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IMMACULÉE CONCEPTION


foi, et répudier imprudemment une grande part de l’iiéritage de vérité que les Livres saints nous ont transmis. » Mgr MaJou, op. cit., t. i, p. 249. Le point capital est de savoir ce que Dieu lui-même avait en vue, et pour le savoir, il faut étudier le texte sous la lumière que projettent dessus et le développement de la révélation et l’accomplissement de la prophétie. Envisagé de la sorte, le Protévangile contient indubitablement le Messie, quelle que soit la manière, directe oa indirecte, explicite ou implicite, dont on préfère concevoir et dénommer cette contenance. Voir t. vi, col. 1210-1211. En va-t-il de même pour Marie ? Non pas qu’il s’agisse de la trouver verbalement là où elle n’est pas verbalement ; mais ne peut-elle pas apparaître dans le Protévangile par identification ou par connexion réelle avec la femme dont Dieu proclame l’inimitié à l’égard du démon ? Une distinction s’impose, historiquement non moins que théoriquement, entre Marie considérée d’abord en général, comme mère <lu Sauveur, puis en particulier, comme immaculée.

b) Marie, dans le Protévangile. — h’Ipsa de la Vulgate ne pouvant être invoqué sans pétition de principe, le débat se concentre sur l’interprétation de ces expressions : la femme et son lignage. Abstraction faite de nuances multiples, deux interprétations générales sont en présence.

i" interpTHalion. — La femme du Protévangile, c’est Eve, littéralement et directement ; car le mot liâ’issa se rapporte à une femme déterminée, celle que ce terme désigne dans les versets qui précèdent et qui suivent. Le lignage de la femme, c’est la descendance d’Eve, le genre humain pris soit dans sa totalité, soit dans son élite ou ceux de ses membres qui lutteront efficacement contre le démon et ses suppôts ; le lignage de la femme s’oppose, en effet, au lignage du serpent, et comme, dans ce dernier cas, l’expression doit s’entendre dans un sens collectif, soit des seuls démons, soit des mêmes et de leurs suppôts, le parallélisme exige que, dans l’autre cas, le lignage de la femme s’entende également dans un sens collectif. Cette interprétation a été soutenue à notre époque par des auteurs protestants, comme Hengstenberg, Chrisiologie des Allen Testamentes und Conimentar iXber die Messianischen Wcissagungen, Berlin, 1854, 1. 1, p. 21 ; Keil, Biblischer Commentar iXber die Bâcher Mosis, Leipzig, 1861, t. i, p. 58 ; Delitszch, Messianische Weissagungen, 2^ édit., Berlin, 1899, p. 28. Elle a trouvé laveur auprès d’un certain nombre d’exégètes catholiques : Reinke, Beilràge zur Erklarung des Allen Testaments, Munster, 1881, t. ii, p. 240 sq. ; Himpel, Die messianischen Weissagungen im Pentateuchen, dans Theologische Quarlalschritl, Tubingue, 1859, p. 217 sq. ; J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 347 ; A.-J Maas, Christ in type and prophecy, New York, 1893, t. i, p. 201, 203 ;

F. de Hummelaiier, Commentar. in Genesim, Paris, 1895, p. 161 sq. ; Crelier, La Genèse, Paris, 1901, p. 56 ;

G. Hoberg, Die Genesis, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 49 ; W. Engelkemper, ûas Protoevangelium, dans Biblische Zeitschrift, Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. viii, p. 363. Voir aussi t. vi, col. 1208, 1209.

A l’autorité d’exégètes marquants du temps passé, comme Bonfrère et Corneille La Pierre, ces auteurs ajoutent celle de divers Pères. Plusieurs ont appliqué le verset à la lutte entre le démon et tous les fidèles. S. Jacques de Nisibe, Interpretationum in Genesim Mllectanea, dans S. Ephrœmi opéra syr. laL, 1. 1, p. 136 : Hic enimvero calcaneo noslro perpétua imminet ; nos vero oportel ipsius observare capul, initium scilicct tentationum. S. Éphrem, Lib. Attende tibi, Opéra grsec. lat., t. I, p. 253 : gai conculcatur ab ils, qui faciunt voluntatem Domini puro corde. S. Basile, Homil. Quod Deus non est auctor malorum, n. 9, P. G., t. xxxi,

col. 347 : inimicilium tiobix Deus adversus illum indidit. S. Grégoire de Nazianze, Orat., iv, contra Julian. , n. 13, P. G., t. xxxv, col. 543 : ()ujs ftoc nobis dédit, ut calcemus supra serpentes et scorpiones ? S. Ambroise, De fuga sœculi, n. 43, P. L., t. xiv, col. 589 : Sumumus euangelicum calceamentum, quo venenum serpentis excluditur, etc. S. Jérôme, à l’endroit cité des Quæstiones hebraicæ : Quia et nostri gressus præpediuntur a colubro, et Dominas conteret Satanam sub pedibus noslris velociter. Saint Jean Chrysostome, en particulier, commente le verset en des termes qui montrent que, pour lui, Eve est « la femme » et ses descendants « le lignage de la femme » : " Je ne me contenterai pas de te voir ramper sur la terre, je ferai encore de la femme ton ennemie, ennemie irréconciliable ; et ce n’est pas elle seulement, c’est encore sa descendance que je donnerai à la tienne pour adversaire perpétuel. » In Gen., homil. xvii, n. 7, P. G., t. i, iii, col. 143. Voir t. vi, col. 1209-1210. Enfin d’autres Pères virent l’Église dans la femme visée par Dieu et les fidèles dans son lignage. S. Augustin, Serm., iv, in ps. ciii, n. 6, P. L., t. xxxvii, col. 1381 -. in figura dictum Ecclesiæ futuræ. Cf. Bède, Hexæmeron, 1. 1, P. L., t. xci, col. 58, et S. Bruno d’Asti, cité t. VI, col. 1210.

Toutefois, ne pas admettre que Marie soit désignée^ littéralement et directement, par la femme du Protévangile, ce n’est pas affirmer qu’elle en soit totalement absente. Les tenants de la première interprétation, les catholiques du moins, l’y retrouvent de diverses façons. Voir l’Ami du clergé, 1900, p. 127 sq. Pour les uns, notamment Corluy, Mans, Engelkemper, voir t. VI, col. 1211-1212, Eve relevée et redevenue l’ennemie de Satan serait la figure de Marie luttant avec son divin Fils et participant à la victoire définitive ; la mère du Sauveur rentrerait donc dans le sens spirituel ou typique de la prophétie messianique. 11 y aurait même davantage pour ceux qui, à l’exemple du P. Delattre, La femme dans l’histoire de la chute originelle, dans la Science catholique, 1891, t. v, p. 520, identifieraient le lignage de la femme avec la « descendance féminine d’Eve » et, par excellence, « celle qui a écrasé la tête du serpent », la bienheureuse Vierge. Aux yeux du plus grand nombre, cependant, si Marie rentre dans le Protévangile indirectement et par voie de conséquence, c’est en vertu de l’étroite connexion qui existe entre le Messie, implicitement révélé dans l’antique prophétie, et sa mère, ne faisant moralement qu’un avec lui dans l’œuvre de la réparation. Mais cette dernière affirmation est susceptible d’im double sens. On peut admettre l’unité morale du Messie et de sa mère dans la lutte et la victoire comme ayant un fondement objectif dans le texte lui-même, étudié et mieux compris sous la lumière combinée de la révélation intégrale et de l’interprétation patristique ou ecclésiastique. Dans ce cas, la preuve reste d’ordre scripturaire, et rien n’empêche un exégète soutenant que « la femme » désigne Eve au sens littéral et Marie au sens spirituel ou typique, d’affirmer en même temps que l’objet principal de l’annonce prophétique est plutôt la seconde que la première. Quelque chose de semblable existerait, au jugement de beaucoup, pour certains psaumes, où le Messie, enveloppé dans un sens spirituel ou typique, n’en serait pas moins l’objet principal visé par le Saint-Esprit. On trouve même des auteurs éminenls qui, après avoir déclaré que « la femme » et « son lignage » désignent directement Eve et sa postérité, font ensuite rentrer dans le sens littéralJésus-Christ et la sainte Vierge ; par exemple, Corneille La Pierre, § Nota secundo : Rursum, hœc ipsa magis Christo et beatæ Virgini contra diabolum pugnanti, eliam ad litteram comteniunt. Voir t. vi, col. 1211-1212. On