui qui avait l’empire de la mort. Col., ii, 15 ; Heb., ii, 14. Lui seul est particulièrement attribué à la femme comme rejeton, dans un texte où l’apôtre le montre accomplissant son œuvre rédemptrice, Gal., IV, 4,.5 : jacium ex muliere… ut eos qui sub lege erani redimeret. Destiné à jouer le rôle décisif dans la défaite de Satan, Jésus-Christ était donc compris, non pas d’une façon quelconque, mais principalement, dans le lignage de la femme ; car la victoire, énoncée dans la seconde partie du verset et symbolisée par le coup mortel porté à la tête du serpent, ne s’est réalisée pleinement qu’en lui, le nouvel Adam. Cela étant, le lignage de la femme ne peut être proclamé victorieux, et son inimitié avec le serpent ne peut être censée efficace dans un sens plein et absolu que par métonymie, si l’on attribue à la collectivité ce qui convient au membrc principal. De celui-ci seul il est vrai de dire simplement et proprement : Ipse conteret eapul luum. Si dans un texte énergique saint Paul nous montre Satan sous les pieds des fidèles et affirme ainsi leur participation à la victoire finale, c’est direclenient à Dieu lui-même, au Dieu de la paix, qu’il attribue l’écrasement de Satan, Rom., xvi, 20 : 6 oï’lé.

v/v.

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Pj ; ~ooa ; j’Aïuv

Nombreux sont les Pères des premiers siècles qui, dans le lignage de la femme, vainepieur du démon, ont vu Jésus-Christ, né de la Vierge Marie : tels, en Orient, S. Justin, Dial. cum Tnjphone, 100, P. G., t. M, col. 712 ; S. Irénée, Conl. Iiœr., ni, 23 ; iv, 40 ; V, 21, P. G., t. VII, col. 964, 1114, 1179 ; S. l’îphrem, tiymni ri sermoncs, édit. Lamy, t. ii, p. (iO(i : Conculcavil puer cxecrabilem serpenlem, et con/regil capui aapidis ; t. iii, p. 984 : Ex le (^taria) exiel infans qui coiilerel cnpnl aerpenlis ; S. Épiphane, Jlxr., Lxxviii, 18, 19, />. C, t. XLii, col. 728 sq. ; Lsidore de Péliise, EpisL, I. 11, epist. ccccxxvi, /-’. G., t. lxxviii, col. 418. Kn Occident, S. Cyjjrien, Teslimonia adv. Judœos, II, 9, P. /, ., t. IV, col. 704 ; S. Ambroise, Enarr. in pu. JXX VII, serm. i. P. L.. t. xiv, col. 1 01 2 sq. ; S. Léon, Srrm., xxii, in naliv. bom., ii, c. i, P. L., t. i.iv.col. 191. Voir L VI, col. 1210-1211. ICntre cette série de témoi gnages et celle que nous avons rencontrée plus haut, y a-t-il opposition ruelle ?’Il faudrait l’aflirmer, s’il était prouvé qu’en comprenant tous les hommes ou tous les justes dans la descendance de la femme ou en leur attribuant la victoire sur le serpent, les Pères allégués ont toujours prétendu donner le sens littéral, et cela d’nne façon exclusive. Mais cela n’est pas prouvé. La phipart n’ont touché au texte qu’en passant, par voie d-’allusion ou de supposition ; ceux qui s’en sont occupés expressément n’ont pas laissé des commentaires techniques où ils aient distingué nettement entre sens littéral ou moral, entre acception principale ou secondaire. Voir cependant les commentateurs de la Genèse, à partir du v<e siècle, t. VI, col. 1209, 1210. Ce qui est plus important encore, l’application générale qu’ils font à tous les justes des expressions : « lignage de la femme » et : « Il te broiera la tête », n’exclut nullement une application spéciale à Jésus-Christ, suivant une remarque du P. de Hummelauer lui-même, op. cit., p. 162 ; remarque confirmée d’ailleurs par l’exemple des saints Éphrem et Ambroise dans les passages cités.

L’argument que les tenants de la première interprétation tirent du parallélisme entre la descendance du serpent et celle de la femme, voir t. vi, col. 1209, n’a proprement de valeur qu’à rencontre des théologiens et des exégètes qui restreignent exclusivement à Noire-Seigneur la seconde expression. Du reste, à s’en tenir à la lettre du texte, le parallélisme n’est pas à chercher dans l’idée d’une collectivité opposée à une autre collectivité, mais dans celle d’une inimitié s’étendant non seulement à la femme et au serpent, mais encore à leur lignage réciproque, quels qu’en soient d’ailleurs le nombre et la condition. lbid. Enfin, sans être une collectivité, Jésus-Christ n’en présente pas moins quelque chose d’équivalent, quand on le considère comme clief moral de l’humanité rachetée. Gal., iii, 16, 29, autour duquel se groupent tous ceux qui, s’attachant à lui et s’appuyant sur lui, particijjeront à sa lutte victorieuse contre le démon et ses sui)pôts.

Dès lors que « le lignage de la femme » signifie, au moins principalement, Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, ’la fenune » ne doit-elle pas être la bienheureuse Vierge Marie ? C’est d’elle seule que, dans la sainte Écriture, Jésus est dit le rejeton ; c’est comme fils de Marie, n’ayant pas de père selon la chair, qu’il est vraiment, dans un sens unique, « formé d’iuie femme », comme dit l’apôtre. Gal., iv, 4. Surtout, le rôle attribué a la femme de la Genèse ne convient parfaitement qu’à Marie. L’inimitié que Dieu annonce et qui sera son œuvre n’existera pas seulement entre le lignage du serpent et celui de Marie, elle existera également entre le serpent et la femme ; la distinction est aussi nette dans le texte hél)reu cpi’elle l’est <lans le texte latin : inler te et muUerem. et inter semen luum et semen illius. Cette inimitié tendant à la déraite du serpent, comme à son terme, la femme sera donc unie à son lignage dans la victoire non moins que dans la lutte. Si tout se bornait à une reprise d’hostilités entre Eve et le démon, hostilités destinées à se perpétuer entre leurs lignages et suivies plus tard d’une victoire décisive que le seul Sauveur rcmporterait au nom et dans l’intérêt du genre himiain, pourquoi l’hostilité serait-elle attribuée à la femme avec tant d’emphase, et pourquoi à la femme plulôt qu’à l’homme ? l^n droit, i’inindtié entendue de cette manière ne conviendrait-elle pas tout au.ssi bien, sinon mieux, au premier homme, souche physique et chef moral de la race ? En fait, qu’y a-t-il de iiarticulier, sous ce rapport, dans l’histoire d’Eve et de sa descendance féminine, abstraction faite de Marie ? Si donc Dieu.-ittrilnie un rôle spécial à la femme dans la lutte contre le serpent,